FAMILY & FRIENDS
Interview de Shane Embury menée par moi-même le 23 novembre 1998 - totalement inédite. A vrai dire, ce n'est pas une interview typique, c'est en fait la retranscription de la conversation que nous avons eu ensemble après leur concert au Théatre Barbey.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous n'êtes pas
fainéants. On vous a vu en tournée l'an dernier à la même période et vous revenez
cette fois-ci en première partie de Cradle Of Filth. Beaucoup de gens doivent vous
interroger sur le pourquoi d'une telle affiche, non ?
La raison de tout ceci est que nous sommes amis avec les mecs
de Cradle et nous avons eu plein de merdes avec notre management, nous nous sommes
retrouvés tout seuls au moment où il aurait fallu organiser une tournée. Nous ne
pouvions pas tout faire nous-mêmes, c'est pour ça qu'on a choisi cette solution. Ca a
l'avantage de t'enlever un peu de pression des épaules. Et puis, ça aide l'album qui
vient de sortir autrement nous n'aurions rien pu entreprendre avant le début de l'année
prochaine. Je connais bien le batteur de Cradle, c'est un taré !
C'est dur d'organiser une tournée ?
Ca peut l'être, ça dépend.
A part ça, avez-vous d'autres projets de tournée ?
Ouais, je pense que nous reviendrons ici l'an prochain, peut
être à nouveau en première partie. Sinon, tu connais le "Warped tour", la
tournée de skate Hardcore du genre Bad Religion qui sillonne le monde entier ? En fait,
il se pourrait que nous y participions, ce qui serait différent pour nous, nous n'avons
encore jamais été incorporés à ce genre d'événements. Ca devrait être intéressant.
Tu n'es pas tendre envers certains groupes dans les paroles
de la chanson "Purist realist" sur Inside The Torn Apart. A
qui penses-tu ?
Cela ne concerne pas un groupe en particulier. Je ne
mentionne aucun groupe. C'est uniquement à l'intention de certaines personnes qui font
partie de la scène extrême ou soi-disant extrême qui te traitent de vendus bien que
cela soit complètement débile. Iil y a quelques années de ça, ils écrivaient dans les
mags de bons commentaires du style : "Ton groupe tue". Et maintenant ils nous
rejettent. On a l'impression qu'ils sont totalement satisfaits d'être dans leur scène
minuscule et de donner leur avis sur n'importe qui et n'importe quoi. En même temps,
d'après mon expérience, les gens qui te pointent du doigt sont généralement motivés
par l'argent.. C'est une attitude hypocrite en quelque sorte, et c'est ça qui est
vraiment mauvais. Quand on reviendra en Angleterre, il y aura encore des gens pour dire
"Napalm Death, ce sont des vendus". C'est de la jalousie plus qu'autre chose.
Ouais, je vois mieux ce que tu veux dire : "Ta faiblesse
/ ton impuissance / ton incapacité à t'être exprimé"...
Ouais, voilà de quoi parle cette chanson. Mais tu sais,
s'ils en avaient l'opportunité, ils feraient la même chose, et peut être même pire. Ca
craint mais que peut-on y faire ?
Ouais. Vous ne devez pas vous arrêter à ces critiques. Au
contraire, vous devez continuer coûte que coûte...
Oh, nous n'abandonnerons jamais pour autant. Mais ouais, nous
avons probablement pris ça trop sérieusement. Je sais que ces mecs sont comme les
autres, mais c'est le genre de personnes qui, à un moment donné, te porte en grande
estime, se répand en commentaires élogieux puis, deux ans plus tard, te sors que ton
groupe a trop changé, qu'il est nul. Ca me donne l'impression qu'ils ne savent pas où
ils vont. Ils ne sont pas authentiques. Nous, c'est ce que nous sommes, nous sommes
authentiques. Peut être plus que la majorité des autres groupes. Si tu viens à
Birmingham, tu peux facilement nous approcher, alors qu'on ne voit jamais aucun autre
groupe en ville (rires).
Effectivement, cela ne fait pas trop rock-star. Ca me fait
penser à une interview où tu disais que tu étais souvent fauché...
Ouais, parfois. Ca dépend. Parfois, tu reçois de l'argent,
parfois non. Quand ça tombe, ça va, quand ça tombe pas, ça fait chier (rires). C'est
simple comme tout, tu vois. Comme je te disais, on a récemment eu des problèmes de
management, en fait on vient juste de perdre notre manager. Un nouveau gars bosse avec
nous mais les derniers mois ont été plutôt durs financièrement.
Tu parles de Mark Walmesley, qui bossait avec vous depuis
près de dix ans ?
Ouais, c'est lui. Je pense que c'est la crise de la
quarantaine qui l'a incité à partir. Les cinq derniers mois ont été horribles, on
commence à peine à réorganiser tout autour de nous. Nous avons une nouvelle équipe
derrière nous et je pense que ça devrait aller mieux l'année prochaine, on pourra
commencer à envisager plus de choses. Mais c'est sûr que la période qui vient de
s'écouler a été éprouvante. Heureusement, nous sommes plusieurs à partager la même
maison, ça nous permet de diviser les charges.
N'est-ce pas trop difficile de vivre tous ensemble sous le
même toit ?
