DECAPAGE DES CONDUITS AUDITIFS
Interview de Barney et Shane menée par François Sinibaldi, parue dans le Hard Force de novembre 1990
Tout en restant les chefs de file d'un chaos sonore que
l'on nomme avec dégoût Grindcore, Napalm Death semble, depuis quelques temps,
redécouvrir le bon vieux métal. Une révélation ?
Le phénomène inattendu s'est déclaré il y a quelques mois avec la sortie du très
propre "Harmony Corruption", album contenant dix titres seulement. Non,
vous ne rêvez pas, dix morceaux n'auraient pas suffi il y a deux ans pour remplir un 45
tours de Napalm Death. A cette époque, personne n'avait prêté grande attention au
changement de chanteur (Barney Greenway, ex-roadie de Napalm), mettant sur le compte d'une
simple histoire de style ce qui était sans doute l'esquisse d'une nouvelle tendance.
Depuis, les gigantesques chevelures des deux nouveaux guitaristes américains (Jesse
Pintado, ex Terrorizer et Mitch Harris, ex-Righteous Pigs) ont encouragé plus encore ce
retour au thrash traditionnel. Rassurez-vous toutefois, Napalm Death sur scène demeure à
jamais agressif et ultra rapide. Ce n'est pas le succès du précédent album "From
enslavement to obliteration" (plus de 30 000 ventes en Angleterre) qui
éloignera nos cinq apprentis sorciers de la torture sonore qu'ils nous infligent depuis
déjà huit ans.
C'est à Aalst, chez nos voisins belges, que Shane (basse) et Barney (chant) se sont
exprimés paradoxalement calmement après un concert totalement bruyant. Mais après tout,
c'est pour cela qu'on les aime, non ?
Vous entreprenez une sacré tournée à travers toute
l'Europe !
Barney : Nous sommes sur la
route pour plus de trois mois. Nous avons inauguré avec la date belge. Tu imagines la
tension qui régnait dans le groupe avant de monter sur scène...
La France ne figure pas au programme, pourquoi ?
Barney : Nous nous sommes
produits au mois d'août lors d'un festival au Mans. C'est exact, la tournée ne passe pas
par Paris. Je n'ai aucune raison à apporter.
Un rapport avec l'annulation de votre concert parisien
l'hiver dernier ?
Shane : Non, cela n'a rien à
voir. Nous avions des problèmes de douane avec Jesse qui est mexicain. Il lui fallait un
visa spécial pour rentrer en France. Il s'est fait correctement refouler.
A l'époque, la presse avait écrit que la France ne vous
intéressait pas...
Shane : N'importe quoi ! La
preuve, c'est que nous sommes venus l'été dernier. Nous voulons jouer partout mais nous
avons des impératifs techniques et financiers.
Parlons un peu musique. On remarque une nette différence de
sonorité entre votre ancienne formation et l'actuelle.
Barney : Je pense que nous
sommes plus techniques. Jesse et Mitch ont apporté au groupé de nouvelles bases. Bien
que la structure des morceaux ait changé, je crois que le son typique du groupe est
toujours présent.
Le tournant métal cacherait-il une nouvelle orientation
commerciale ?
Barney : Nous sommes et restons
un groupe extrémiste. De ce fait, nous ne serons jamais commerciaux. Nous n'avons jamais
vraiment changé. Nous avons simplement renforcé notre structure musicale mais l'état
d'esprit d'origine demeure. En studio, nous essayons de reconstituer l'intensité
scénique du groupe. L'ancien exécutait en 20 ou 30 secondes un titre puis s'arrêtait
pendant plus d'une minute entre chaque. L'intensité retombait à chaque fois. Maintenant,
nous allons plus loin et nos shows sont meilleurs.
Et il n'est pas trop difficile pour toi de remplacer le
chanteur précédent ?
Barney : Nous avons une
personnalité différente mais je pense m'être affirmé au sein du groupe. De toute
façon, notre musique demeure du Napalm Death.
Entre la face hardcore et la face métal, quelle est celle
qui, selon toi, prend le dessus dans Napalm Death ?
Barney : C'est une énorme
mixture (rires). Mes textes se rapprocheraient plus de l'optique hardcore. La musique est
plus métal et le son s'inspire des groupes industriels.
Est-ce représentatif de tes influences ?
Barney : Non, personnellement,
je viens de la scène métal et j'adore des groupes comme Motorhead ou Black Sabbath. Le
reste du groupe puise dans d'autres styles comme ceux de Discharge ou Big Black.
Parle nous un peu de l'expérience américaine.
Barney : Nous avons fait deux
concerts dans un festival à New York. C'était complètement dingue. Nous sommes aussi
là-bas pour enregistrer "Harmony Corruption".
Que penses-tu de la violence qui règne là-bas ?
Barney : C'est un réel
problème. Personnellement, je ne pourrai pas y vivre. Tu peux te faire braquer à un feu
rouge, dans les embouteillages, les gens se tirent dessus. C'est de la folie ! Il y a
toujours un garde armé dans les supermarchés : si tu piques une tablette de chocolat, le
mec n'hésitera pas à te descendre.
La musique de Napalm Death serait catalyseur de ton
agressivité ?
Barney : C'est certain. Tu sais,
nous avons tous des problèmes personnels dans le groupe, particulièrement dans Napalm
Death (rires). C'est ce qui nous procure la volonté de dépasser nos limites.
Te sens-tu concerné par les problèmes politiques ou sociaux
et en fais-tu part dans tes textes ?
Barney : Bien sûr. Je parle de
tout ce qui me révolte. J'essaies de me démarquer des groupes de death metal qui ne
parlent que de satanisme. C'est vital de faire passer un message sur le monde qui nous
entoure.
Est-ce que tu penses sincèrement que le public reçoit un
réel message quand tu beugles sur scène ?
Barney : M'en parle pas, c'est
bien ça le problème !