CAMPAIGN FOR MUSICAL DESTRUCTION

OBITUARY / NAPALM DEATH
DISMEMBER

Londres le 8 mai 1992, Bradford le 9, Birmingham le 10 et Nottingham le 11.

Source : METAL HAMMER Spécial Thrash / mai - juin 1992
Journaliste : Robert Muller


Robert Muller est fan de death jusqu'à l'os ! Non seulement il a osé posé son pied allemand sur le sol britannique, mais il n'a pas hésité à passer quatre jours sur la route en compagnie de Dismember, Napalm Death et Obituary. On aurait dû lui filer une prime de risques...

Pour ceux qui n'aiment que le musique douce, ce sont des temps difficiles qui commencent. En Allemagne, un quintette infernal du nom d'Obituary a fait une percée remarquée dans les charts, et les Anglais de Napalm Death ne vont pas tarder à suivre le même chemin avec leur nouvel album, Utopia Banished. Ces deux groupes, qui définissent deux extrêmes du death metal (Obituary étant l'équivalent sonore d'un film d'horreur et Napalm Death l'expression d'une attitude sociale agressive) tournent ensemble en Europe et célèbrent leurs extrémismes musicaux communs sous le titre Campaign For Musical Destruction. Les Suédois de Dismember, qui viennent de sortir leur excellent premier album Like An Ever Flowing Stream, les ont rejoints dans leur danse macabre.

Cette tournée montre que le death metal a atteint de nouvelles dimensions de popularité. C'est pourquoi j'avais d'abord décidé de me joindre aux trois groupes dés le début de cette tournée. La décision fut facile à prendre, mais sur le plan pratique, les grèves du secteur public en Allemagne ne me permirent pas d'accompagner la tournée à ce moment-là. Alors, le voyage vers Londres, pour assister au concert qui devait se tenir à l'Astoria le 8 mai, prit vite des allures d'odyssée qui faisait des étapes dans de multiples petits villages allemands. Mais, avec de la volonté, je me retrouvais enfin à Londres... vingt-quatre heures plus tard ! J'ai vite pris contact avec les groupes pour oublier rapidement cet effroyable voyage.

L'Astoria de Londres
Voici donc le moment opportun pour détruire une idée reçue qui veut que les groupes fassent beaucoup de tourisme quand ils tournent en Europe. La vie sur la route - les repas, le soundcheck, les concerts et les parties - se fait toujours dans le voisinage proche du bus ou de la salle. A Londres, aucun membre de l'équipe ne s'est guère éloigné de plus de cinq cent mètres de l'Astoria !
La tournée comporte deux têtes d'affiche, Obituary et Napalm Death, qui alternent leur ordre de passage chaque soir et jouent chacun une heure. Dismember assure la première partie et joue environ pendant une demi-heure. Ce dont ils firent bon usage, jouant chaque soir neuf titres de death metal suédois hyper-concentré en donnant toujours le meilleur d'eux-mêmes, suscitant même l'intérêt des 1200 personnes présentes ce soir-là à l'Astoria. Jambes écartées, tenant fermement leur instrument, les Suédois n'ont cessé de balancer leurs titres aux enchaînements complexes, tandis que le vocaliste Matti déambulait sur scène comme un lutin maléfique, s'étranglant à plusieurs reprises avec le câble de son micro. A côté de morceaux assez familiers comme "Bleed For Me" ou "Death's sleep", Dismember semblait fortement apprécier de jouer "Skin Her Alive", un titre dont le contexte particulièrement horrifiant a valu à l'album d'être interdit en Grande-Bretagne.
Ce soir-là, Napalm Death joua en second. J'espérais secrètement les voir convaincre grâce à leur nouveau et excellent répertoire, mais ils ne jouèrent que quatre titres du nouvel album, sans doute pour éviter toute confusion dans le public, le disque n'étant alors pas encore sorti. Les quatre titres en question furent "I Abstain", "Dementia Access", "The World Keeps Turning" et "Christening Of The Blind" et constituent les grands moments du nouvel LP. Bizarrement, même Barney a l'air de partager cette opinion. Il semble qu'il faille toujours quelques années aux fans de Napalm Death pour s'habituer à une nouvelle chanson, et alors que je mourrais d'envie de me ruer au premier rang, j'ai préféré rester en retrait et observer. Des vieux titres comme "Pride Assassin" et "Suffer The Children" causèrent une mini-émeute avec force slam et stage-diving à l'ordre du jour. Napalm Death live est un groupe qui tue ! Et la façon dont Barney tournait en rond sur scène à la fin de chaque morceau traduisait bien son sentiment de totale extase.

