FEROCE BRUTALITE...

Interview de Shane Embury menée par Frank Arnaud, sortie dans le Hard Force de décembre 1998

Un an après son précédent album intitulé "Inside The Torn Apart", NAPALM DEATH repart à l'assaut du public. Avec des ingrédients toujours aussi explosifs, le gang culte de Birmingham réussit une fois de plus à assembler une bombe death metal qui évite tous les pièges et les recettes faciles. L'inépuisable et imposant Shane Embury était de passage éclair à Paris pour présenter "Words From The Exit Wound". L'occasion rêvée pour redécouvrir ce pilier de l'extrême...


On ne s'attendait pas vraiment à voir débouler aussi vite un nouveau Napalm Death. Comment expliques-tu cette intense productivité ?
En 1998, nous n'avons finalement pas tourné autant que les années précédentes. C'était une situation assez bizarre, en fait. Nous avons donc décidé de repartir sur un nouveau disque et de travailler de nouvelles chansons. Nous sommes allés en studio en février dernier pour enregistrer quelques titres-repères pour le reste de l'album. Mais je dois dire que nous composons très rapidement et cela occupe quasiment tout notre temps libre... Lorsque nous sommes backstage durant une tournée ou tranquillement chez nous, nous avons toujours une guitare à portée de main pour tester quelques idées. Le groupe a toujours été très entreprenant dans ce domaine et nous sommes tous extrêmement dynamiques. Personnellement, j'écris beaucoup lorsque j'ai le cafard et je dois dire que les infos et l'état de notre planète ne sont pas là pour me remonter le moral.

Le fait que vous ayez moins tourné est-il un choix délibéré ?
Non, pas du tout. Ce ne fut pas une décision prise par Napalm Death, mais des événements successifs qui ont conduits à cette situation. Mais même si nous n'avons pas arpenté les routes comme d'habitude, nous avons tout de même donné pas mal de concerts. Il est dur d'expliquer ce qui s'est passé à ce moment-là... Nous avions tant d'idées et puisque l'occasion se prêtait à nous, nous avons foncé en studio.

En 1997, vous avez réalisé des dates avec Machine Head. Est-il difficile d'ouvrir pour un groupe si jeune comparativement à Napalm Death ?
Non. Tout s'est très bien passé... En grande partie parce que nous connaissions déjà bien les gars de Machine Head, car nous avions déjà tourné ensemble aux States. Cette tournée a permis de mélanger deux publics différents et à en juger l'ambiance chaque soir dans la salle et les bakstages, je peux aisément déduire que ce fut un succès total.

Vous êtes produits une fois de plus par Colin Richardson. Comment expliquer que vous continuiez à partager l'aventure aussi longtemps avec lui ?
Il est devenu bien plus qu'un producteur pour nous. C'est aussi un ami. Et je réalise qu'il progresse avec chacune de ses productions. Il a toujours réalisé de l'excellent travail pour le groupe et cela nous permet d'être plus relax en studio pour enregistrer. Pour une fois que nous avons quelqu'un de vraiment loyal dans notre entourage, nous préférons qu'il reste avec nous.

Pratiquement, comment s'est déroulé l'enregistrement de "Words From The Exit Wound" ?
Très vite, car tout a été enregistré en une quinzaine de jours ! Nous avions tellement répété avant d'entrer en studio que ce fut expédié en un temps record. Le fait d'avoir Colin à la production n'a fait qu'amplifier le mouvement, car il connaît parfaitement notre style. En travaillant avec lui, nous sommes assurés d'aimer le résultat.

La pochette est assez étrange, particulièrement cette petite créature qui sort de la bouche enflammée...
La pochette vient d'être finalement modifiée. Ce n'est plus celle du CD promotionnel. Le concept est à peu près identique, mais la créature possède un visage plus... normal (rires). La nouvelle pochette a été conçue par la personne qui a réalisé celles de nos derniers disques. Il a toujours des idées marrantes qui lui sont suggérées par notre musique.

