BIOGRAPHIE GRINDING AWAY

"Napalm death délivre des diatribes heavy metal"

Ces commentaires sont tirés du site Internet "Grinding Away", conçu du 15 au 22 février 1996 par Carly Carioli.


Quand NAPALM DEATH a fait ses débuts en 1986, il y a eu au moins une chronique pour appeler ça "la fin de la musique". Une décennie plus tard, avec la sortie de leur septième album (sans compter les nombreux minis albums), ils négocient toujours les frontières du heavy metal extrême. Et si "Diatribes" est leur effort le plus accessible à ce jour, il prouve que c'est le monde qui est venu à la rencontre de NAPALM DEATH.

En Angleterre, où les distinctions entre le punk hardcore et le speed metal n'étaient pas aussi rigides qu'aux Etats Unis, l'album du groupe nommé "Scum" et sorti en 1987 a fait tomber les barrières restantes entre ces deux mouvements comme des couches de peau morte, les déchiquetant par 28 salves gavées de bruit en 33 minutes. Dorénavant, le grindcore. Les "chansons" perceptibles manquaient de forme, leurs mini mouvements se fracassant les uns contre les autres ( des cris grognés à corps perdu), faisant péter le compteur, empilant des plans speed inhumains sur des riffs atonaux en boucle. "You suffer" se trouvait enterrée là-dedans, une plainte séismorgasmique de basse-batterie-feedback-cris qui durait exactement une seconde. C'était la fin de quelque chose, peut être du hardcore plus-ç'est-rapide-mieux-c'est.

Scum et son successeur, "F.E.T.O.", positionnèrent NAPALM DEATH au mois aussi loin du heavy metal grand public (Metallica, Slayer) que les métalleux ne l'étaient de Sonic Youth. Pour le heavy metal, qui se développe dans le coin ténébreux des impasses sombres et se nourrit des extrêmes symboliques, l'attrait du vide que NAPALM DEATH avait ouvert était irrésistible. Quand l'audience métal s'est attroupée à la fête de l'alternatif en 1991, il est resté un public restreint mais fidèle pour le grindcore. Et ce public ainsi que NAPALM DEATH (et d'autres) ont défini les frontières du métal extrême depuis.

Pendant ce temps-là, la pure violence que le groupe avait commise contre les principes mêmes de la mélodie et de la chanson avait inspiré le gourou de jazz avant-gardiste John Zorn. Se faisant le champion de leur chaos, Zorn ajouta du saxophone, des génériques de films d'espion et d'autres choses éphémères, et fracassa le monde du free hardcore avec Naked City. Plus tard, il débaucha le batteur de NAPALM DEATH, Mick Harris, et forma le groupe de grindcore expérimental Painkiller.

En faisant un bond dans le temps jusqu'à l'année dernière, NAPALM DEATH a comporté presque une douzaine de membres. Depuis "Scum", ils se sont réinventés avec une férocité élémentaire sur "Harmony corruption" en 1990 et sur "Fear, Emptiness, Despair" en 1994. Et pourtant avec "Diatribes" ils n'obtiennent pas autant de reconnaissance qu'avec n'importe quel autre disque sorti lors cette décennie. On perçoit immédiatement que la chanson d'ouverture, "Greed Killing", est la chose la plus accessible qu'ils aient jamais faite ; celle qui suit contient les tessons de mélodie traditionnelle qu'ils ont toujours utilisé ; et pour le reste de l'album, ils abandonnent les hurlements de gorge graveleuse qui ont été une constante (et leur plus gros handicap commercial) depuis le premier jour.

C'est un effort vigoureux et fortifiant à une époque où le grindcore est devenu complètement prévisible. Les coups de fouet vocaux qui étaient la marque caractéristique du groupe sont devenus les clichés qui qualifient le genre (de Cookie Monster à cookie cutter). Donc c'est à cause de cela que le désaccordé qui bastonne, que la batterie hyperventilée, que les riffs dans le style du "vol du bourdon" et que les déclamations polysyllabiques s'enroulent dans des contorsions sans fin.

Pour un groupe qui s'est bâtit tout seul un nom dans des circonstances inéquitables, les meilleurs efforts sur "Diatribes" soulignent la mesure de NAPALM. "Cursed to crawl" jette un groove frémissant en toile de fond et l'entretient avant de mettre en place un riff injurieux et post-apocalyptique. "Cold forgiveness", la plus lente de l'album, respire avec une intensité sournoise et obsédante qui se transmet au matériel plus bourrin de la deuxième moitié de l'album. Tout au long de "Diatribes", des cris distordus par le feedback, des bourdonnements / gémissements métalliques, des échauffourées d'harmonies latentes et des explosions dissonantes de distorsion s'unissent pour donner un paysage paranoïaque. Ajouter une cabale de schémas question-réponse faisant du ping-pong avec les guitares. "Take the strain" et "Just rewards" suggèrent une musique tribale, moins robotique et moins industrielle, avec les guitares tenant lieu d'instruments de force. Même une vieille farce comme celle d'envoyer un pas militariste presque mécanisé dans une foulée chaotique d'amphétamine arrive toujours à être vaguement menaçante. Un extrait des paroles de la chanson qui a donné son nom à l'album : "Etends toi / Et pleure tant que tu peux / La machine te roule dessus". Ouais, ça a l'air de bien sonner.

Donc NAPALM reste très largement hors d'atteinte de MTV, mais la pop music continue de devenir de plus en plus heavy. Deux albums se sont illustrés dans leur catégorie respective l'année dernière. Utilisant l'exposé fait en une seconde de "You suffer" comme modèle, "Les hits du top 40" d'Anal Cunt ont transformé les explosions de bruit assourdissant en une longue blague monotone hilarante, déclarant de ce fait la fin du grindcore. D'un autre côté, Billy Corgan, guitariste de death metal à l'origine, a inclut une compo de grindcore légèrement remis à jour sur le double album des Smashing Pumkins, qui se matérialise par la dégénération d'une chanson mid tempo en bruit (la chanson s'appelle "Tales of a scorched earth" - les contes d'une terre écorchée), déclarant de ce fait l'entrée du grindcore dans la pop music grand public. Ce qui laisse NAPALM DEATH carrément au milieu - hors norme, presque par définition, mais toujours innovateur.


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