Évidemment, Obituary ne connut aucun problème pour s'imposer, même après une telle performance de Napalm Death. Avec le répertoire de The End Complete dans leur besace, ils peuvent la jouer tranquille tant il est évident que les kids adorent déjà leurs nouvelles chansons. Cela dit, Obituary a pris son temps avant de lâcher ses nouveaux titres, en commençant son show par "Internal Bleeding", "Godly Beings" et "Turned Inside Out" extraits de Slowly We Rot, puis vinrent ensuite "Dying" et "Cause Of Death" tirés de l'album du même nom, avant qu'enfin ils ne jouent "I'm In Pain", "Back To One", "The End Complete" et "Killing Time", qui furent les quatre révélations du cru 1992. Ensuite, ils remontèrent à nouveau l'ordre chronologique via "Memories Remain" et deux autres classiques, "Slowly We Rot" et "Words Of Evil". Visuellement, Obituary fonctionne toujours sur la complicité entre le guitariste Trevor Perez et le bassiste Franck Watkins, lequel vient souvent tout au bord de la scène, aux côtés d'un John Tardy qui semble en perpétuelle dispute avec son microphone. Même Allan West, qui vient de réintégrer le groupe, a gagné en présence scénique.

Voilà pour le concert. Le reste de la nuit fut écourté par la nécessité d'aller rapidement à Bradford, pour une raison inconnue, et malgré une gigantesque party à l'Astoria. Aussi nous fallut-il atteindre un relatif état d'ébriété le plus rapidement possible ! Ce qui, dans mon cas, fonctionna au-delà de mes espérances, à tel point que je ne repris mes esprits qu'une fois à Bradford.

Le Queen's Hall de Bradford
Une fois arrivés, nous réalisâmes que raconter l'histoire de cette tournée anglaise n'était peut être pas une aussi bonne idée... à moins d'aimer la pluie. Une vraie douche bien chaude aurait donc été la bienvenue. Mais ce genre de choses fait partie du luxe quand on est en tournée, vu qu'il est plus facile de faire couler de l'eau au Sahara que dans un tour-bus. Miraculeusement, des chambres d'hôtel nous avaient été allouées, et nous pûmes passer le reste de la journée à nous reposer, à regarder la télé... et à prendre cette fameuse douche. Malheureusement, les douches furent squattées par Barney et le batteur de Napalm Death, Danny, qui semblaient se livrer à un véritable marathon aquatique. Le reste de Napalm Death, les Dismember et toute l'équipe passa donc le temps à déboucher des bières, histoire de tromper le trac. Dans l'après-midi, tout le monde regarda la finale de la Coupe d'Angleterre de foot à la TV, ce qui donna une chance à nos amis américains de se familiariser avec ce jeu qu'ils appellent soccer, avant que la Coupe du Monde n'aille aux USA. Fort heureusement, Barney adore le foot, ce qui nous laissa juste le temps de prendre une douche...

Après avoir rabaissé le niveau de nos odeurs corporelles à un stade tolérable, il était grand temps de se rendre au Queen's Hall, lieu prévu pour le concert du soir. Là encore, il y eut beaucoup de monde : salle comble avec plus de 700 personnes. Trois membres de Paradise Lost étaient également présents, même si Nick Holmes était bourré comme un âne. Du coup, je passai le reste de la soirée à discuter avec Aaron ou à contempler les événements qui se produisaient. Les trois groupes furent surpris par les réactions très positives du public et délivrèrent des performances hallucinantes. Tout le monde se moquait bien du fait que la sono oscillait par moments et que la machine à fumée déversait sans arrêt un nuage imperméable dans l'air. Au bout du compte, ce fut une soirée euphorique qui nous donne le courage d'affronter Birmingham parce que, les Napalm Death nous l'avaient dit, Birmingham est vraiment une ville de merde. Et croyez-moi, ils savaient ce qu'ils disaient !

