INTERVIEW BARNEY

Interview parue dans le livret intérieur de la compilation n°1 de Metallurgy, sortie en 1996.

Il y a certaines premières fois dans la vie qu'il est impossible d'oublier. Perdre sa virginité, conduire une voiture ou une moto pour la première fois, son premier pétard, son premier tatoo, sa première nuit au poste de police...et personne n'a jamais oublié la première fois qu'il a vu NAPALM DEATH.


Revenons en arrière aux alentours de 1986. Les punks de Norwich "The Stupids" jouaient dans un bouge mal famé nommé le Clarendon à Hammersmith, dans le quartier ouest de Londres. Cette nuit-là, le public fut laissé terriblement impressionné par un barrage féroce et acharné de bruit délivré par un groupe de première partie dont les chansons n'avaient pas de structure apparente et dont le vocaliste (à l'époque Lee Dorrian, maintenant dans Cathedral) vomissait des paroles indéchiffrables. Pas difficile de deviner qu'il s'agissait de NAPALM DEATH. Le Clarendon a été détruit depuis, le travail de NAPALM DEATH semblait avoir fait son effet cette nuit-là.

Mark "Barney" Greenway, le troisième chanteur et aussi celui qui est resté le plus longtemps, fut lui aussi impressionné et devint un fan passionné.
"Je me rappelle un des meilleurs concerts de cette période" dit-il en évoquant joyeusement le passé. "Ils donnèrent un concert dans ce bar à thème américain nommé le 49eme. Je ne pense pas que les personnes qui les avaient programmé savaient quel putain de truc se passait là. Ils avaient ces grandes vitres en verre derrière le groupe et je pensais à chaque minute que le double vitrage allait péter. C'était géant, ils se sont réglés très en dessous du ton et ont bourriné comme des fous pendant 45 minutes ! Il y avait tous ces jeunes qui étaient fans d'Anthrax et de trucs dans le genre et ils restaient là la gueule ouverte en se demandant "Mais putain, qu'est-ce qu'il se passe ?". C'était juste totalement dément !".

Au cours des années, NAPALM DEATH a connu beaucoup de changements de line-up au point qu'à l'heure actuelle, il n'y a plus aucun membre originel ; mais depuis une décennie maintenant, ils sont restés sauvagement sans compromis. Quand Lee Dorrian est parti en 1989, Barney était plus que content de prendre sa place.
"Quand j'ai rejoint le groupe, certaines personnes ont dit : "Putain, mais qui est-il pour succéder à Lee ?" déclare Barney. "Ce dont ils ne se souviennent pas, c'est que j'étais là en 1985, 86. C'était mon groupe préféré avant même que je songe à les rejoindre. En fait, je suis parti en tournée avec eux quelques fois. J'appelais ça un boulot de roadie, mais c'était à la base boire beaucoup, vomir et injurier les promoteurs, en transportant un étui à guitare en bas des marches pour faire comme si je jouais dans le groupe. Ce sont mes souvenirs les plus lointains et ils sont attendrissants".

Alors comment se sent-on quand on passe une audition pour le groupe le plus bruyant de la planète ?
"Je n'ai pas passé d'audition pour être honnête" confesse Barney. "NAPALM n'a jamais été le genre de groupe à faire passer des auditions. J'étais dans Benediction à l'époque et ils connaissaient mes vocaux, donc après que Lee soit parti, Mick (Harris, ex-batteur maintenant avec Scorn) et Shane m'ont juste demandé de rejoindre le groupe. J'ai appris 25 chansons en une semaine, je suis rentré et les ai faites dans le studio de répétition. J'avais rejoint le groupe avant qu'ils sachent si ça collait parce que c'est la manière dont ça fonctionne. Il n'y a jamais de quelconque audition même quand Danny nous a rejoint il y a peu d'années de ça. Jesse nous a dit, j'ai ce pote à Los Angeles qui aime la musique et il peut jouer rapidement, et nous avons dit, Affaire conclue ! Il est dans le groupe !".

Et est-ce que le NAPALM DEATH de 1995 a beaucoup de choses en commun avec le line-up originel ?
"Et bien, le batteur originel de NAPALM (un mec nommé "le rat") est réputé être dans un asile mental !" dit Barney en riant. "De toute évidence, ça n'est plus aussi chaotique maintenant, car en ce temps, tout ce qu'il y avait c'était des contrats conclus par une poignée de mains et il y avait beaucoup d'arnaques qui n'en finissaient pas, même par les soi-disants promoteurs punks réglos. NAPALM a perdu beaucoup d'argent et donc dans ce sens, c'est très différent maintenant".

Et en ce qui concerne la musique ? NAPALM est issu en grande partie d'un milieu punk influencé par Discharge, tandis que Mitch a été influencé par le Glam Rock et que tu es fan d'AOR.
"J'aime la musique avec une âme, quelle qu'elle soit"
explique Barney. "Je peux dire si quelque chose est réel ou pas, que ce soit de l'AOR ou du Punk et c'est la façon dont j'aime diriger ma musique. J'ai toujours été capable de séparer mes influences de mes écoutes extérieures ; mes influences pour NAPALM sont toujours Discharge, Motorhead, Repulsion et Siege. Il pourrait y avoir quelques idées autour de ça, mais celles-ci sont toujours et seront toujours mes influences principales pour NAPALM. D'autres personnes dans le groupe essaient d'amener des choses différentes, mais je ne ferais pas ça. Je reste fidèle à ce que je sais être bon. Au bout du compte, même si j'aime Machine Head, je veux être NAPALM et avoir l'identité NAPALM. Je veux que NAPALM ait sa propre personnalité.
Si quelqu'un me demandait s'il y avait n'importe quel groupe auquel comparer NAPALM, je dirais Motorhead car ils incarnent le fait de faire les choses à leur manière"
médite Barney. "Ils font uniquement les putains de trucs qu'ils veulent faire. Je veux dire, ces ballades sonnent comme de la merde complète, mais au moins ils faisaient ce qu'ils voulaient. Même en remontant au temps du Heavy Metal, Iron Maiden et Saxon ont eu des comparaisons mais Motorhead était en dehors de tout ça, suivant leur propre chemin. C'est le genre de groupe auquel j'aimerais que l'on compare NAPALM".

