INTERVIEW MTV "ON THE ROAD"
Interview de Shane et de Mitch menée par Vanessa Warwick, filmée le 19 juin 1994 à l'occasion de leur concert au club "Le Gino" à Stockolm et diffusée ensuite sur MTV.
VANESSA WARWICK : "Fear, Emptiness,
Despair" est le titre du nouvel album de NAPALM DEATH et nous sommes avec eux en
tournée à Stockolm, en Suède, rejoignant le groupe sur ses dernières dates
européennes afin de promouvoir son nouveau disque. Comme vous pouvez le voir, je suis
avec Shane et Mitch. Tout d'abord les gars, bienvenue à Headbanger's Ball. Content de
vous revoir. Comme je le disais à l'instant, nous atteignons la fin de la tournée et je
me demandais comment les choses s'étaient déroulées pour vous ?
SHANE : C'est vraiment bon. Je
veux dire que cela a été probablement beaucoup mieux que la tournée que nous avions
faite il y a deux ans, je pense. Beaucoup de concerts et ils ont assez bien marché, tu
sais. Avec Entombed. Ca a été cool. Ca a été bon.
VANESSA : La date à laquelle nous vous rencontrons
aujourd'hui est un scénario un peu bizarre car vous montez sur scène à 18H30, ce qui
est très tôt pour un concert. Comment allez-vous surmontez ça ?
MITCH : Hé bien en fait, c'est
pour tout public. Il vaut mieux jouer avec beaucoup de monde. Des jeunes car nous avons
fait des concerts comme...Nous avons fait cette tournée au Canada où, sur toutes les
dates, les gens n'avaient pas plus de 18 ans et la plupart d'entre nous ont la vingtaine
en gros. C'est meilleur je pense. Je préférerais jouer à une heure plus tardive.
VANESSA : Je me demandais également, Shane, combien de
jeunes femmes sont venues à vos concerts en raison de cette attirance pour des gens plus
jeunes ?
SHANE : (rires). Je pense qu'en
Europe, le public est plus constitué de thrasheurs bien bourrins, jetant un il à
quiconque s'approche de sa petite amie. (rires de Vanessa)
VANESSA : Vous avez été absents pendant deux ans et demi et
c'est votre première tournée depuis. Je me demandais quelles étaient vos perspectives
sachant que la scène a changé pendant votre absence.
MITCH : Il y a beaucoup plus de
fans de hardcore qui viennent à nos concerts. Le public est plus énergique et il y a
plus de mecs en train de danser plutôt que d'headbanger tout le temps (il headbange en
faisant le mec blasé). C'est un peu plus diversifié. Auparavant, c'était un public plus
death metal ou un truc dans le genre...
VANESSA : Vous pensez que certaines barrières se sont
brisées ?
SHANE : Pour nous en tout cas.
Je pense que nous avons créé une sorte de courant. C'est vrai que la dernière fois, il
y a deux ans, le public était surtout death metal. C'est surtout dû au nouveau disque.
Il semble effectivement qu'il y ait plus de fans de hardcore qui se pointent nous voir, ce
qui est bon pour nous. C'est ce que nous voulions vraiment obtenir. Un following
diversifié.
VANESSA : Venons-en à l'album. Mais tout d'abord, vous avez
tous les deux travaillé sur des projets externes durant cet intérim : Meathook Seed et
Blood From The Soul. Est-ce que le fait d'avoir enregistré quelque chose d'un peu
différent avec d'autres personnes vous a permis d'apporter de nouvelles perspectives au
dernier NAPALM ?
SHANE : En ce qui me concerne,
Blood From The Soul représente exactement ce que je voulais faire. Juste une seule
personne qui agence tout correctement mais j'ai pioché des idées qui auraient dû être
dans l'album de NAPALM et j'en ai gardé certaines pour les y inclure. Il y a certaines
choses que j'ai enregistré et que je ne pouvais incorporer dans NAPALM. J'ai enregistré
l'album de Blood From The Soul tout en cherchant des plans et en en gardant certains pour
NAPALM. Pour Mitch, je ne sais pas, demandes-lui.
VANESSA :Etait-ce très expérimental ? As-tu essayé de
nombreuse choses différentes ?
MITCH : Oui, c'est comme ça que
nous fonctionnons. Du moins, c'est comme ça que je fonctionne. En ce qui concerne NAPALM,
nous avons décidé, plutôt que de mettre des samplers et de rendre la musique plus
industrielle, de la rendre plus efficace en concert. Quelque chose que nous puissions
reproduire sur scène sans problème et qui soit beaucoup plus énergique. Mais c'est vrai
que nous avons beaucoup expérimenté avec nos autres groupes et cela nous a probablement
donné plus de confiance en nous pour essayer des choses différentes avec NAPALM. Nous
pensions que c'était une chance à saisir et que nous pouvions aller plus loin, nous
développer. Amener plus de guitares noisy dans les rythmiques ou des trucs comme ça.
