EARACHE RECORDS :
HOMMAGE POSTHUME AU GRINDCORE

Rédigé par Carlos Pozo en février 1998 ; paru sur Internet. Je tiens à dire que je ne cautionne pas la totalité des dires de Carlos ; son point de vue est néanmoins intéressant et permet à ceux qui n'ont pas connu les heures glorieuses du label anglais de mieux comprendre comment est né ce courant extrême...


Le label Earache, à la fin des années 80 et au début des années 90, consolida le mouvement mondial du grind / death métal en un bloc cohésif le temps de répandre un flot de 99 disques totalement légendaires, le courant atteignant son apogée avec The IVth Crusade de Bolt Thrower, Necroticism de Carcass, Clandestine d'Entombed et The Ethereal Mirror de Cathedral (tous sortis en 1991-1993, 1992 étant une année particulièrement prolifique) jusqu'à se transformer en un marais de disques anonymes de hardcore, d'industriel et de techno médiocres voire mauvais. L'annonce faite en grande pompe (faite début 1997) selon laquelle Earache venait juste de signer le groupe du guitariste de Prodigy n'est que le dernier clou enfoncé dans le cercueil de ce label qui fut jadis puissant. Sans égard pour vos sentiments envers le death métal (ou le métal tout court dans le cas présent), les prestigieux Napalm Death, rien qu'à eux seuls et à travers leurs connexions dans Godflesh, Carcass, Cathedral et Scorn, ont exercé une influence inestimable au niveau de tous les genres de musiques extrêmes, lourds et puissants.


D'ABORD IL Y AVAIT LE LOGO...

Le meilleur logo de label...

Earache Records a toujours eu le logo le plus cool - pointu et vaguement 'hardcorisé' comme une image photocopiée dix fois de suite, et néanmoins dessiné un peu d'une façon Métal superstar, il rassemble tous ces disques tel le symbole extrémiste d'un puissant somnifère ou d'un horrible tatouage de biker pseudo-satanique. Emergeant de la phase crossover du punk hardcore, quand la furie des cheveux longs et la vélocité du speed métal ont commencé à paraître moins attractifs aux yeux des groupes de punk, la première fournée de disques sortis chez Earache a imposé la dynastie de Napalm Death et ses premières diversions dans Unseen Terror et Carcass. Morbid Angel est arrivé peu de temps après avec son album référentiel Altars Of Madness alors que Earache commençait à parcourir le monde à la recherche de stupidités extrêmes de tous types, dans les terres du studio Morrisound à Tampa en Floride, le Vatican du death métal crétin. L'arrêt suivant est en Suède, alors que le Left Hand Path d'Entombed sonne le coup d'ouverture du massacre du death métal scandinave qui n'est toujours pas mort. Ajoutez Bolt Thrower à ce mélange et cette palette est intouchable. Au début des années 90, personne n'était plus heavy, plus rapide ou plus taré que les combos d'Earache. A côté de ça, leurs CD's comportaient les paroles, et même si on prend Carcass, personne ne peut surpasser la créativité linguistique confuse et massacrée des paroles d'Earache.


LES PLAISIRS DU GRINDCORE

Equivalents à la démence engendrée par d'obscures rééditions de groupes de rock progressifs des années 70. Le son du Grindcore est quelque chose qu'on apprend à aimer et qui est imprégné d'ironie et de mauvais goût ainsi que d'une adulation sans borne pour la puissance des guitares distordues et la démence lyrique. Ecouter "Altars Of Madness" de Morbid Angel me laisse le même sensation de dégoût vis à vis de moi-même que lorsque je me mets à écouter des rééditions de Buffalo ou de Flower Travelling Band. Bien sûr que j'apprécie ça, mais la moitié de mon cerveau qui est passé à l'age adulte ne peut concevoir un seul instant la possibilité d'apprécier une telle musique. Cela peut induire des incompréhensions, particulièrement parce que les fans de métal sont notoirement connus comme étant un peu bébêtes. Le simple fait que je trouve Morbid Angel ridicule ne signifie pas que je ne les 'aime' pas. Le death métal et le grindcore sont une seule et même chose - un SEUL genre, pas deux distincts (je vois ça comme une affaire d'opinion personnelle). Je noterai que dans les interviews, tous ces groupes expriment leur insatisfaction à être catégorisés dans ces genres.

Toutefois, Earache Records n'a jamais hésité à exploiter ces étiquettes - regardez la désignation "MOSH"
(web : ce terme ne signifie rien en français, les anglais l'employaient pour désigner la danse frénétique de ceux qui pogotent lors des concerts) et le titre de leur première compilation : Grindcrusher (le broyeur concasseur). Le Grindcore peut être résumé comme le point viscéral ultime d'une recherche de puissance et de vitesse que les divers contingents de groupes de rock'n'roll éternellement adolescents se sont efforcés d'obtenir depuis le début des années 60. Les caractéristiques du Grindcore incluent un son de guitare crissant, qui est typiquement le genre de trucs que Tony Iommi sortait de sa guitare au début des années 70, des 'blast beats' (= tempos en rafales) à 10000 km/h qui dérivent probablement du punk hardcore, et une tendance générale des batteurs à piquer de sacrés colères au milieu de chaque chanson, et finalement, ce qui est peut être le plus important, les vocaux vomitifs à la 'cookie monster', qui en plus de sonner comme ce personnage inoubliable de la rue Sésame dérivent probablement plus de la voix éraillée de Lemmy de Motörhead. S'il y a un doute quelconque sur le fait qu'un groupe est grindcore ou non, je dirais que la voix à la 'cookie monster' est peut être le test ultime. Ajoutez à cette liste le feedback surpuissant et la distorsion qui fait coaguler chaque (bon) enregistrement de Grindcore. La variété anglaise du Grindcore d'Earache est une race spéciale. L'allégeance à un genre, si retranché aux USA, est très fluide en Angleterre, toujours victime de modes qui y naissent ou qui y sont importées. Napalm Death et Carcass ne furent jamais death métal dans le sens où l'étaient les américains d'Obituary, de Death ou d'Autopsy qui, eux, étaient fiers d'être death metal (tous ceux-ci précédèrent Napalm Death). Napalm Death (la formation originale) et Carcass faisaient de la musique extrême dans le même style que ces groupes mais avec leur propre déformation conceptuelle / ironique, sans réelle intention d'exister en tant que métalleux.


