INTERVIEW TRANSIT

La Mort au Napalm. Avec un pareil patronyme, il ne faut pas s'étonner des débuts à la fois expérimentaux, dévastateurs et chaotiques du groupe, qui créa en 87 le grindcore avec "Scum", tout simplement en poussant à l'extrême ce que des groupes comme SOB (les japonais, donc) ou Repulsion ont fait avant lui. En 88, Bill Steer, guitariste génial et fou de Carcass, rejoint Napalm Death, lui insufflant des influences plus lourdes et plus metal, mais à peine perceptibles dans la pièce d'anthologie qu'est le second album de Napalm Death, "From enslavement to obliteration". Après quelques minis rares mais tous réunis sur la compil' "Death by manipulation" (trad : mort par manipulations, bonjour l'ambiance), le line-up change du tout au tout et s'adjoint Mitch Harris (ex Righteous Pigs), Jess Pintado (ex Terrorizer) à la guitare et Barney Greenway (ex Benediction) au chant. Après le dantesque EP "Mass appeal madness", Mick Harris, batteur et fondateur du groupe, part fonder Scorn, projet singulièrement ambient/electronic/dub. Quoi qu'il en soit, Mitch Harris vous expliquera plus tard l'histoire du groupe. Ajoutons simplement que l'apogée de Napalm reste "Fear, emptiness, despair". Depuis le non moins excellent "Diatribes", Napalm tombe de charybde en scylla, avec le médiocre "Inside the torn apart" et, osons le dire, le misérable "Words from the exit wound". Mais là, il fallait quand même que le guitariste nous donne deux ou trois explications : comment se fait-il qu'un groupe qui a influencé un nombre incalculable de formations (dont Fear Factory) se retrouve en première partie de Machine Head, puis de Cradle Of Filth ? Comment pardonner l'erreur qu'est "Words from the exit wound" ? Voyons, voyons, juste après que Napalm ait joué en première partie de Cradle au Z7.


Comment expliques-tu, sans vouloir paraître un peu trop direct, que depuis "Diatribes", chacun de vos albums se ressemblent et sont de moins en moins bons ?
Pour tout expliquer, depuis le début, à l'époque de "Scum", Napalm Death était influencé par tous les groupes chaotiques et extrêmes comme Celtic Frost, SOB ou Repulsion. Puis la face B de "Scum" marquait déjà une évolution parce que le line-up était différent. A l'époque, nous louvoyions encore entre death metal et hardcore. "Harmony corruption" nous a plongé en plein dans le death, en particulier en raison de la production. Du coup, nous avons fait "Mass appeal madness", bien plus extrême. Dans son prolongement direct, il y a eu "Utopia banished" et là, nous nous sommes remis en question. Nous nous sommes demandés combien d'albums nous pourrions encore faire comme cela et nous avons conclu que ce serait peut être le dernier. Il n'était pas aussi lourd que nous le voulions, et les démos sonnaient beaucoup mieux. Nous avons changé de producteur pour "Fear, emptiness, despair". C'était après que certains d'entre nous aient enregistré Meathook Seed et Blood From The Soul , et cela explique sans doute les changements qui apparaissent sur cet album. Les guitares et la basse sonnent différemment... Nous avons trouvé notre propre façon d'être brutal. Tout me semble être différent sur "Inside...", que je trouve mieux que "Diatribes". Je crois qu'avec "Words from the exit wound", nous avons encore fait un grand pas en avant. Dans le même esprit que "Inside..." et "Diatribes", les morceaux sont courts et leurs structures sont simples, mais "Words..."   est plus rapide et plus extrême.

Attends... tu veux dire que pour toi, "Words from the exit wound" est votre meilleur album ?
Oui. Mais attends un an et je te dirai quelque chose de complètement différent.

