ALERTE ROUGE !
Interview de Barney menée par Yann Conraux, parue dans le fanzine Metallian de avril 2005
Napalm Death, c’est une des pierres angulaires du death metal à tendance grind, rien que ça ! Récemment débarqués sur le label Century Media, après avoir connu les beaux jours au sein de l’écurie Earache, nos Britanniques préférés s’apprêtent à sortir "The Code Is Red…. Long Live The Code" qui, sans franchement bouger d’un iota par rapport à ce qu’ils ont toujours proposé, apporte un peu de fraîcheur à leur musique originelle. Toujours engagé, jamais fatigué et à nouveau ressoudé après le retour de Jesse Pintado, parti quelque temps se faire exorciser du démon « Goulodebouteille », Napalm Death n’en a jamais assez de nous atomiser gentiment les « esgourdes », même après vingt ans passés dans la mine à tout dynamiter. A l’aide d’un petit coup de fil vers la Perfide Albion, c’est le débonnaire Barney Greenway, hurleur de service ainsi que roi du short, qui répond à nos innombrables questions sur l’actualité du monde qui nous entoure et le devenir d’un groupe qui n’a, décidément, vraiment pas fini de faire parler de lui…
A l’écoute de ce nouvel album, on peut
ressentir quelques petits changements dans votre manière de composer, ce dont on
n’est pas franchement habitués, pour être honnête…
Certes ! Disons que nous avions envie de faire un
peu autre chose, sans pour autant nous écarter de notre ligne conductrice. On
pratique cette musique depuis tellement longtemps qu’il est devenu difficile de
se renouveler. Cependant, on a intégré quelques éléments plus progressifs dans
notre musique et, quand je l’écoute, je ressens un peu de la fraîcheur qui
manquait sans doute à nos précédentes réalisations. Le morceau "The Code Is Red….
Long Live The Code" en est l’exemple parfait et donne ainsi son nom à l’album.
Je suis impatient de voir les réactions des fans !
C’est votre premier album qui sort chez Century
Media. Vous avez passé tellement de temps chez Earache que ça doit être un peu
déroutant, non ?
Pas tant que ça, en fait ! Il fallait absolument
qu’on continue avec un autre label, la situation avec Earache n’était pas
florissante. Century Media nous a apporté une offre intéressante pour ce qui est
de la promotion de l’album, ainsi que sur le plan strictement musical.
Finalement, c’est une très bonne chose pour nous d’avoir signé sur ce label et
je pense qu’il s’agit d’un petit nouveau départ pour Napalm Death, même si nous
sommes de veux briscards dans le circuit.
Vous avez toujours, au fil du temps, été plus ou
moins engagés politiquement, pas au sens générique du terme, mais plutôt au
niveau de la vie du citoyen et de l’être humain en général. Est-ce que le
contenu textuel de cet album perpétue la tradition ?
Les textes de cet album parlent d’une manière
générale de la paranoïa. Avec tout ce qui se passe à l’heure actuelle, c’est un
thème assez universel. Les gens ferment leurs portes à double tour, les
gouvernements deviennent complètement maniaques, le terrorisme frappe partout et
n’importe quand et tout ça nous mène à une réduction des libertés individuelles,
une perte progressive de nos droits les plus élémentaires.
C’est une réaction aux événements actuels, non ?
Pas tout à fait, car le concept de la paranoïa tel
que je l’aborde ne se limite pas à l’analyse de tel ou tel pays, c’est quelque
chose que je considère dans sa globalité… Et cela fait tellement longtemps que
la situation se dégrade partout !
Vous avez traversé une période creuse avec les
quelques problèmes de Jesse (Pintado : guitare) parti faire un break salvateur.
Cette interruption a-t-elle interféré sur le processus de création de cet
album ?
Eh bien, l’album a été écrit par le reste de la
bande, à savoir Shane (Embury : basse), Mitch (Harris : guitare) et Danny
(Herrera : batterie). Ce sont eux qui se sont chargés de la composition.
