RETOUR AUX BASES
Interview de Barney menée par Kandra et parue sur le site METAL IMPACT en octobre 2004.
Pour la deuxième fois de leur histoire, les
musiciens de Napalm Death ont décidé de rendre hommage à ceux qui les ont
influencé. Indéniablement, le groupe britannique et son Grindcore ont eu sur le
monde musical un impact que l’on peut encore percevoir de nos jours. « Leaders
not Followers : Part 2 » nous présente les racines de cette musique novatrice.
Interview avec Mark « Barney » Greenway, leur chanteur.
Line-up : Mark "Barney" Greenway (chant), Shane Embury (basse), Mitch Harris
(guitare), Jesse Pintado (guitare), Danny Herrera (batterie)
Dicographie : Scum (1987), From Enslavement To Obliteration (1987), Harmony
Corruption (1990), Utopia Banished (1992), Fear Emptiness Despair (1994),
Diatribes (1996), Inside The Torn Apart (1997), Words For The Exit Wound (1998),
Leaders Not Followers (MCD - 1999), Enemy of the Music Business (2001), Order Of
The Leech (2002), Leaders Not Followers: Part 2 (2004)
Vous avez récemment signé avec Century Media
Records. Pourquoi les avoir choisi ?
Le problème essentiel avec notre ancien label,
c’est que l’on manquait de promotion. Tous les groupes ont besoin de ça. Quelle
que soit la qualité de ta musique, il faut qu’on parle de toi. Au début, on
s’était posé la question de sortir nos albums tout seuls mais c’est trop à
assumer. On doit pouvoir faire confiance à un label, pouvoir se reposer sur eux.
Century Media nous a donné l’assurance qu’ils nous soutiendraient, qu’ils
feraient tout leur possible pour nous aider dans tous les domaines. Ils ne font
pas que payer nos royalties, le réseau pour la promotion marche vraiment bien.
Ça fait du bien de ne plus avoir à tout faire par nous-même pour promouvoir le
groupe. On souffle maintenant.
Votre contrat n’inclut pas le Japon. Pourquoi ?
Au Japon, nous sommes sous une licence différente.
Ça n’est pas très important, c’est un détail. On avait une très bonne relation
avec le label japonais, depuis toujours. Alors on continue à travailler avec
eux, tout simplement.
Vous venez de sortir votre premier album avec
Century Media Records. Vous avez senti la différence ?
Oui, certainement. Pendant ces dernières semaines,
nous avons tous fait beaucoup d’interviews. Nous avons eu aussi pas mal
d’articles de presse. Nous sommes très satisfaits, c’est cool.
Pourquoi un album de reprises ?
Ce sont des morceaux spéciaux, des morceaux qui
nous sont chers. Ce sont quelques uns des principaux groupes qui furent et sont
encore les influences de Napalm Death. Ils font partie de la base. De Siege à
Master ou Kreator, ils représentent de grands moments de notre passé. Certains
de ces groupes sont restés inégalés à ce jour. Dans les années 80, on vivait
vraiment sa passion. C’est la musique Underground qui nous a tous réunis ; nous
voulions rendre hommage à tous ces groupes.
Pourquoi avoir attendu si longtemps après le
maxi-CD « Leaders not followers » (NDLA : qui date de 1999) ?
Il y a un certain nombre de facteurs qui ont sans
cesse repoussé la sortie de l’album. On n’a pas eu l’occasion avant. Et puis le
label de l’époque n’était pas intéressé. Mais on savait qu’on le ferait un jour,
ce n’était qu’une question d’opportunité.
Est-ce une coïncidence que la « Part 2 » est votre
premier album chez Century Media ?
Comme je le disais, nous avons toujours voulu
sortir cet album et Century Media nous a donné l’occasion de le faire. Nous
avons une très bonne relation avec eux, ça marche bien. Il y a également une
autre raison. A l’époque où on pensait sortir nos albums nous-mêmes, on s’était
dit qu’un album de reprises, ce serait une bonne occasion de se faire la main.
Il était donc prévu de sortir « Leaders not followers: Part 2 » maintenant.
Quelles sont les principales caractéristiques de
l’album ?