Que peux-tu nous dire sur les voix cleans que l'on trouve sur "Words from the exit wound" ?
Barney s'est ramené avec cette idée et on s'est dit : "Cool, il fait un effort, il essaye de faire quelque chose de concert". Certaines personnes ont été choquées mais je ne vois pas pourquoi. Je crois qu'il est égoïste de la part des gens de dire "Non, ce n'est pas ce que je veux entendre, ne le faites pas !".

Tu as mentionné tout à l'heure le nom de Meathook Seed (projet solo de Mitch Harris avec des membres d'Obituary, sorti en 92 ou 93). Y aura t-il enfin un deuxième album faisant suite au chef d'œuvre qu'est "Embedded" ?
J'ai commencé à l'enregistrer avec un nouveau line-up, des potes à moi. "Embedded" date d'il y a cinq ans. Je crois que le prochain Meathook Seed sera à ce dernier ce que "Diatribes" fut à "Fear, emptiness, despair", un pas en avant, même si on y retrouvera tous les éléments de Meathoook Seed.

Vous avez jammé avec Dream Theater. Peux-tu nous en dire plus ?
Je ne me souviens plus très bien. Nous étions à New York, complètement bourrés et ils ont repris "Battery" pour MTV ou quelque chose comme ça, en tout cas c'était filmé. Barney est un gros fan de Dream Theater et leur batteur est un fan de thrash et de Napalm Death. Les mecs de Dream Theater sont vraiment super humbles et ne nous regardaient pas de haut parce qu'ils font de la musique ultra technique et nous du grind. Respect.

Vous avez fait un split EP avec Coalesce. Que penses-tu de cette scène hardcore underground américaine redécouverte actuellement, dans laquelle on trouve Coalesce, Kiis It Goodbye, Deadguy ou encore Converge ?
Je suis un méga fan de Converge. En revanche, je n'ai jamais entendu parler des autres groupes que tu cites.

Ah bon, et Coalesce alors ?
Ah, il fallait mieux le prononcer tout simplement (ndrl : visiblement, cela pose problème à tout le monde !)

Et que penses-tu de Scorn ?
J'adore Scorn, mais personnellement, ce n'est pas le genre de musique que je ferais. J'ai du respect pour Mick, parce qu'il a quitté Napalm Death pour faire quelque chose de complètement différent, voire carrément à l'opposé. Mais je ne suis pas convaincu qu'il était absolument nécessaire qu'il quitte Napalm Death pour faire ce qu'il fait avec Scorn.

Depuis le temps que vous existez, vous avez rarement headliné une tournée. Cela ne vous arrive plus depuis "Inside the torn apart". Crois-tu qu'un groupe comme vous ait encore besoin de faire les premières parties de Machine Head ou de Cradle Of Filth pour épaissir son press book ? D'autant plus que ce sont des groupes qui sont arrivés très récemment sur la scène !
Je crois qu'il ne faut pas se précipiter. Chaque fois que nous avons headliné une tournée, nous tournions avec des groupes d'une popularité égale à la nôtre comme Crowbar ou Entombed. De plus, nous avons très peu tourné depuis "Inside the torn apart", et cela fait donc depuis un moment que les gens veulent nous voir ; et lorsque l'occasion de jouer se présente, nous fonçons, que cela soit pour jouer dans un festival gothique (!), avec Machine Head (! !) ou avec Cradle (! ! !). Le problème est que nous avons un management d'incapables.

Y-a-t-il une question que tu as toujours voulu qu'on te pose mais que personne ne t'a jamais posé ?
Je ne sais pas. Peut être que tout sera foutu dans cinq ans. Peut être que le nouvel album est moins bon que le précédent à en croire ce que disent certaines personnes. Je ne pense pas que l'on puisse comparer nos albums, car les différences entre chacun d'entre eux sont toujours drastiques. Nous voulons toujours créer, qu'il s'agisse de quelque chose de neuf ou non, mais avant tout créer. Peut être que dans quelques années, les gens comprendront notre point de vue (Web : ce que ces sales pseudo-journalistes devraient méditer...).


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