Cependant, Jesse ne nous a pas vraiment quittés durant son break, il a toujours
été plus ou moins à nos côtés sur les deux dernières années. Ceci n’a pas eu
trop d’incidence sur le groupe. Disons que la situation est redevenue stable.
Votre dernier effort, "Leaders Not Followers Part 2",
était un condensé de toutes vos influences et de tous les groupes que vous
appréciez… Vous l’avez enregistré en à peine deux semaines ! Et pour ce dernier
album, qu’en est-il ?
Il est beaucoup plus difficile pour nous
d’enregistrer un nouvel album avec des compositions propres, alors qu’un album
de reprises, c’est vraiment des vacances ! C’est sans aucune comparaison, je
dirai. Les titres que nous avons repris sont ceux que nous aimons et que nous
écoutons depuis un paquet d’années, nous les avons parfaitement assimilés durant
tout ce temps et ils sont ancrés en nous. C’est du coup très facile de les
reprendre, d’y injecter toute notre énergie et d’y décliner notre façon de
jouer. Cependant pour le dernier album, nous avions déjà pas mal de plans en
boîte, et le fait d’enregistrer ses propres morceaux rend encore plus excitant
le fait d’aller en studio. De plus, ça fait tellement longtemps que nous
enregistrons des disques que nous sommes rôdés à cet exercice. Chacun de nous
sait parfaitement ce qu’il a à faire donc nous sommes vraiment préparés quand
nous rentrons en studio et nous réduisons le temps d’enregistrement au minimum
pour un résultat maximum !
Quelle est la suite du programme après la sortie de
l’album ?
Eh bien, une bonne petite tournée mondiale qui
passera par l’Europe, le Japon, le Mexique, et par la suite une virée aux
Etats-Unis est prévue. La routine en quelque sorte (rires !)…
Peut-on espérer que vous accompagniez l’album de
quelques petits bonus ?
Ma foi, je crois qu’on rajoutera quelques bonus
vidéos, s’ils sont de bonne qualité. Mais je préfère tout de même que nous
gardions les meilleures prises pour une vidéo longue durée. Le fait de rajouter
des bonus est compréhensible quand on voit le téléchargement sur Internet, mais
honnêtement, nous n’avons aucun problème vis-à-vis du téléchargement. Je m’en
accommode très bien ! C’est d’ailleurs une bonne chose pour les groupes qui ne
sont pas à notre niveau de notoriété. A notre époque, c’était plus facile de
sortir de l’ornière, maintenant, c’est devenu la jungle et je crois que le
« net » peut aider les groupes, aussi bons soient-ils, à sortir de l’anonymat.
Ca permet de découvrir un bon nombre de groupes excellents dont on n’aurait sans
doute jamais profité. Et puis c’est un outil de promotion gigantesque ! Vous
voulez sortir un single pour promouvoir l’album et faire en sorte qu’il soit
quasiment disponible dans tous les coins du globe ? Internet est l’outil parfait
pour cela.
Vous êtes toujours en guerre contre le « business
musical », non ?
(rires) Tu sais, quand tu fais des albums et que tu
les vends, c’est du « business » ! Mais, par contre, si tu veux vraiment faire
du business jusqu’au bout, tu ne fais pas du Napalm Death, bien au contraire. Il
y a une sacré marge entre la « variétoche » et ce que nous faisons, non ? La
différence réside là, en fait !
