FESTIVAL MEGAFOLIES
Limoges (Lac de St Pardoux) / 14 mai 1994
Source : HARD'N'HEAVY / Juin 1994
Journaliste : Manuel Rabasse
On peut désormais le clamer sans forfanterie excessive,
avec le recul et ce malgré l'apparente incongruité d'une telle affirmation : cette
première édition des Megafolies, seul festival en plein air exclusivement consacré au
métal sous toutes ses formes en terre française, a surpassé dans pratiquement tous les
secteurs sa consur batave et pourtant bien plus âgée d'Eindhoven, sise quelques
semaines plus tard dans le cadre du Dynamo Open Air Festival et référence absolue du
genre site plus agréable (une base de loisir au cur du Berry), affiche bien plus
riche, visibilité honnête et conditions climatiques légèrement supérieures, avec un
confort d'écoute en conséquence. Seul point noir sur lequel on ne reviendra pas : le
ravitaillement qui, totalement disproportionné par rapport à la taille de l'auditoire,
fut perpétuellement embouteillé. Autre point positif, un accueil incomparable pour les
groupes, tous logés dans un chalet individuel, ce qui leur permit en règle générale de
donner le meilleur d'eux-mêmes. Reste le paradoxe inhérent à ce genre de manifestation
où, en voulant contenter tout le monde et son père, on inflige au public et aux groupes
des horaires parfois "iconoclastes". Résultat, quelles que soient les
conditions, personne ne peut s'arracher à une certaine indolence.
Hoax pâtit justement d'un
passage prématuré et Loudblast
des encombrements alimentaires, bien que, même de très loin, on pouvait constater à la
fois la maîtrise sans faille du groupe dans son répertoire le plus récent et la
fidélité d'un following qui semble désormais se déplacer en toute occasion pour
soutenir l'un des groupes les mieux enracinés ici bas. Mention particulière pour la
"classiciquissime" reprise du "Mandatory Suicide" slayerien. Coroner fut peut être celui qui perdu le
plus dans l'affaire, soleil radieux et son dispersé ne seyant guère au thrash cosmique
des trois Suisses.
Des réserves qui ne semblaient pas affecter les Spudmonsters, "powerful hardcore from Cleveland" qui, enfin libérés de
contingences strictement spatiales sur la très grande scène du festival, s'en donnèrent
à cur joie, sautant partout, plongeant allègrement dans le public et distillant
sans pingrerie les slogans d'amitiés fraternelles et d'antifascisme irréductible,
prouvant ainsi la vitalité d'un style qu'on enterre un peu plus chaque jour.
Une constatation tout autant valable pour Napalm Death qui profita là aussi de la place disponible pour abasourdir son monde,
affirmant une cohésion et une hargne qu'on attendait pas d'un combo à l'inspiration
quelque peu erratique ces derniers temps. Même Shane Embury, symbole même du bassiste
renfrogné depuis la retraite de... Bill Wyman, était dedans, arpentant la scène avec
détermination. Bien curieux ballet que ces quatre musiciens semblant s'extraire d'une
hypnose temporaire à chaque changement de rythme, pour se disperser soudainement aux
quatre coins de la scène avant de retourner bastonner aussi férocement l'accélération
suivante. Impressionnant.
Hasard ou volonté délibérée des organisateurs, la soirée devait s'achever dans la
"punkitude" la plus résolue, d'abord avec Burning
Heads, qui furent d'ailleurs les premiers à subir les aléas
des intempéries et dont on dira simplement qu'il est préférable de les voir dans une
petite salle, même si le groupe n'a pas démérité. Les choses devinrent d'ailleurs
nettement plus fun avec Murphy's Law, qui mixe toujours un son hardcore-metal avec des cuivres, le tout dans
une grande marmite ska/punk et la bonne humeur la plus conviviale, poussant le chanteur à
chercher une forme plus débridée de relations avec le public, au-delà du simple rapport
acteur-spectateur. "L'accès de convivialité" devait se traduire par une
incitation à la bataille de paille et de boue, ce qui, vu la nette intensification de la
pluie, ne posé guère de problème à un public aussi trempé qu'enthousiaste ! La scène
se transforma donc rapidement en un champs de bataille, option patinoire glaireuse.
Bourbeux et dépité, Murphy's Law laissa sa place aux vétérans keupons de G.B.H. et au grand moment de rock'n'roll de
ce festival. Des instants aussi intenses que rares puisque, entre les décalitres d'alcool
ingurgités depuis le matin (il était alors plus de deux heures du matin, les membres de
G.B.H. étant de surcroît les seuls musiciens anglo-saxons présents capables
d'ingurgiter de pleins verres de pastis pur !) et les trombes d'eau qui dégringolaient
rageusement sur la scène presque impraticable suite au pugilat "argilesque"
qu'avait déclenché Jimmy, tout le monde jeta le gant au bout de 15 minutes montre en
main. Même les quelques "crêtus" irréductibles, qui avaient patienté parfois
plusieurs jours pour assouvir leur soif de pogo effréné, la trouvaient plutôt saumâtre
! Il faut dire que les quelques hymnes métallo-punkoïdes étaient joyeusement massacrés
par les quatre Brummies tenant à peine debout.
On racontait alors que les abords du site étaient infréquentables en cette nuit-là mais
ce ne sont pas les quelques journalistes encore vivants qui pouvaient en témoigner.
Courageux mais pas téméraires. Enfin, on a quand même bien rigolé et, c'est sûr, on
reviendra l'année prochaine.