Quelque chose de plus accrocheur, de plus intense sans se reposer sur la vitesse tout le
temps. Donc c'est cool.
VANESSA : La formation qui a enregistré cet album est
probablement la plus stable que le groupe ait eu dans toute sa carrière. Vous vous
connaissez tous beaucoup mieux, vous passez beaucoup de temps ensemble, vous tournez
ensemble...Pensez-vous que ceci a permis au disque d'être plus l'uvre d'un groupe
de musiciens qui n'ont pas peur de partager leurs idées ?
SHANE : Il fut un temps où
Barney était à Londres. Il est descendu là-bas pendant que quatre d'entre nous bossions
sur la partie musicale. Ca a été beaucoup plus facile.
MITCH : Ouais. Nous savons
désormais de quelle manière chacun d'entre nous travaille. Ce qui rendait les choses
plus faciles. Nous avons le même genre d'objectifs en tête et c'est cool. On essaie de
vivre ensemble. Je veux dire que nous vivons et nous construisons le groupe 24 heures sur
24. Quatre d'entre nous vivent ensemble à Birmingham (fait semblant d'étrangler Shane).
SHANE : Je n'ai jamais essayé
de faire deux fois le même album. Cette fois-ci, c'est un peu comme un pas en avant
plutôt que rester exactement les mêmes, ce qui n'est pas une mauvaise chose, je suppose.
Je pense qu'il était temps que NAPALM essaye de nouvelles choses.
MITCH : C'est plus destiné à
produire ses effets sur scène de toute façon. Les choses se passent vraiment bien en
concert. C'est ce que nous désirions à la base. Plus de tempos qui accrochent les gens,
qui les font bouger comme ça (fait mine de sauter).
VANESSA : Quand vous dites que vous avez enregistré d'une
façon plus live, avez-vous utilisé des techniques d'enregistrement particulières,
avez-vous jammé ensemble en studio ou avez-vous utilisé du matériel technologiquement
en avance pour obtenir cette ambiance live ?
MITCH : Oui, nous avons eu
besoin d'un harmonizer pour les vocaux et toutes les parties de batterie ont été faites
en studio. Mais à la base, c'était typiquement le même processus. Néanmoins, plutôt
que de jouer une chanson mille fois jusqu'à en obtenir une version correcte, si on y
arrivait pas au premier coup, on passait à la suivante et on revenait dessus par la
suite. On a essayé de choper de meilleures vibrations, quelque chose de plus live plutôt
qu'un truc qui stagne comme c'est le cas parfois.
VANESSA : Je ne suis pas une personne ayant l'habitude de
poser des questions génériques comme, par exemple, "Pourquoi avez-vous appelé
votre album Fear, Emptiness, Despair" (la peur, le vide, le désespoir) mais
dans votre cas, je pense sincèrement que ce titre est révélateur de l'atmosphère du
LP. Que représente exactement le titre ? A t il une connotation négative ?
SHANE : A l'origine, il aurait
dû s'appeler "Underule" mais à la dernière minute, le reste du
groupe a décidé qu'il n'aimait pas le titre. Au niveau des paroles, s'agissant de ma
contribution, ce disque évacue ma déprime personnelle et mes problèmes. Ce n'est pas
que nous soyons déprimés tout le temps, mais ça nous arrive de l'être au cours de
toutes ces journées, de toutes ces semaines...
MITCH : Pour nous, c'est le
meilleur moment pour composer ! (rires)
SHANE : En fait, tu ne fais
juste qu'écrire un riff et des paroles qui représentent un sentiment. Et en même temps,
il y avait une campagne de promotion pour je ne sais quoi qui était bâtie autour de
"Fear, Emptiness, Despair"
MITCH : Conneries... (rires de Vanessa)
SHANE : Ils avaient besoin de
trois mots forts susceptibles de développer le concept de l'album, qui soit dans la
continuité de Utopia Banished, c'est à dire la perte généralisée de
l'espoir. Ce sont des choses vraiment typiques.
VANESSA : Cela veut-il dire que l'album a été difficile à
faire d'une certaine manière ?
SHANE : Ouais...en général,
musicalement et au niveau des paroles, ça nous a pris beaucoup de temps. Nous avons dû
lutter car nous nous sommes éloignés de la composition pendant un moment ; et pour que
nous nous remettions dans l'ambiance d'écrire des chansons, ça a été en quelque
sorte...ça a été un processus douloureux, tu sais. Jour après jour, semaine après
semaine. Il nous a fallu du temps avant que les chansons de l'album sonnent bien.
