HONNI SOIT QUI MAL Y PENSE

Interview de Shane mené par Gilles Gamesh, parue dans le Hard Rock Mag hors série de mars 1999

Words From The Exit Wound nous a tapé dans l'œil. A Certains d'entre vous aussi, visiblement... Un fan remonté nous a envoyé cette interview de Shane. Certes, il ne prend pas de pincette pour fustiger l'indifférence progressive dans laquelle tombe le groupe, mais la prise de position véhémente nous a conquis et Words From The Exit Wound valait bien qu'on lui consacre un nouvel article, aussi violent soit-il, surtout si Shane aborde des sujets personnels, très révélateurs sur l'état d'esprit actuel du groupe.


La bande à Barney était récemment de retour, avec Words From The Exit Wound, pain rutilant en droite ligne de l'avatar heavy qu'était Inside The Torn Apart. Et ce n'est pas du goût de tout le monde : selon plusieurs échos, certains ont apparemment du mal à faire le deuil du Napalm des origines, mais aussi, plus généralement, d'une époque révolue. Eh oui, les gars, pour Napalm Death le grind traditionnel est un peu loin. Mais certains groupes ont envie d'évoluer (é-v-o-l-u-e-r, pour toi, mongolien qui arbore encore fièrement tes premiers badges, écussons et autres produits de merchandising ruineux aujourd'hui décolorés). Ah que ne peux-tu pas, toujours toi le mongolien, revivre ces instants d'adolescence magique, où dans ton esprit, éjaculation onaniste et perçage de furoncles acnéiques étaient indissociablement liés, où tu arrivais encore à croire à un monde de ténèbres parallèle, où, logé, blanchi, nourri par des parents pourtant haïs, tu vilipendais une école soumise aux normes d'une "civilisation chrétienne dénigrant les lois naturelles et les forces obscures". Pourquoi alors n'es-tu parti au Pérou ou dans le triangle d'Or ? Pourquoi paies-tu des traites pour ta bagnole pourrie et ton appartement minuscule ? Pourquoi t'es-tu totalement fondé dans le système, hein ? Et toi, mongolien satanique de la nouvelle génération redneck franchouillarde, réfléchis bien à tout cela ! Car les Napalm Death, eux, n'ont cure de tes molestations trépignantes de fan statique et floué. Ils progressent à leur gré, ralentissent éventuellement le tempo et te réinventent le groovy - Aaaaaargh ! Le mot qui tue chez les white-thrash. Bon. Maintenant, laissons la parole au Benny Hill capillaire, alias Shane Embury bassiste et une fois de plus puni - il doit assurer tout seul la promo du nouvel album en France.

Shane : C'est plus une œuvre de groupe, cette fois. Barney s'est davantage impliqué. Par rapport à l'album précédent, il est plus direct et simple. Mais certains éléments sont aussi plus speed. Notre musique est aujourd'hui plus subtile je crois : les guitares, par exemple, auraient pu être plus en avant, mais nous avons fait le choix de les fondre dans la musique. Nous essayons toujours de créer une certaine atmosphère. Mais à vrai dire, après toutes ces semaines d'interviews à devoir expliquer la musique et en entendre différentes interprétations, ma vision initiale s'est assez altérée... A force d'avoir les opinions des gens - ce qui est cependant intéressant et constructif - je ne sais plus quoi dire...

Selon la bio, "Inside The Torn Apart" reflétait les dissensions alors présentes au sein du groupe, essentiellement le dépat et le retour de Barney ?
Un peu. Mais ce n'est pas seulement ça. C'est une référence au chaos en général. Aux informations, tu as toujours à un endroit une personne qui vit une situation difficile. Et si tu te trouves au milieu d'une telle situation, tu as vraiment l'impression d'être au cœur de la tempête ("Inside The Torn Apart"). D'une façon plus générale, le chaos est partout.

Même dans vos vies respectives ?
Mitch Harris a une petite fille, et avec sa copine, ça fait deux bouches de plus à nourrir : il a plus de pression sur les épaules. Récemment, un proche de Danny, notre batteur, est mort, ce qui l'a profondément perturbé. Jesse a perdu sa girlfriend. Ca faisait sept ans qu'ils étaient ensemble et il a beaucoup de mal à s'en remettre. Barney se porte plutôt bien. En même temps, tous ces coups durs nous aident à évoluer. Je crois que l'histoire de Napalm a toujours été faite de hauts et de bas.

Et toi ?
La chose la plus intense qui m'arrive en ce moment est le départ de notre manager, Mark Walmesley. Il a été l'un de mes plus proches amis.

Qu'est-il arrivé ?
Il a simplement décidé de s'en aller. C'est la "midlife crisis", je pense. Je ne pense pas que son départ était prémédité. De notre côté, nous avions de plus en plus de mal à tolérer certains de ses agissements. C'était comme s'il avait honte. Il essayait d'effacer une partie de son passé. Pas forcément nous, mais d'autres amis. C'est un comportement très étrange. C'est triste, mais d'un autre côté, il avait un peu perdu de son enthousiasme. On avait peut être besoin de sang neuf.

Tous les membres voient encore leur avenir au sein du groupe ?
Je pense que oui. C'est toujours difficile de dire ce que tu vas faire dans un an ou deux. C'est sans doute un cliché, mais je crois que le groupe se consolide à chaque nouvel album. L'industrie musicale a ses propres règles et sécrète toujours de nombreux problèmes. Mais nous avons su contourner ces problèmes : nous ne sommes pas le genre de groupe à qui l'on dit quoi faire ; nous n'avons jamais défendu une image de groupe en soi, nous avons toujours été cinq individualités. Nous n'avons jamais été un groupe en vogue, et d'une certaine façon, c'est cool, tu n'es pas tenté d'attendre plus que ce tu obtiens. C'est mieux ainsi (rires) !

Voilà ! J'espère que maintenant, petit trou du cul d'hydrocéphale, tu auras enfin compris ce que peut être l'intégrité. Et ce n'est certainement pas continuer à faire la même chose après dix ou quinze ans d'existence. Est-ce que tu chies encore dans tes couches, même si c'est doux et tiède ?

PS : Eh, galopin ! Un petit secret : Satan, c'est comme Cthuluh, il n'existe pas vraiment. C'est une métaphore...


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