FEAR, EMPTINESS, DESPAIR


Alain Lavanne / HARD ROCK MAG / Avril 1994

Cinquième bombe version studio de la part de Napalm Death. Depuis le tournant death métal de Harmony Corruption, le quintette semblait resté bloqué sur un style qui lui est propre, certes efficace mais peu évolutif, ce qui avait motivé le départ orageux du batteur et fondateur Mick Harris, remplacé par le discret Danny Herrera. Utopia Banished n'avait fait que confirmer la direction prise par Harmony Corruption, sans prendre véritablement de risques. Sous peine de s'auto-plagier, Napalm Death se devait cette fois-ci de trouver une solution médiane entre le changement radical prôné en vain par son ex-batteur et l'extrémisme sonore qui a fait son succès. C'est chose faite avec Fear, Emptiness, Despair. Pas d'inquiétude, amis amateurs de meulage décibélique, Napalm Death demeure contre vents et marées l'un des groupes les plus sauvages de la planète. Seulement, il en va de Napalm Death comme il en fut de l'Homme de Néanderthal : la civilisation pointe le bout de son nez, c'était inévitable et cela s'avère salutaire - salutaire et intelligemment négocié. Il est ainsi notable que les tempos ont ralenti la cadence, même si les célèbres accélérations fulgurantes sont toujours à l'affût. De même, Mitch Harris et Jesse Pintado se sont efforcés d'élaguer leur rythmiques autrefois peu distinctes. L'ensemble y gagne en musicalité et en clarté, et par là-même en puissance. Une production à la fois très claire et sans fioritures renforce les progrès accomplis en matière de composition. A l'arrivée, Napalm Death nous balance un album foutrement vitriolant qui laisse augurer une belle marge de progression. Vous reprendrez bien une p'tite tasse de napalm ?


Louis Bourgade / METAL ATTITUDE / Mai 1994

La peur, le vide, le désespoir ! La paternité de ce titre sans équivoque revient au sombre bassiste Shane Embury, qui semble avoir maille à partir avec la vie. Ce nouvel opus est donc l'œuvre la plus accusatrice des cinq de Birmingham, à défaut d'être la plus bruyante ! Napalm Death ne cesse d'évoluer et semble s'être définitivement affranchi du syndrome Scum ! Le groupe britannique, qui avait entamé sa période de reconversion dés la sortie d'Harmony Corruption, la parachève aujourd'hui en proposant son disque le plus audacieux. Napalm Death n'a rien perdu de son agressivité et son métal grindcoreux donne toujours lieu à des frénésies instrumentales dont il a seul le secret. Mais il faut se rendre à l'évidence, les guitaristes Mitch Harris et jesse Pintado se veulent désormais des créateurs, des sculpteurs de rythmiques, et non plus exclusivement des pourfendeurs de six-cordes ! Napalm Death reste donc égal à lui-même, tout en s'offrant de nombreuses incartades instrumentales. Il n'est pas un titre qui échappe à quelques adjuvants industriels, fusion, voire grunge, ni à quelque trouvaille inattendue. Avouez que le groupe n'était pas un familier des opérations de ravalement ! Barney et les siens ont pris conscience qu'il aurait été malhonnête de refuser l'idée du compromis. Sensé !


Manuel Rabasse / HARD'N'HEAVY / Mai 1994

Le danger se profile, insidieusement. L'ombre sinistre des années 75/76, où les seules perspectives de nouveauté se résumaient au huitième album de Whishbone Ash ou au premier disque solo du guitariste de Yes, plane sur l'horizon discographique. Pensez, Napalm Death, dont tout le génie tient dans la première face de son premier album sorti il y a près de huit ans, en est à son cinquième LP. Depuis, il a tout essayé : s'acoquiner avec Scott Burns, le producteur qui lave plus blanc que blanc (Harmony Corruption), être plus brutal que brutal (Utopia Banished), sortir des Ep's enregistrés en une demi journée (Mass Appeal Madness). En vain. Napalm Death court toujours après l'ombre de Scum. Alors, pour se changer les idées, qui le bassiste Shane Embury au sein de Blood From The Soul, qui le guitariste Mitch Harris pour l'album de Meathook Seed, va se relaxer chez les copains, enregistrer une mixture à base d'industriel et, bien évidemment, apporter sa contribution aux œuvres communes. En l'occurrence, ce Fear, Emptiness, Despair fait la part belle aux guitares dissonantes, aux thèmes en boucle et aux rythmiques inhabituellement déhanchées. Une démarche que l'on pourrait qualifier de hautement avant-gardiste si le quatuor n'avait déjà tenté l'expérience en 1988 sur From Enslavement To Obliteration. Si l'on omet ces quelques réserves de principe, on admettra que cette tentative de renouvellement fonctionne assez bien, le groupe ayant gagné en intelligibilité ce qu'il a perdu en sauvagerie pure. Sauf le chanteur !