J’ai vu que vous aviez récemment sorti un single en
compagnie de The Haunted et Heaven Shall Burn au bénéfice des victimes du
tsunami en Asie…
Effectivement ! Le morceau que nous avons proposé
pour ce single est "The Great And The Good" où apparaît d’ailleurs Jello
Biafra (Dead Kennedys). Ce single a été tiré à 1000 exemplaires avec l’aide de
Century Media. Cette tragédie a eu un caractère tellement mondial qu’on s’y est
retrouvés tous impliqués et qu’on s’est demandé que faire pour y répondre. Cette
tragédie nous a touché directement car Mieszko Talarczyk du groupe Nasum a
disparu pendant le tsunami. C’était un ami proche et la confirmation de sa mort
nous a convaincus encore plus de l’utilité de notre démarche. J’ajouterai tout
de même que ces événements dramatiques ne doivent en aucun cas occulter les
autres « saloperies » qui arrivent dans les quatre coins du monde, comme en
Afrique par exemple
(ndlr : sonnerie tonitruante et interruption momentanée,
Barney s’expliquant sur son portable avec on ne sait qui !). Désolé, qu’est-ce
que je disais… Oui (rires) : et même, à la rigueur, j’espère que le seul point
positif qui sortira de tout ça, ce sera une prise de conscience collective un
peu plus marquée vis-à-vis des innombrables malheurs de notre planète.
Tu ne trouves pas que c’est une démarche assez
intéressante vis-à-vis du public de la part d’un groupe dit extrême ?
Oui, c’est sûr, nous sommes dans une frange dite
extrême, mais du point de vue musical ! On se complaît dans la brutalité sur
scène et sur disque, mais nous restons surtout des êtres humains ! C’est en
quelque sorte une façon de démontrer, et pas de manière purement volontaire, que
« extrémisme musical ne rime pas toujours avec extrémisme moral ».
J’ai vu également que vous participez à la bande
son d’un film tiré du jeu vidéo du même nom (Alone In The Dark) ! Vous êtes
décidément partout ! D’ailleurs, cette bande son est absolument phénoménale,
quand on voit la liste des groupes qui y participent !
Eh bien, c’est le cas, avec des groupes tels que
Machine Head, Dimmu Borgir, Fear Factory, Shadows Fall, Meshuggah, Soilwork,
Suffocation, etc. La bande son colle parfaitement avec le sujet du film,
puisqu’il s’agit de l’histoire d’un archéologue spécialiste des phénomènes
paranormaux en prise avec l’occulte et la sorcellerie d’anciennes civilisations
(ndlr : super original comme scénario !). En dehors de ça, c’est agréable de
voir une bande originale de film avec exclusivement des groupes de metal, dont
une bonne partie franchement extrême.
Comment avez-vous atterri sur cette bande son ?
C’est Century Media qui a fait le boulot ! La bande
originale sortant sur Nuclear Blast et notre album pointant son nez incessamment
sous peu, le label a tout simplement fait les démarches nécessaires pour nous
voir apparaître sur la B.O.
Ne trouves-tu pas que c’est une bonne opportunité
pour le metal que d’être enfin « exporté » vers un secteur, le cinéma, où il n’a
quasiment jamais mis les pieds ? Evidemment, je ne
te parle pas de « nu metal » ou autre pop music largement diffusés, mais bel et
bien de metal extrême…
Carrément, ça permet aux gens qui ne sont pas dans le coup de voir un peu plus
loin que ce qu’on leur ressasse à longueur de temps. C’est même une vraie chance
pour eux, ainsi que pour les groupes bien évidemment ! Mais ce n’est pas non
plus une fin en soi…
Je fais une digression : j’ai entendu dire que tu
étais admirateur de la culture de l’Europe de l’Est. Qu’est-ce qui te fascine à
ce point ?
Toute cette culture très riche historiquement me
fascine beaucoup. Je lis tout un tas de bouquins qui traitent justement de ces
pays, ainsi que toute la période soviétique. A l’heure actuelle, je peux
facilement voyager dans ces pays que j’apprécie énormément. Les paysages sont
souvent magnifiques et les gens très accueillants. J’ai traversé des pays comme
la Pologne, la Slovénie ou la Croatie et je ne m’attendais pas à ce que ça soit
aussi superbe. De plus, les mentalités sont très différentes de celles que l’on
retrouve en Europe de l’Ouest. J’adore jouer dans ces contrées en plus de les
visiter, le public y est très souvent complètement dingue et vraiment
sympathique. J’ai hâte de partir en tournée pour y revenir, ainsi que croiser
nos fans à travers toute l’Europe le plus rapidement possible ! Encore merci et
à très bientôt…