TOUTES LES VERITES SONT
BONNES A DIRE
PART 2
Interview de Mitch Harris menée par moi-même le 13 décembre 1998 - totalement inédite. L'interview était tellement longue qu'elle a été divisée en plusieurs pages. Cette page concerne le parcours de Mitch de son enfance à son entrée dans Napalm Death : on apprend un peu plus sur son groupe d'origine, Righteous Pigs, sur son projet avec Mick Harris, Defecation, et sur la manière dont il arrivé dans le groupe anglais.
Je suis né à New York et j'ai vécu là-bas jusqu'à
dix ans, puis j'ai déménagé à Las Vegas et j'y ai passé toute mon adolescence. Je
préférais Las Vegas parce qu'à partir de 1986, j'avais mon groupe du nom de Righteous
Pigs (qui signifie Les cochons vertueux). On était toujours à confectionner des flyers pour le groupe, pour des
concerts, des teufs ou des trucs de ce genre. Le seul truc qui comptait pour nous à
l'époque, c'étaient la musique et les fêtes. J'avais de bons résultats à l'école
mais sincèrement, je n'allais là-bas que parce que mes potes y allaient. Et puis on a eu
des problèmes parce que nous ne pouvions pas trouver d'endroits pour jouer. A Las Vegas,
tu as des choses strictes à respecter. Tu ne peux pas faire de concert dans un building
avec alcool autorisé si tu n'as pas 21 ans. On en avait 16 et nos potes aussi. On était
dans la merde. Et donc nous jouions dans le désert. A Las Vegas, il n'y a pas de système
d'évacuation, pas de voie souterraine où passent les eaux usagées. Quand la pluie
tombe, l'eau est redirigée vers d'énormes canalisations à ciel ouvert. Cela fait comme
trois murs gigantesques d'une quinzaine de mètres de haut qui acheminent l'eau dans le
désert. On y jouait avec un groupe électrogène, de l'essence et deux spots et nos
potes. Nous étions tellement serrés qu'on touchait presque nos potes du visage. Deux ou
trois dollars pour l'entrée du vendredi et du samedi, c'est cool. Il n'y avait pas de
sécurité, pas de police, pas de frais de location de salle, et donc chaque soir, cela
nous faisait un peu d'argent pour le groupe. On se faisait 50 dollars et on était aux
anges. Plein de monde vendait de la drogue ou des trucs dans le genre, de l'acide, du
speed, tous ces trucs assez chauds, et t'entendais des mecs avec une voix bizarre :
"Acide ! Qui veut acheter un acide ?". Il y avait aussi bien des fans des
Grateful Dead, de hardcore, de métal... des fans de rock, tout simplement. Et c'était
carrément génial. Et puis après ça, nous avons eu un problème avec les skinheads,
parce qu'à Las Vegas, si tu as un flingue, il est légal de tirer dans le désert. C'est
considéré comme un terrain d'entraînement. Ces connards ont amené des mitraillettes au
concert et ils ont commencé à tirer des rafales en l'air. Tout le monde s'est enfuit
précipitamment. Ce genre de trucs a un peu tué la scène. Et finalement, il y a eu un
accident qui a ameuté les autorités. Cet endroit au milieu de nulle part, en plein
désert. A partir de l'autoroute, il te faut prendre une petite route qui t'amène
jusqu'à une colline puis ensuite qui descend jusqu'à l'endroit des concerts. Et un jour,
deux voitures se sont percutées en haut de la colline et elles ont bouché tout le
passage. Il y avait 400 personnes bloquées et les gens ont du appeler une ambulance.
Quatre heures plus tard, ils sont arrivés. Un de mes potes était dans une des voitures
et a du être désincarcéré. Il ne savait pas que l'autre conducteur était mort ; la
police a débarqué avec les hélicoptères et toute leur merde. Après ça, les
autorités connaissaient l'endroit, et les hélicoptères étaient là lors des concerts
suivants. C'était fini. J'avais 18 ans à cette époque. Mick (l'ancien batteur de ND) était venu à Las
Vegas et avait vu les concerts dans le désert. Nous avons répété et enregistré
Defecation.
Comment le connaissais-tu ?
Quand Scum est sortit, j'avais déjà la cassette de
la face A, et quand j'ai eu le disque, il y avait son adresse et je lui ai envoyé une
démo de Righteous Pigs en lui disant : "Napalm assure à mort ; j'adore ça. La face
B est surprenante à écouter, c'est totalement intense". J'étais vraiment un gros
fan, tu vois. Je lui ai envoyé la cassette. Il m'a demandé mon numéro de téléphone et
m'a appelé de temps en temps. Il m'a ensuite réécrit en me disant que Righteous Pig
était son groupe préféré et qu'il allait bientôt venir en Amérique pour visiter
quelques trucs. C'est là que je lui ai proposé de l'héberger et de faire un projet
solo. A cette époque, il était aussi dans Extreme Noise Terror et je pensais qu'un mix
entre Napalm, Righteous Pigs et E.N.T. avec deux chanteurs serait une bonne idée. Il a
accepté et on a fait ce disque.
Vous l'avez enregistré en Angleterre ?