Ironiquement, le frontman notoire de Motorhead, Lemmy, est connu pour son dégoût de NAPALM DEATH et pourrait facilement être parmi ceux qui les ont élu "Plus mauvais groupe" dans divers référendums musicaux il y a quelques années de ça.
"C'était juste parce que c'était nouveau" dit Barney en haussant les épaules. "Je veux dire que c'était remarquable car nous luttions contre la chance et nous le faisons toujours, mais pour moi c'était comme jeter de l'eau sur le dos d'un canard".

Pire groupe ou pas, NAPALM a sans aucun doute influencé des centaines d'autres groupes. Mais en 1995, est-ce que NAPALM est toujours le groupe le plus brutal de la planète ou ont-ils été supplanté par d'autres qu'ils ont influencé ?
"Je dirais que nous le sommes toujours" argumente Barney. "Nous avons peut-être perdu un peu de spontanéité parce que le groupe est devenu plus carré au cours des années, mais le son naturel de NAPALM est vraiment sacrément mortel. Si vous venez nous voir en concert, je mets encore au défi n'importe quel groupe de faire autant de vacarme que nous le faisons. Je veux dire que quand nous jouons en concert, c'est totalement instantané car je ne répète pas avec le groupe - je connais les paroles - alors dans quel but le ferais-je ? Qu'est ce que j'essaierai de faire, d'améliorer ma voix ? Ce serait un exercice complètement inutile !"

Est-ce que l'éthique du groupe a changé du tout au tout ?
"Et bien, j'ai toujours été pour l'honnêteté et contre la connerie" déclare Barney. "Je n'aime pas être vu comme un agent de police car pour moi la politique a trait au bon sens, en utilisant sa tête, en étant civil et en travaillant ensemble pour être positif. Tant que l'éthique est dans le groupe, si je n'aime pas quelque chose, je me retournerais et dirais "Allez vous faire foutre !". Je pense que chaque individu au sein du groupe a le droit de faire ça même si ça fait chier quelqu'un d'autre. J'ai rejoint NAPALM car j'aimais ce à quoi ils se rapportaient, autant pour avoir des paroles politiques sérieuses que pour être toujours partant pour s'éclater, tu vois, et j'essaie toujours de fonctionner suivant ces axes autant que possible".

Est-ce qu'une grande partie du message est compréhensible à travers toute cette cacophonie ?
"Et bien je sais que ça paraît un peu mélodramatique mais je possède une paire de lettres de jeunes disant que NAPALM les a fait renoncer au suicide, car une grande part de la musique qui nous entoure aujourd'hui est déprimante et n'offre pas de solution. Je pense que NAPALM fait la part des choses entre le pour et le contre".

A l'époque des groupes de Hardcore staight-edge qui imposent leur façon de voir à tout le monde, il est réconfortant de voir que Barney, à la fois straight-edge et végétarien, favorise une approche plus subtile.
"Je ne rabats pas les oreilles des gens" dit-il en haussant les épaules. "Je suis comme je suis parce que c'est bon pour moi. Si quelqu'un me demande mon opinion, je la donnerai toujours, Putain, c'est vraiment super, n'ai pas de préjugés tant que tu n'as pas essayé mais ce n'est qu'une opinion personnelle. Shane était végétarien et il ne l'est plus, mais ça va, c'est son opinion".

Depuis la sortie de leur chef-d'œuvre initial en 1987, les opinions ont été nombreuses et variées quant au mérite de NAPALM DEATH, mais il n'y a pas de juste milieu, soit les gens les adorent soit ils les détestent. Durant les années, ils ont été les chouchous de l'émission radiophonique de John Peel (fournissant deux sessions pour leur programme) et ont fait de nombreuses apparitions télévisées, comprenant 'Domineering Presence' (Présence dominatrice) sur le spécial arène du Heavy Metal sur la BBC 2. Ils ont aussi été ridiculisés par ceux qui ne les comprenaient pas et, comme mentionné ci-dessus, furent élus plus mauvais groupe dans de nombreux référendums musicaux. A coup sûr, un groupe qui peut susciter tant de débat, qui irrite tant de monde et qui fait ouvertement chier les gens aurait dû, comme les Sex Pistols, s'auto-détuire.
"Non, parce que ce genre de chose montre une imagination superficielle" argumente Barney. "Il y a toujours beaucoup plus de manières de faire chier les gens que de leur cracher dans les yeux. Je pense que NAPALM, en continuant d'exister, fait toujours chier assez de monde car de nombreuses personnes pensent que nous devrions être morts et enterrés. Rien qu'à partir de ce point de vue, même seul je baisserais mon froc, leur montrerai mon cul et leur dirais d'aller se faire foutre !".


Retour