Habituellement, cela nous prend trois à quatre semaines d'effort. Ici, c'étaient des
mois ! Puis nous avons apporté un soin particulier à la production, nous l'avons
remixer. Nous avons tout vérifié avant qu'il ne sorte chez les disquaires.
MITCH : Même chose pour la
pochette, tu sais. A la dernière minute. L'album était en retard de toute façon, la
vidéo était en retard... tout s'est fait à la fin. Nous voulions vraiment être
satisfaits du résultat final.
SHANE : Il était temps pour
nous d'exprimer les idées qu'on a eues depuis deux ans. Nous voulions tenter des trucs
différents, élargir nos influences tout en gardant l'identité du groupe, ce que nous
avons réussi à mon avis. Nous avons testé des rythmes différents ou des trucs que font
les groupes que nous aimons à l'heure actuelle. Nous pensons sincèrement que ce sont les
meilleures chansons que NAPALM DEATH ait écrites, que ce soit par rapport aux plans
rapides ou aux parties lourdes et accrocheuses. C'est la voie que nous désirions
emprunter. Avec nos précédents albums, je pense que... après quatre albums de speed
absolu, nous commencions à être un peu fatigués de ce style. Il existe des groupes à
l'heure actuelle qui font exactement ce que NAPALM faisait il y a 7 ans et c'est cool que
le mouvement se régénère. Mais si nous voulons poursuivre, nous devons évoluer.
Certaines personnes affirment que nous avons innové dans le grindcore, et je pense qu'il
est temps pour nous d'innover à nouveau encore plus.
VANESSA : Bien. Bon point. "Fear, Emptiness,
Despair" est aussi un album beaucoup plus contrasté, renfermant des passages
foudroyants et chaque chanson a sa propre personnalité. Je veux dire que quand on écoute
l'album, ça n'est pas du style Da-Da-Da, Da-Da-Da (chante un air monotone et basique).
SHANE : Effectivement, il y a
plus de moments standards.
MITCH : Ouais, la plupart des
morceaux ont une intensité croissante plutôt que de tourner en rond et de continuer
toujours sur le même tempo. Nous construisons les morceaux et essayons de capitaliser
dessus.
SHANE : Nous avons de nombreuses
idées pour le prochain album. Utopia Banished est désormais loin derrière.
MITCH : Nous allons continuer à
jouer l'album en live. Nous n'avons pas joué beaucoup de chansons de l'album précèdent
car il était si rapide que les gens étaient là comme ça (imite le mec blasé et
crevé, qui ne bouge pas).
SHANE : Et cela nous frustre.
Ils rentraient quand même dedans mais ce n'est pas ce que nous recherchons.
MITCH : Nous donnons
énormément au public. Et si ils ne nous renvoient pas l'énergie que nous déployons,
nous sommes frustrés, tu vois. Mais les choses sont différentes avec cet album ; c'est
vraiment ce que nous voulions faire musicalement.
VANESSA : La tournée européenne n'est pas complètement
achevée. Les dates anglaises vont défiler sur votre écran. Et que va t il ensuite
arriver à NAPALM DEATH ?
SHANE : Je pense que nous avons
un mois de repos mais nous devons faire un concert par semaine durant ce mois donc ça va
le fractionner un peu. Puis nous partiront aux Etats Unis, le 9 ou le 10 août je crois.
Nous allons faire une tournée du genre 5 semaines. On essaye de faire venir Entombed avec
nous mais ce n'est pas sûr, il y a des obstacles, ils doivent enregistrer un nouvel album
alors je ne sais pas trop... Et puis avec un peu d'espoir, nous reviendrons en Europe en
première partie d'un autre groupe. Tu vois, je pense qu'il est important de continuer à
promouvoir cet album car il pourrait mieux marcher. C'est vraiment un truc auquel nous
voulons apporter un soutien. Nous allons faire de notre mieux pour décrocher une bonne
tournée.
VANESSA : Et à propos des festivals ? Est-ce que NAPALM a
des projets ?
MITCH : Nous aimerions jouer
dans n'importe quel festival...
SHANE : Il y avait ce festival
en Hollande avec Obituary et d'autres groupes...
MITCH : Ouais, mais rien n'est
réellement finalisé. Peut être y a t il avec le management ou quelque chose d'autre
mais...je ne sais pas. Vous cherchez un groupe pour un festival ? Contactez la personne
concernée (rires).
VANESSA : Très bien, merci beaucoup de m'avoir rejoint ici,
à Stockolm. Contente de vous avoir rencontré. Il est 17H15, c'est à dire que ces mecs
vont monter sur scène une heure et quart. J'espère que tout va bien marcher pour vous.
Nous retransmettons après cette interview une partie du concert. Merci à NAPALM DEATH,
bonne chance pour tout, nous vous reverrons très bientôt. En attendant, prenez garde à
la vidéo "Plague Rages".