En terme de son, c’est explosif. Nous avons très
peu changé le mix de ces morceaux. Quand nous étions en enregistrement, nous
avons préféré rester fidèle à l’original tout en apportant notre style. Nous
avons essayé de recréer fidèlement les morceaux ; c’est pour cela que « Master »
a la même harmonie vocale, « Messiah » la même résonance, etc.
Comment se fait-il que Jim Whiteley apparaisse sur
deux morceaux ?
Oui, il joue sur « Game of the Arseholes » de Anti-Cimex
et « War’s no Fairytale » de Discharge. Cela fait 20 ans que nous sommes amis
avec Jim. Il était bassiste aux débuts de Napalm Death, avant que je n’arrive
dans le groupe – je suis devenu le chanteur en 1989. Sa contribution a été très
importante pour l’album « Scum » de 1986, dont il a écrit une partie des
paroles. Je lui ai simplement demandé s’il voulait jouer avec nous et il a dit «
oui, pourquoi pas ». C’était beaucoup pour le fun, le plaisir de jouer avec cet
excellent musicien, et dans l’esprit de retrouver les racines de Napalm Death.
Certains groupes dont vous avez fait une reprise ne
sont pas très connus…
C’est vrai mais ce sont des groupes qui ont eu une
grande influence sur nous. Encore une fois, ce sont les fondations de Napalm
Death. Nous nous devions de leur rendre hommage. Et nous voulions aussi les
faire reconnaître à leur juste valeur. Insanity, par exemple, est un groupe de
Death underground que Shane et Jesse ont toujours beaucoup apprécié mais il est
très peu connu. Pour nous, c’est un classique. C’est comme les canadiens de
Dayglo Abortions, un groupe de Hardcore vraiment génial, anti-conservateur et
très amusant. Il faut vraiment écouter leurs paroles ! Nous sommes heureux de
les faire découvrir ou re-découvrir au public.
J’imagine que vous aviez énormément d’idées,
comment avez-vous choisi les morceaux que vous alliez reprendre ?
Il y a en effet beaucoup de morceaux que nous
aurions pu utiliser. Nous avons d’abord passé en revue toutes nos vieilles
cassettes et nos vieux vinyles. Puis nous avons effectué une présélection d’une
soixantaine de morceaux, qu’on a ensuite testés en studio. Il y avait quelques
passages obligés. Pour « Face Down in the Dirt », par exemple, Shane voulait la
reprendre depuis très longtemps. Et comme Jesse est un grand fan de Hirax, nous
savions que nous allions reprendre un de leurs morceaux. En règle générale, nous
choisissions d’abord un groupe qui nous avait particulièrement marqué puis nous
cherchions lequel de ses titres nous voulions reprendre.
Quelle est ta chanson favorite ?
La plage 12 de l’album, le morceau d’Anti Cimex
intitulé « Game Of The Arseholes ». Ce n’est pas un titre très long, il dure à
peu près une minute et demi mais il est direct et efficace. C’est un morceau
puissant et anti-religieux, d’un groupe qui n’a jamais mâché ses mots, ce que
j’ai toujours apprécié.
Et le groupe que tu préfères ?
Sans hésitation Siege. On a repris « Conform », un
morceau qui a traversé les années sans se démoder. C’est à ça aussi qu’on
reconnaît les grands du Métal. Les paroles parlent d’aller à l’encontre des
modes, ce qui correspond bien aux aspirations de Napalm Death. On n’a jamais
voulu suivre une mode ou une autre mais faire notre musique, sans étiquettes.
Le morceau de Kreator « Riot of Violence », avec
ses quatre minutes et demie, est certainement l’un des plus longs que vous ayez
joué. Qu’est-ce que ça vous a fait ?
J’avoue qu’à certains moments, j’étais un peu
perdu. C’est vrai que c’est très inhabituel pour Napalm Death mais Kreator était
vraiment un incontournable. A part cela, il n’y a pas eu de réel problème. On a
essayé de reprendre ce titre d’un trait. Je suis très satisfait du résultat.
Et cela me conduit à demander : pourquoi avez-vous
toujours préféré des morceaux courts ?
