RESSURECTION !
Interview de Mitch Harris menée par Frank Arnaud, parue dans le Hard Force de juin 1997.
NAPALM DEATH ! La simple évocation de ce nom suffit à faire détaler les mauviettes tant la formation de Birmingham incarne le summum de la puissance et de l'agression sonores. Patriarche du grindcore, il nous revient avec un neuvième album intitulé "Inside The Torn Apart", plus proche désormais d'un Sepultura que d'un Cannibal Corpse. La carrière de Napalm Death se trouve t-elle aux portes de la reconnaissance et que penser des derniers 'allers-retours' de son 'frontman' Barney ? Mitch Harris était de visite dans la capitale à l'occasion d'une journée de promotion, coincée au milieu de la tournée avec Machine Head. Nous en avons profité pour apprécier l'état de santé de l'un des derniers monstres du genre...
Mitch, que s'est-il réellement passé avec Barney ces
derniers mois ?
Après la tournée pour notre avant-dernier album, "Diatribes",
nous sommes devenus vraiment distants à l'égard de Barney. Il ne semblait pas être sur
la même longueur d'onde que nous. Il était très négatif. Il était de plus en plus
difficile de communiquer et nous lui avons demandé s'il était encore impliqué à 100 %
dans le groupe. Comme ce n'était plus le cas et pour ne pas freiner notre progression,
nous avons décidé de nous séparer de lui. Nous nous sommes arrêtés pour réfléchir
à l'avenir de Napalm Death, mais vu que nous étions tous les quatre très motivés pour
continuer, nous avons contacté Phil Vane d'Extreme Noise Terror. Nous avons préparé
l'album avec Colin Richardson, mais après avoir enregistré tous les instruments, lorsque
nous avons entendu Phil, nous avons constaté que cela ne collait pas avec la direction
musicale choisie. Shane était toujours pote avec Barney et nous avons profité de cette
situation pour lui demander s'il voulait revenir. Il était vraiment étonné parce qu'il
avait totalement fait une croix sur Napalm Death ! Il a voulu écouter les nouveaux titres
et a été agréablement surpris, car il avait peur que nous nous soyons assagis. Deux
jours plus tard, Barney est venu nous dire qu'il était d'accord pour réintégrer Napalm.
Nous sommes entrés en studio pour finir l'album. Shane et moi avons passé beaucoup de
temps pour lui apprendre les titres rapidement. Le résultat a été formidable... On
s'est alors tous dit : "Ca, c'est le vrai Napalm Death !". Tous ces problèmes
sont maintenant résolus, car il s'est aperçu combien le groupe avait d'importance pour
lui... et réciproquement.
Cela ressemble presque à une réconciliation de couple
divorcé !
Dans un sens, être dans un groupe, c'est comme une relation
amoureuse. Malgré tous les problèmes, on essaye toujours d'aller de l'avant en
ménageant la susceptibilité de chacun. Avant cette rupture avec Barney, on n'arrivait
vraiment plus à rien, ni même à se parler. Le titre de l'album, "Inside The
Torn Apart", est le juste reflet de l'ambiance conflictuelle qui régnait dans
le groupe. Dans un sens, c'est comme si on redémarrait avec un nouveau chanteur.
Si à une époque, Napalm Death jouait aux 'chaises
musicales' tant les changements de musiciens étaient fréquents, il semblerait que vous
ayez enfin trouvé une certaine stabilité...
Hum... j'étais fan de Napalm Death avant même de rejoindre
le groupe. Pour moi, Napalm Death n'était pas une histoire de personnes mais le groupe
extrême par excellence. J'ai toujours beaucoup respecté l'essence créative du groupe,
même avant que je ne le rejoigne et que le line-up se stabilise un peu. Désormais, les
choses sont bien plus faciles, car nous sommes proches comme des frères. C'est vrai, il
est dur de maintenir presque quotidiennement la joie de vivre dans une équipe de cinq
personnes totalement différentes, mais je suis vraiment content quand tout a bien
fonctionné durant la journée et que nous arrivons à communiquer sans nous chamailler...
Cela nous a pris presque six ans pour bien nous connaître les uns les autres, mais je
pense que sous un autre line-up, Napalm Death continuerait tout de même. Tant qu'il y
aura des fans pour ce genre de musique, le groupe poursuivra sans que quiconque ne se
soucie de savoir qui est dans le groupe.
Comment se déroule la tournée avec Machine Head ?
De façon excellente ! Tous les concerts sont bourrés de
jeunes fans qui découvrent certains groupes de l'affiche, puisque nous tournons aussi
avec Coal Chamber et Skinlab. Nous avons également nos propres fans et il est
intéressant de jouer devant un public bigarré. C'est un bon "package" et nous
n'aurions pas voulu manquer l'opportunité de faire cette tournée : elle tombe à point
pour la réintégration de Barney et la promotion de notre nouvel album.
N'es-tu pas un peu amer que Machine Head soit votre tête
d'affiche après seulement deux albums, alors que vous en comptez plus du quadruple ?
Non. Il est compatible d'être établis comme nous, avec nos
propres fans fidèles, en ouverture d'un jeune groupe qui, avec ses premiers albums, a
vendu beaucoup plus. Nous ne sommes musicalement pas abordables par tous et Machine Head
n'a pas besoin de nos pour remplir les salles. Tout est parfait et nous attendions de
pouvoir ouvrir pour un groupe comme celui-ci depuis 5 / 6 ans.
J'ai entendu dire que vous reviendrez assurer une tournée en
tête d'affiche à la rentrée ?