Le titre de l'album sent la revendication...
C'est exact, bien que les paroles de chaque chanson abordent des thèmes bien différents. Le premier titre, "The Infiltraitor", parle en gros de notre actuel premier ministre [Tony Blair] qui a fait beaucoup de promesses qui ne se concrétisent pas. Les autres parlent encore du racisme, de la paranoïa engendrée par la société moderne et de tous les problèmes auxquels se heurte notre planète. Nos fans savent que c'est un discours que nous tenons depuis nos débuts...

Parmi les plus gros phénomènes de la société britannique, le football. Tu n'étais pas trop déçu par la défaite de l'équipe anglaise en Coupe du Monde ?
Je ne suis pas fanatique de ce sport, mais j'ai quand même pas mal suivi les rencontres. J'ai été un peu "dégoûté" par le parcours de notre équipe. Mais j'étais bien content que le France batte le Brésil, car tout le monde croyait que le Brésil gagnerait ! Par contre, j'ai trouvé très triste l'attitude des hooligans anglais. C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne suis pas le foot de très près. Je ne suis pas un grand sportif non plus. Je suis plus porté sur les livres ou les films.

Revenons à la musique : la plus grosse évolution notable sur ce disque, c'est certainement celle réalisée au chant par Barney. Sur le titre "None The Wiser", c'est vraiment la première fois qu'on entend une approche aussi mélodique de sa part...
Je pense qu'il se sentait prêt à essayer quelque chose de différent. J'ai été aussi surpris que toi par ses lignes mélodiques, mais après les avoir écouté, nous avons trouvé que cela sonnait bien et que cela ne dénaturait pas trop notre musique. Puisque Barney semblait sérieusement motivé, il n'y avait pas de raison de ne pas le suivre.

Ne penses-tu pas possible que votre tournée avec Machine Head, qui pratique à la fois un chant agressif et un chant mélodique, ait déclenché quelque chose chez Barney ?
Cela m'étonnerait fort. Je ne sais vraiment pas pourquoi il a décidé de chanter ainsi. Je ne pense pas qu'il ait été influencé par quoi que ce soit ; c'est plus une évolution sur son propre chemin. L'important, c'est que cela marche. Nous serons toujours les premiers à l'encourager.

Un clash s'est produit entre le groupe et Barney, il y a environ un an et demi. Comment vois-tu la chose avec le recul ?
Je crois que nous formons un vrai groupe. J'ai toujours été très proche de Barney et ce n'est pas près de changer. La bonne ambiance qui règne dans Napalm Death a tellement sécurisé Barney qu'il a pu se lancer sans arrière pensée dans son "chant mélodique". Le fait de répéter quasiment tous les jours pour ce disque n'a fait que renforcer les liens et guérir les blessures du passé. C'était une sale période pour lui lorsqu'il a quitté le groupe et je crois qu'il est revenu vraiment en pleine forme.

Vous allez partagé l'affiche d'une tournée européenne avec Cradle Of Filth. C'est une alliance assez surprenante !
Je connais bien les musiciens de Cradle Of Filth, et plus particulièrement Nick, le batteur. Nous avons formé un groupe parallèle et nous venons juste d'enregistrer un album. Ce sont eux qui nous ont suggéré de partir ensemble en tournée. Ils ne voulaient pas jouer avec d'autres groupes de black metal. Cela nous permettra d'approcher un autre public. A coup sûr, cela sera une expérience très intéressante. Mais je pense que nous devrions refaire une tournée en tête d'affiche au printemps 99.

Tu écoutes un peu de black ?
Pas vraiment. Bien sûr, j'ai écouté les vieux de la vieille comme Venom ou Bathory. Parmi les "nouveaux" que j'ai pu entendre, j'ai bien apprécié Emperor. Mais toute cette scène est trop bizarre pour moi...


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