En effet, nos morceaux dépassent rarement les deux
minutes et demie. Cela nous vient naturellement. Je trouve que l’on gagne
beaucoup en impact. Le résultat est plus direct, droit au but. Pour des morceaux
plus longs, il faudrait faire des rajouts qui seraient totalement superflus,
voire même néfastes. C’est le format qui nous convient le mieux.
Vous avez eu certains ennuis pendant votre
carrière. Tu penses que vous êtes dans une phase plus calme ?
C’est vrai que nous avons eu notre lot de soucis
depuis que nous avons débuté. Cela nous a rendu plus forts aussi. On a appris à
dire non quand cela n’allait pas, à envoyer les gens promener quand vraiment on
en avait assez. Les difficultés nous ont armé pour ce métier. Mais non, nous ne
sommes vraiment pas dans une période plus calme. Nous avons réglé bon nombre de
problèmes, c’est certain, mais ça devient de plus en plus dingue, au contraire.
Les choses se sont accélérées ces derniers temps. Nous avons un nouveau label,
de nouveaux engagements ; nous sommes demandés pour des tournées et l’année
prochaine devrait sortir un nouvel album. Nous sommes très occupés.
Musicalement, vous n’avez plus rien à prouver. Quel
est le défi pour vous maintenant ?
Je ne suis pas d’accord. Dans ce métier, on a
toujours des choses à prouver et nous avons encore beaucoup à faire. Il ne faut
jamais se considérer arrivé sinon on stagne. Nous devons nous concentrer sur ce
que nous pouvons faire, toujours améliorer nos performances. Il faut savoir
rester professionnels, ne rien exagérer.
Quels sont vos projets d’avenir ?
Le prochain album est en fait presque fini, on
pourrait presque partir en enregistrement mais pour le moment, on doit finir la
promotion de « Leaders not Followers: Part 2 » parce que c’est un album qui est
important pour nous. On a toujours des idées d’avance pour notre prochain projet
; nous n’arrêtons jamais de créer. Je pense que nous allons parler de choses
plus privées, avec peut-être des influences un peu différentes. Vous verrez. Et
puis on a une tournée aux Etats-Unis, l’année prochaine.
Quels conseils donnerais-tu aux nouveaux groupes
qui débutent ?
Faites attention, c’est une véritable industrie !
Il n’est pas question pour moi de faire des histoires pour rien ou d’être
cynique mais il y a beaucoup d’embrouilles dans ce milieu. Il faut garder le
contrôle, ne pas se laisser brider par le management et surtout ne pas laisser
ton manager tout faire. Sans être suspicieux, il faut prendre part à tout et
établir une bonne relation avec lui dès le début. Nous, on a commis l’erreur de
faire trop confiance à certains labels par le passé et ça s’est retourné contre
nous. Même s’ils se sont bien occupés de toi jusqu’à présent, ça peut toujours
changer. Des personnes que tu penses être des amis peuvent se révéler des
requins. Alors il faut rester sur ses gardes.
Tu écris toujours pour Kerrang?
Oui, j’avais toujours voulu écrire. Depuis que
Kerrang m’en a donné l’occasion, je ne m’en lasse pas. C’est beaucoup de
travail, bien sûr, mais cela complète mon activité de musicien. C’est vraiment
important pour moi ; une autre façon de vivre ma passion pour la musique.
Le groupe et surtout toi avez toujours montré des
opinions politiques très marquées. Qu’est-ce que tu dirais de la situation
actuelle en Grande-Bretagne ?
La plupart des gens étaient contre la guerre, les
sondages l’ont bien montré, mais on ne les a pas écoutés. Les dirigeants
écoutent rarement les citoyens, de toute façon. Ils auraient souhaité que Tony
Blair se désolidarise de Bush. Les Américains savaient parfaitement ce qu’ils
faisaient ; ils ont poussé Blair. Ils n’ont pas mesuré les conséquences de leurs
actes. George Bush voulait juste finir ce que son père avait commencé. C’est son
ego qui parlait, c’est très basique. Mais je ne pense pas qu’ils s’en sortiront si
facilement, cette fois.
Merci pour cette interview.
Merci à toi.