Philippe Roizès / RAGE / Mai 1994

On peut parfaitement considérer, sans passer pour un ringard, que la bombe Napalm Death devient rapidement insupportable à l'écoute. Reste que le groupe de ces chevelus du nord de l'Angleterre est indiscutablement l'un des plus importants des années 80 ! Parce qu'il n'était pas donné à tout le monde d'accoucher d'un tel monstre de brutalité et de vitesse, ce qu'on a appelé le grindcore. Une quasi-performance ! De plus, ne perdons pas de vue que deux des membres fondateurs du combo susnommé ont par la suite formé deux groupes majeurs, Godflesh et Scorn, dans un registre d'extrême lenteur tout aussi intense. Il n'y avait donc pas de fumée sans feu ! Le nouvel album de Napalm Death ne se veut ni réjouissant ni bon enfant, on s'en serait douté. Le titre annonce d'ailleurs la couleur, dans la plus pure tradition des activistes anglais Discharge et Crass. Quant au contenu sonore, on se réjouira de l'entendre s'éloigner de ses influences originelles - la ligne dure de Boston et le thrash non métal américain des débuts - pour s'orienter vers un métal lourd surpuissant, aux changements de rythme incessants. Une production décapante garantit un martèlement assassin asséné par des riffs ravageurs, une basse pur Discharge et une batterie marteau piqueur. Hélas, la voix reste désespérément chiante ; on excusera ce braillard caverneux des bas-fonds par la gravité des propos qu'il tient. Au regard de l'histoire, ce énième album est moins crucial que les précédents, mais nettement plus écoutable.


Jon Wiederhorn / site internet CD NOW

Un seul accord répété de guitare martèle et grogne comme un marteau piqueur, puis un hurlement angoissant éclate, suivi d'une volée rythmique purement discordante qui donne l'impression qu'on se dirige tout droit vers un zone d'essais nucléaires. Ces quelques secondes d'ouverture de "Twist The Knife (slowly)" fixent parfaitement le ton du reste de Fear, Emptiness, Despair, la nouvelle expédition de Napalm Death qui va faire mal au système auditif. A la différence des récents disques des cohortes d'Entombed et autres Carcass, le nouveau disque de Napalm ne fait aucun effort pour évoluer ou fusionner avec les styles en vogue des années 90. Aussi primitif et brutal qu'un homme des cavernes découpant un gibier dodu à mains nues et fourrant des blocs de chair crue et ensanglantée dans sa gueule béante, Fear, Emptiness, Despair néglige la structure et la mélodie au profit de rythmes foudroyants et du maximum de bruit. Chaque chanson est un assaut percutant d'une intensité démente. Même les guitares opèrent comme la batterie. Il serait aisé de mettre ça sur le compte d'une production faiblarde et d'un style de jeu négligé, sauf que ce disque a été enregistré et mixé avec le plus grand soin (les vocaux ont même été refaits, même s'ils restent relativement indéchiffrables même en ayant les paroles). Musicalement, c'est nerveux et carré, particulièrement le jeu de batterie effréné qui donne la sensation que des grêlons parfaitement ajustés tomberaient sur des poubelles. Non, Napalm Death savait exactement ce qu'il faisait lorsqu'il a transformé ses rafales de bruit pour coller à l'esthétisme exagéré dont le groupe a fait preuve depuis ses débuts. Le grind dévastateur de chansons comme "Hung", "Aramaggedon x 7", "More Than Meets The Eye" et "Primed Time" prouve que Fear, Emptiness, Despair est un des albums les plus heavy jamais sorti sur une major.


David Newgarden / site internet CD NOW

Si on devait juger les albums de metal en vertu de leur seule "lourdeur", alors Fear, Emptiness, Despair ferait exploser la balance. Les chansons pulvérisantes sont plus lentes et plus longues (elles font toutes plus de trois minutes) et bénéficient désormais de plus de place pour étaler toute la profondeur de la composition qu'au temps des rafales grindcore frénétiques qui caractérisaient ce combo de pionniers à leurs débuts. Vers la fin des années 80, Napalm Death était un groupe énormément innovateur, redéfinissant presque le genre de ses propres mains, éliminant la suprématie de Slayer, Anthrax et Metallica en matière d'extrême et donnant lieu à plusieurs autres groupes inventifs, dont Godflesh, Painkiller et Head Of David. Les grognements vocaux démoniaques qui sont une des caractéristiques principales du groupe ont été singés par d'innombrables imitateurs qui malheureusement y ajoutaient peu de variation et de personnalité, épuisant le style au point d'arriver à des clichés comiques (ce pour quoi on ne peut blâmer Napalm Death). Etant donné cette histoire, Fear, Emptiness, Despair peu sonner un peu conventionnel et pas assez dangereux, mais cet album aidera sans aucun doute Napalm Death à toucher un public qui n'a jamais expérimenté quelque chose comme ça, même de loin. Ceci est le premier disque de Napalm Death distribué par Columbia, et c'est un des albums rock les plus féroces (et les moins accrocheurs) qui soit sorti sur un major jusqu'à présent.


Jenni Glenn / site internet CD NOW

Ces maîtres ultimes du grindcore-speed-thrash-death ont impitoyablement écrasé tout le monde du pied et les ont réduit en une masse tremblante ensanglantée avec le sombre et menaçant Fear, Emptiness, Despair. L'album marque un éloignement notable par rapport au style original de riffs assaillants, informes et rapides comme la lumière, pour à la place mettre en valeur un paysage plus carré et plus structuré de mélodies magistrales brutalement heavy.


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