Pas vraiment. En fait, Il s'agit d'un genre de maison
ancienne assez grande, et très haute. Parfois, Danny peut se trouver à l'intérieur, à
l'étage ou sur le toit, et je ne sais même pas qu'il est là. Jesse dort tout le temps
(rires). Je ne le vois jamais. Le truc, c'est que les prix et les taxes sont très
élevées en Angleterre. Nous travaillons six mois de l'année pour payer toutes les
factures et les impôts. Les personnes qui vivent seules doivent tout payer elles-mêmes.
On préfère vivre à trois (Mitch habitait chez sa copine à ce moment-là) et se
partager les charges.
Dans une interview, j'ai lu que lors de votre tournée en
première partie de Machine Head, les roadies de ce groupe n'avaient pas été très
corrects avec vous.
Ouais, certains, un peu. Je pense qu'ils prennent trop de
temps à faire leur soundcheck ou des trucs dans ce genre.
Mais quand tu prends à peine cinq minutes pour faire un
soundcheck, qu'est que tu peux faire ?
Ouais, je vois ce que tu veux dire mais je pense qu'en ce qui
nous concerne, étant donné que nous répétons ce processus depuis des années et que
notre ingénieur du son connaît son boulot, cela rend les choses plus faciles. Notre
mixage est très simple. On fait vite, quelques coups de tom, la caisse claire et les
guitares de Jesse et Mitch. Il n'y a pas de vocaux ni de basse donc c'est très simple.
Beaucoup de groupes sont très complexes : les guitares ici, les vocaux là et la basse
là, c'est la raison pour laquelle cela devient si difficile. Parfois, cela prend beaucoup
de temps et on ne constate aucune différence. Je pense que cette manière de faire
provient de notre vieille attitude hardcore.
Bien. Revenons un peu sur le passé du groupe. Napalm Death
s'est formé en 1981, c'est bien ça ?
Ouais, mais cela n'a vraiment commencé qu'en 1985. Quand
Micky est arrivé, il a peut être fait les choses plus sérieusement que son
prédécesseur... je ne sais pas comment ça s'est passé à cette époque.
Pourtant tu connaissais déjà le groupe ?
Ouais, nous étions de la même ville et j'étais potes avec
ces mecs. Moi et Mitch Dickinson (qui jouait avec Shane dans Unseen Terror) les avons
rencontrés lors de nos premiers concerts. Ils étaient à l'affiche, et il y avait aussi
Heresy et Anti-Cimex ; tout ça se passait à Birmingham début 86, et ensuite nous avons
fait du tape trading, nous nous échangions des cassettes et des démos. C'est
probablement la raison pour laquelle nous sommes devenus vraiment amis. Une façon
bizarre, plutôt étrange.
Et tu es toujours amis avec eux ?
Ouais, je suis resté en contact avec la plupart d'entre eux.
Pourrais tu me dire très précisément à quelle date tu es
rentré dans Napalm, parce que le premier enregistrement que je possède avec toi, ce sont
les Peel sessions enregistrées le 13 septembre 1987 alors que tu ne joue pas sur la
deuxième face de Scum qui date de 1987.
L'anecdote étrange à propos de ça est qu'ils ont fait la
face A de Scum et puis Justin est parti. Ils m'ont demandé de jouer de la
guitare dans Napalm, et j'ai refusé parce que je manquais de confiance. Et puis Bill
Steer est arrivé, il venait de Carcass, ainsi qu'un mec nommé Jim Whitely et qui jouait
de la basse. Et puis ils ont fait la face B de Scum en avril 1987, je crois. Il
me semble que c'est dans ces eaux là, peut être qu'il est sorti avant. Et puis le
bassiste est parti juste après, j'ai donc rejoint le groupe juste au moment où sortait
le premier album. Toute cette histoire est vraiment confuse. Et en plus, j'ai presque
rejoint le groupe à la guitare (Ndrl : vu la manière dont il jouait de la basse au
début, il a parfaitement raison!). Alors parfois, les gens me diront: "Oh, tu étais
sur le premier album". En fait, ça aurait pu mais non, je n'y étais pas. C'est
assez étrange.
Au fait, Bill vous a-t-il rejoint uniquement pour vous filer
un coup de main ?
D'une certaine manière, oui, mais pas complètement.
Je pense que la force du groupe, c'est d'avoir pu compter sur
le bouche à oreille.
Heu, ça a joué pas mal au début de notre carrière, ouais.
Et puis ça a changé ensuite, dans un sens. Mais je pense qu'il y a toujours pas mal de
monde qui fait du tape-trading.
Et est-ce que tu imaginais, lorsque tu as rejoint Napalm,
l'ampleur que tout ceci allait prendre ?
Je sais pas, je suis quelqu'un qui prend la vie au jour le
jour. Mais ouais, on peut dire que la première fois que je suis arrivé, je n'avais
aucune idée de ce qui allait arriver.
Je suppose que c'est désormais la chose la plus importante
dans ta vie ?
Et bien, c'est une chose très importante, effectivement.
Particulièrement pour moi. Mais je ne sais pas si c'est LA chose la plus importante.
C'est comme la famille et ce genre de trucs.
Es-tu marié ?
Non, non. J'ai eu une copine pendant longtemps mais c'est
fini. Trop dingue (rires) !
La famille, c'est quelque chose d'important. Les amis peuvent
disparaître mais la famille reste toujours là...
Ouais. J'ai quelques très très bons amis chez moi, comme
par exemple Mitch Dickinson. Nous nous connaissons depuis que nous avons sept ans. Mais
les vrais amis sont rares. La famille, c'est important à noël (rires).