LES PRODUCTEURS

En concert, le grindcore est réduit à une batterie qui va à la vitesse athlétique d'un 100 mètres départ arrêté et de lourdes vagues douloureuses de feedback - ce qui explique pourquoi Masami Akita (de Merzbow), un ancien batteur, a (ou au moins a eu) un tel engouement pour le genre et sa marque de fabrique, une pédale de distorsion poussée à fond. Sur disque, la main mise d'Earache sur le grindcore a mis en valeur trois producteurs renommés : Tom Morris/Scott Burns des studios Morrisound de Tampa et leur travail avec Morbid Angel, Nocturnus, Massacre et même Harmony Corruption de Napalm Death, Tomas Skogsberg et les studios Sunlight à Stockolm pour tous les disques d'Entombed, et l'anglais Colin Richardson, sur Carcass, Bolt Thrower, et plus tard Napalm Death et Brutal Truth. Les disques produits par Morris et Burns sont ceux qui sont les moins torturés par le feedback - les sons sont séparés et distincts (cela reste relatif) comme si on avait voulu un son speed métal plus régulier. Tomas Skogsberg obtient le son de guitare le plus incroyablement crade sur tous les groupes qu'il produit - ça fait penser au vacarme sourd d'une roulette de dentiste. Les productions de Colin Richardson mettent l'accent sur le 'groove'- mis en exemple de la meilleure façon possible par les riffs et la batterie qui s'emboîtent monstrueusement de Bolt Thrower et du Carcass ère Necroticism. Dire que tout disque de grind avec n'importe lequel de ces mecs à bord est habituellement 'meilleur' que le reste est un pari gagné d'avance.


AU DELA DU GRINDCORE

La première déviation du Grindcore sur la liste des disques d'Earache est probablement le Streetcleaner de Godflesh, Mosh 15, qui est plus une variation industrielle sur les thèmes du grind (des vocaux dépouillés et des riffs métals) avec l'addition choquante (à l'époque) de tempos mécanisés et de rythmes super lents. Les parties mécanisées furent explorées par la suite par Mighty Force, Scorn, Pitch Shifter, Meathook Seed et d'autres disques ultérieurs innombrables. Les rythmes super lents nous amènent vers les groupes 'Doom' (Cathedral, Confessor, Sleep). Un groupe comme Fudge Tunnel pourrait être placé quelque part au milieu de ces deux camps, car ils évoquent les tempos machinaux du hip hop dans leurs hymnes pseudo funky tout comme la boue dense proférée par la basse heavy du Doom. Naked City de John Zorn (Mosh 28) et plus tard Painkiller constituent des anomalies absolues sur le label et la discussion sur leur mérite relève de la singularité de Zorn. Certaines personnes pourraient affirmer que Naked City est la 'meilleure' chose jamais sortie sur Earache mais cet article cherche à discourir du 'son Earache' plus qu'autre chose et donc je laisse ça de côté. Néanmoins, j'ai réussi à commenter le Mosh 45, "Guts Of A Virgin".


EST CE QUE LE GRINDCORE EST MORT ?

Peut être que oui, peut être que non. Anal Cunt, le développement 'ultime' du son Grindcore avec leur approche à la "rien d'autre que des tempos en rafales" sont toujours sur Earache. De jeunes et nouveaux groupes comme Cryptopsy et Kataklysm (tous les deux du Canada et lançant des attaques complexes et speedées qui détruisent tout sur leur passage) sont aussi bons (ou au moins aussi heavy/lourds/rapides/anals) si ce n'est meilleurs que beaucoup des anciens groupes d'Earache. Catasexual Urge Motivation du Japon est un autre groupe récent plutôt bon et dont le son de boîte à rythme doit autant à Carcass qu'à Godflesh. Brutal Truth, bien qu'ayant quitté Earache, continue de produire des disque de qualité. Brutal Truth et Kataklysm sortent des albums sur le label américain Relapse. Napalm Death a encore fait une tournée mondiale récemment et sort un album par an, la plupart d'entre eux ni meilleurs ni pires que tout leurs précédents - excepté Harmony Corruption - Earache ne les a pas encore abandonnés.


SELECTION DES MOMENTS FORTS

Donc les voici : les 99 premiers disques sortis sur Earache avec une explication détaillée de leurs points forts et faibles ci-dessous (web : je n'ai pas traduit cette partie). On devrait peut être noter qu'il y a des écarts entre les numéros des Mosh dans le catalogue et les dates de sortie. La date apparaissant sur chaque disque est habituellement la date du copyright qui apparaît sur le CD. Beaucoup de ces albums sont épuisés, et certains n'ont jamais été disponibles en dehors de l'Angleterre, et pourtant on peut dire sans exagérer que vous en trouverez facilement la moitié dans des magasins d'occase bien approvisionnés. Dans le bac "Disques en solde", probablement. Les albums figurant sur cette liste et qui sortirent en Amérique soit chez Combat soit chez Relativity ne contenaient pas les jolis petits numéros de MOSH - cela fut réparé lors des récentes rééditions chez Earache USA.


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