ULTRAFAST THRASHCORE

Interview de Mick Harris menée par James Petit, parue dans le numéro n°66 de HARD ROCK MAGAZINE d'avril 1990.

NAPALM DEATH EST PROBABLEMENT L'UN DES GROUPES THRASH EUROPEENS LES PLUS EXTREMISTES. REGULIEREMENT CLASSE EN TÊTE DES CHARTS INDEPENDANTS ANGLAIS, LE GROUPE DE BIRMINGHAM EST UN GROS VENDEUR DE DISQUES MALGRE UN STYLE POUR LE MOINS ANTICOMMERCIAL. HARD ROCK MAGAZINE A RENCONTRE POUR VOUS CES VALEUREUX DEFENSEURS D'UN DEATH METAL ULTIME.


Napalm Death est probablement l'un des groupes les plus brutaux que la perfide Albion ait enfanté. Groupe culte pour certains, grotesque plaisanterie pour d'autres, Napalm Death a au moins le mérite de faire parler de lui sans qu'il soit possible de déceler de sa part la moindre tentative d'aller vers une direction commerciale. C'est le moins qu'on puisse dire !

Formé en 1982 à Birmingham, le groupe a connu quelques changements de line-up avant de se révéler en 1987 avec un premier album, Scum. Ensemble cacophonique de 28 "chansons" où tentent de surnager des "vocaux" inintelligibles, l'album franchit le seuil des 30 000 ventes à l'échelle européenne, ce qui semble être, à proprement parler, un véritable exploit !

Musiciens précurseurs ou escrocs puérils, prophètes incompris ou sous-doués particulièrement chanceux, il était temps de lever le voile sur le mystère Napalm Death. Il faut dire que l'aspect plutôt - hum ! - bestial de Mick Harris, le batteur et leader du groupe, ne plaide pas vraiment en sa faveur. Comme quoi les apparences peuvent parfois être trompeuses…


Comment l'idée de pousser le vice aussi loin vous est-elle venue ? Au départ, c'était une plaisanterie ?
Mick : A aucun moment et d'aucune façon ! Dés 1986, lorsque nous sommes parvenus à trouver une certaine stabilité dans le line-up, nous projetions d'associer nos racines musicales, le punk hardcore anglais de Discharge essentiellement, et nos goûts personnels pour les groupes death métal américains comme Master, Repulsion ou Death. Ca n'a jamais été une fanfaronnade et nous nous sommes mis d'entrée au travail pour nous forger un style bien à part sur la scène underground.

C'est de la musique alors ?
Mick : Définitivement. C'est même la plus audacieuse qui soit. Les membres qui ont pu passer dans le groupe disposaient tous d'un bagage technique certain. Le plus délicat, en répétition, c'est la mise en place des morceaux. Nous allons tellement vite, le rythme de batterie est tellement difficile à tenir qu'un morceau de une à deux minutes peut nous prendre plusieurs jours à interpréter parfaitement.

Soyons réalistes, certains titres de Scum ressemblent davantage à des cris de chimpanzé en rut pendant qu'un avion décolle.
Mick : C'est essentiellement un problème de production car nos compos sont exécutées avec sérieux. Disons, pour être honnête, que pour apprécier notre premier album, il faut faire preuve d'ouverture d'esprit et appréhender chacun des morceaux dans sa globalité comme une tranche de brutalité excessive. Car c'est ce que nous souhaitions à l'époque, même si depuis, le groupe a beaucoup progressé.


Justement, parlons-en de cette irrésistible évolution artistique matérialisée, dés 1988, par un second album horriblement agressif mais sensiblement mieux produit. From Enslavement To Obliteration confirma dés sa sortie, l'optique thrashcore extrémiste qu'avait choisi Napalm et perpétua la tradition joliment "commerciale" de son prédécesseur. 40 000 exemplaires vendus à ce jour. Aux côtés de gans illustrement minimalistes que Carcass, Extreme Noise Terror, Intense Degree ou Bolt Thrower, Napalm continuait son ascension dans les charts indépendants.

Le Grindcore (traduisible par "limite du broyage") ne te paraît-il pas être une sorte de mode snobinarde vouée à disparaître bientôt ?
Mick : Nous tenons notre avenir entre nos mains et il nous incombe la responsabilité d'évoluer sans pour autant trahir le concept de base qui a séduit nos fans. Avec Mentally Murdered, le mini album sorti en juillet dernier, je pense que nous avons posé des jalons assez indicatifs de nos possibilités. Le prochain album sortira en avril et laissera davantage de place aux parties de guitares et aux breaks lourds, dans une vision plus death metal qu'auparavant.


Ces modifications structurelles artistiques semblent d'ailleurs avoir généré pas mal de désaccord au sein du cult-band. Une mini tournée enthousiaste au Japon, pendant l'été dernier, a débouché sur le départ de Lee Dorrian (vocaux) et Bill Steer, maintenant leader de Cathedral. Les "dissidents" furent aussitôt respectivement remplacés par Barney (ex-Benediction) et Jesse Pintado, le guitariste de Terrorizer. Mis à part ce dernier, en provenance directe de Californie, les différents musiciens de tous les groupes de grindcore ont par le passé joué indifféremment dans deux ou trois groupes, histoire de passer le temps et surtout d'alimenter en personnel une scène bien intimiste. Le grindcore du West-Midlands pourrait ainsi passer pour une secte intégriste dont les fidèles seraient interchangeables
Mick : Au départ, c'était plutôt une sorte de famille, un groupe d'amis très proches qui se passionnaient pour les mêmes choses : la musique, la littérature, les films… La notion de solidarité se ressentait comme primordiale et, c'est vrai, tout le monde filait un coup de main à n'importe qui au sein des différents groupes. Mais, depuis un an, les relations se sont progressivement faussées parce que certains groupes bénéficiaient de plus de soutien de la part du label, Earache records, parce que d'autres remportaient plus de succès lors des concerts ou, tout simplement, parce que Napalm Death vendait plus d'albums que les autres. C'est regrettable, mais la jalousie reste un problème humain.


Les rapports de Napalm avec son public originel, issus des vestiges de l'ère post-punk anglaise, se sont à ce point dégradés que le nouveau vocaliste du groupe ne se déplace jamais sans sa batte de base-ball. Cet accessoire dissuasif servirait, selon les rumeurs autorisées, à tenir à l'écart les ex-Napalmivores totalement désabusés par les succès commerciaux croissants du combo. Mais, sous des dehors un peu abruptes et légèrement sauvages, les membres du cult-gang demeurent de parfaits gentlemen et mêmes de fins psychosociologues si l'on en juge leur textes. Ainsi, il existe un gouffre phénoménal entre le fond du message, pacifiste, anti-nucléaire et anti-raciste et sa forme très gutturale !
Mick : C'est sûr qu'il vaut mieux disposer des textes pour comprendre notre opinion mais, ça aussi, c'est peut être une bonne idée en soi. Parler de thèmes positifs au travers de vocaux indéchiffrables à l'oreille, c'est peut être aussi mettre à jour l'intériorité du message vis-à-vis de sa formulation. L'important à ce titre réside plus dans le cœur d'un individu que dans ses traits. Quand les gens auront compris cela, ils apprécieront Napalm Death !


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