On l'a enregistré à Las Vegas et il devait être mixé en
Angleterre mais ils ont perdu les putains de bandes dans le transport, par conséquent
j'ai du aller en Angleterre pour réenregistrer le tout. On l'a enregistré en trois
jours, juste avant que Napalm ne fasse "From enslavement to obliteration"
dans un studio un peu plus petit que cette pièce (nous
étions dans une salle d'à peine une vingtaine de mètres carrés !), puis l'album de Defecation est sortit et je suis rentré aux States. Par
la suite, l'Angleterre me manquait, je trouvais que Las Vegas craignait et je voulais
déménager à San Francisco et former un groupe là-bas, peut être avec Robb de Machine
Head. Je le connaissais par nos potes de Violence, de Hordes Of Torment et de Pestilence.
Je n'étais pas sûr de vouloir jouer avec Robb mais Las Vegas me faisait chier.
Concernant Righteous Pigs, pour moi le groupe a toujours été la priorité numéro un.
Mais ça n'a jamais été sérieux aux yeux des autres membres du groupe. Le chanteur ne
s'impliquait jamais, il était toujours occupé à suivre sa copine. Je voulais vraiment
faire de la musique et je devais sortir de là pour jouer dans de plus grandes villes avec
des gens différents. Parce qu'à Las Vegas, tu n'arrives même pas à trouver une
compagnie de disque, ce n'est pas une ville adaptée pour le rock. Donc j'allais
déménager à San Francisco après "Stress Related", le deuxième
album de Righteous Pigs, quand Mick m'appela en août 89 et m'annonça que Bill et Lee
venaient de quitter Napalm. Il me demanda aussitôt si je voulais rejoindre le groupe. Je
ne m'y attendais pas du tout, tu vois. Je pensais que si Bill partait, je pourrais
éventuellement être considéré comme un remplaçant potentiel parce qu'on avait fait
Defecation ensemble et que je savais que je pouvais travailler avec Mick ou des trucs dans
ce style. Mais je n'y ai jamais vraiment cru pour de bon. Il m'annonça le truc et
m'informa qu'il recrutait également Jesse de Terrorizer, que je connaissais déjà. Mon
premier réflexe a été d'hésiter parce que les membres de Napalm ne formaient pas un
vrai groupe dans le sens où tout le monde vivait ensemble : Lee habitait à Coventry,
Shane à Telford, Mick à Birmingham et Bill à Liverpool et donc je lui ai dit : "Si
je rejoints le groupe, on va vraiment faire un putain de groupe et on va vraiment être
ensemble, et je vais vendre toutes mes affaires et déménager en Angleterre". C'est
la première chose que je lui ai dit lorsqu'il m'a demandé si je voulais les rejoindre.
Il trouvait l'idée cool mais il voulait que je vienne dés le lendemain. J'étais un peu
bouleversé car Righteous Pigs étaient mes meilleurs amis, nous étions vraiment très
proches et je me demandais ce qui allait arriver si je partais tout de suite. Pour moi,
l'histoire aurait été incomplète parce que nous n'aurions sorti que "Live
& Learn" alors que "Stress Related" était un album très
différent. Nous avions un autre batteur, on s'éclatait en faisant nos compos. Et ça
aurait été dur de vivre sans cet enregistrement. Je sais que même si j'avais utilisé
ces chansons dans Napalm ou ailleurs, cela n'aurait jamais sonné de la même façon et
mes potes de R.P. auraient considéré ça comme un abandon, même si en fin de compte
c'est ce qui s'est passé. C'est pourquoi j'ai demandé à Mick un délai d'un mois avant
de pouvoir venir. Je lui ai dit que si je prenais le risque de venir en Angleterre, il
avait intérêt à me garder la place. Tu vois, je voulais éviter le plan foireux où il
aurait donné mon boulot à quelqu'un d'autre et je me serais retrouvé baisé. Il m'a
confirmé que c'était okay, donc nous avons fait ce deuxième disque de R.P. et le
lendemain de l'enregistrement, j'ai pris un vol en partance pour cette putain
d'Angleterre. Mais en fait, on n'avait pas besoin de moi avant décembre ou janvier et
j'étais bloqué là-bas pendant deux mois. Napalm partait en tournée à travers l'Europe
mais je ne pouvais pas partir avec eux. Mick m'avait dit que je pourrais mais il n'a
jamais demandé ni aux mecs de Morbid Angel ni aux autres groupes et ils ne voulaient pas
de moi. J'étais à la dèche et c'est à ce moment-là que Marcus, le boss de Nuclear
Blast (le label de Righteous Pigs - web), m'a proposé de rester dans sa baraque pendant ce temps. Il m'a vraiment
dépanné et s'il n'avait pas été là, je n'aurais peut être jamais incorporé Napalm
Death, je serais rentré dans cette putain de ville de Las Vegas et puis j'aurais
déménagé à San Francisco ou Seattle pour former peut être un groupe avec Tommy, le
guitariste de The Accused, une très grosse influence pour moi. Donc j'avais d'autres
trucs à côté, mais quoi qu'il en soit, j'allais faire de la musique. Je voulais rentrer
dans Napalm parce que c'était mon groupe préféré, tu vois.
Et pour quelle raison ne pouvais-tu pas rester en Angleterre
?
Je n'avais plus d'argent. Je suis venu avec seulement 800
dollars que j'avais tiré de ma voiture et un billet d'avion aller simple. En quelque
chose comme trois semaines, tout mon fric était parti en fumée. Mais certaines personnes
m'ont aidé, puis nous avons fait "Harmony Corruption" et Napalm est
réputé depuis.