En effet. Je n'en sais pas beaucoup plus pour l'instant, car
nous devons attendre la sortie du nouvel album et voir comment il se vend avant
d'organiser la tournée. Nous ne voulons pas jouer dans des salles trop grosses ni trop
petites. En général, 6 à 700 places nous conviennent parfaitement.
Revenons à ce nouvel album... Ne penses-tu pas que le fait
d'avoir choisi de nouveau Colin Richardson comme producteur était pour vous le meilleur
moyen de vous sécuriser après toute l'agitation vécue autour de Barney ?
Dans un sens, c'est vrai. Mais comme je l'ai déjà dit,
"l'esprit" Napalm Death survivra aux membres du groupe et le plus important
n'est pas de savoir qui joue dedans.
Peux-tu nous parler un peu plus du titre de l'album ?
Outre l'aspect autobiographique de ce titre, je pense que
chacun d'entre nous peut en faire sa propre interprétation. Cela peut te rappeler
n'importe quoi... la mort d'un père de famille durant une guerre... être un enfant et
voir ses parents divorcer... ou le split de ton groupe... une population tuée par des
virus chimiques ou des déchets radioactifs... Ce titre peut coller à des tas
d'expériences humaines différentes.
Pour la musique, je pense qu'en restant puissants, les tempos
se sont bien ralentis...
C'est vrai... Je plaide coupable, ah, ah... Dans le passé,
le fait de jouer des morceaux aussi rapidement restait vraiment original et c'était comme
un sacerdoce pour Napalm Death de réaliser des albums dans cette lignée. Il y a eu
beaucoup d'évolution dans la musique du groupe, et durant nos nombreuses tournées, nous
nous sommes rendus compte que nous jouions de moins en moins de titres
"extrêmes" parce que le public n'y réagissait plus vraiment. Nos chansons sont
toujours puissantes mais il était nécessaire de ralentir un peu pour permettre au groupe
de progresser.
En concert, continuez vous de jouer des chansons de cet
acabit ?
Nous sommes plus focalisés sur les trois derniers albums,
mais il y a toujours une place de choix pour des titres comme "Scum", "The
Kill"... Nous avons beaucoup joué en huit ans et certaines personnes ont
entendu live des titres à cinq ou six reprises. Nous avons voulu faire évoluer notre
set-list et proposer un show différent de celui d'il y a quelques années en nous
concentrant sur les derniers albums. Mais il est évident que nous comprenons que nos fans
veuillent aussi entendre de vieilles chansons.
Musicalement, je trouve que le dernier Napalm Death n'est pas
si éloigné de groupes comme Sepultura et Machine Head. Penses-tu que le frein à la
carrière de Sepultura vous permettra d'occuper une place pour l'instant vacante ?
Je vois ce que tu veux dire, mais pour l'instant, je suis
triste de voir ce qui lui arrive, car c'est un grand groupe. C'est certainement le groupe
leader depuis le début des années 90 pour ce genre de musique. Je ne veux même pas
penser à ce genre de calcul, car ce sont de bons amis et je sais que leurs fans sont
aussi fanatiques que les nôtres. Je veux juste envoyer un message positif à tous ceux
impliqués dans cette histoire et nous espérons les revoir bientôt sur scène. Nous ne
comptons que sur la musique de Napalm Death pour arriver à nos fins.
A la fin des 80's, la scène anglaise ressemblait à une
grande famille avec des groupes comme Carcass, Bolt Thrower, Terrorizer ou Cathedral.
Qu'en est-il en 1997 ?
Nous ne nous voyons plus aussi souvent maintenant. Bien sûr,
nous sommes toujours amis et quand nous nous rencontrons, c'est toujours de superbes
retrouvailles. Mais beaucoup de groupes anglais de cette époque ont disparu. C'est
partout pareil d'ailleurs ; désormais, un groupe doit vraiment s'accrocher s'il veut
continuer à vivre. Tout change autour de nous et on a posé beaucoup de barrières autour
du marché métal... MTV n'en diffuse presque plus et c'est comme s'il se tramait un
complot contre ce genre de musique. Heureusement, nous sommes allés trop loin pour
renoncer. Beaucoup d'entre nous ont abandonné femmes et enfants pour rejoindre Napalm
Death qui est devenu plus qu'un simple groupe... C'est comme une mission sacrée de jouer
de la musique extrême.
Parallèlement, quelles sont vos relations avec la nouvelle
génération incarnée par Paradise Lost, My Dying Bride ou Anathema ?
N'importe quel groupe aussi important que Paradise Lost
apporte une grande contribution à cette scène. Je ne suis pas trop branché par le
gothic-metal, mais je respecte son aspect novateur. Si les groupes sont heureux et qu'ils
ont des fans, tant mieux pour tout le monde.
Vous avez une position nettement arrêtée en ce qui concerne
le fascisme et les mouvements skinheads. Que pense-tu de l'évolution alarmante du
fascisme en Europe ?
Bien sûr, nous nous sommes à 100 % contre ce genre de
mouvements mais également contre la censure. Nous pouvons juste leur montrer qu'ils ne
mesurent même pas les conséquences des idées qu'ils défendent. Depuis la nuit des
temps, l'humanité a passé son temps à se haïr elle-même pour des différences
d'opinions, de religions, de races ou de couleurs de peau. C'est juste une excuse pour
défouler sa haine sur l'autre et certains ont compris qu'ils pourraient utiliser cette
haine pour s'emparer des esprits de ceux qui doutent.