Birmingam, ville morne
Au moins, les choses s'amélioraient-elles du côté de la météo. Il ne pleuvait plus toute la journée. Pendant une éclaircie, nous pûmes même apprécier une démonstration de football américain donnée par Allen et Franck d'Obituary. Le reste de l'après-midi se passa à combattre le pire ennemi des tournées : l'ennui. Matti de Dismember tenta d'extraire quelques riffs bien death d'une guitare pas branchée. Les Napalm Death se rendirent à leur appartements respectifs. Seul Barney resta avec nous pour célébrer le culte qu'il voue à Yngwie Malmsteen. Engoncé dans un T-shirt Malmsteen, il nous passa le dernier album du maître à fond dans la sono du bus. Je n'avais qu'un T-shirt de St Vitus, aussi mis-je rapidement la cassette correspondante dans mon walkman, mais pas avant de m'être assuré que Barney Greenway considère St Vitus comme le groupe le plus chiant depuis l'invention de la guitare électrique. Comme prévu, la soirée fut mauvaise, aucun repas n'avait été prévu et, pire que tout, il n'y avait pas de bières ! Le concert se déroula devant un public blasé et clairsemé. Une seule personne se mit à slammer pendant le show de Dismember et c'était Ian Treacy de Benediction. Le reste des célébrités présentes (Bolt Thrower, Cancer et Mick Harris, ancien batteur de Napalm Death, aujourd'hui dans Scorn) nous confirmèrent que c'était là l'ambiance typique de Birmingham. Néanmoins, le son était fantastique et Obituary était sublime. Après le concert, l'un des bus de la tournée resta à Birmingham à cause d'une party, et ne fit l'heure de route jusqu'à Nottingham que le lendemain matin. L'idée ne me déplaisait pas, mais le bus était plein à craquer, toujours sans la moindre boisson, et enfumé à la limite de l'irrespirable. Aussi, je changeais vite d'avis et décidai de partir tout de suite pour Nottingham en discutant avec Barney et en priant pour que le CD d'Yngwie Malmsteen ne refasse pas surface.

Nottingham et MTV
Pour mon dernier jour sur la tournée, le temps s'annonçait dégagé, voire ensoleillé, et même si Nottingham n'est pas, loin de là, un paradis pour touristes, je décidai d'aller m'y promener. Chemin faisant, je tombai à tous les coins de rue sur un visage connu, qu'il s'agisse d'un membre de Dismember, d'Obituary ou même des inévitables Benediction. Les groupes s'occupaient de diverses activités promotionnelles, comme des séances de dédicaces dans les magasins de disques, ou préparaient la visite de MTV, ce soir-là au Rock City. Hélas, MTV avait choisi un mauvais soir : premièrement, Bayney informa cette pauvre Vanessa qu'il considérait que ses questions ne valaient pas la peine qu'il y réponde. Il faut dire que comme d'habitude avec elle, ça ne volait pas très haut... Ensuite, il apparut vite que John Tardy avait des problèmes de voix. Du coup, le reste d'Obituary était légèrement plus nerveux que d'habitude avant le concert. Le Rock City était comble, et les réactions au show de Dismember indiquaient que le public était prêt à tout. Matti fut si heureux de voir une foule tellement enthousiaste qu'il jeta son imposante carcasse au beau milieu des premiers rangs. Ensuite, ce fut au tour des mecs d'Obituary, qui montèrent sur scène sans John. A la place, c'est Barney qui vint chanter pendant qu'un autre micro était installé pour Donald. Barney entama les premières phrases de "Internal Bleeding", et tout de suite, le public se rendit compte qu'il se passait quelque chose de spécial. A partir de là, la scène fut constamment envahie de stage-divers, tandis que Obituary continuait un set quasi-instrumental. Barney restait sur le côté de la scène et donnait de la voix sur quelques morceaux, tandis que Donald faisait de son mieux pour chanter sans s'emmêler les baguettes. Quand il y parvenait, le résultat sonnait un peu comme du Autopsy... A la fin, Barney se mit à beugler "Slowly We Rot" mais le résultat était déjà acquis et les kids étaient comme dingues. Ensuite, le show de Napalm Death fut une véritable formalité. Le public leur aurait, de toute façon, pardonné n'importe quoi.

Après cette inhabituelle mais mémorable soirée, il me fallait faire mes adieux. Alors que les groupes partaient pour la Belgique, il ne me restait qu'à tracer ma route jusqu'à l'Allemagne pour constater qu'enfin, la grève était finie...


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