Le très prolifique Shane Embury a formé ce projet parallèle avec Lou Koller, le chanteur de Sick Of It All. L'idée de cette collaboration mutuelle peut sembler incongrue vu la différence de style entre ces deux groupes. Mais il faut se rappeler que la scène hardcore (première période, dans les années 80) a été une des principales influences de Napalm Death. Shane déclare d'ailleurs qu'il a été très influencé dans son jeu de guitare par des groupes de la scène new-yorkaise, particulièrement Sonic Youth et The Swans. Il est resté très fan de ce genre de musique et a toujours apprécié le gang culte qu'est Sick Of It All. Les deux personnalités ont pu se rencontrer plus amplement lors de la tournée américaine "New titans on the block"  durant l'été 1991 - avec Sacred Reich et Sepultura - et sont devenues de bons amis. C'est pourquoi Shane a fait appel à Lou pour chanter sur son premier projet solo notable depuis qu'il avait rejoint Napalm Death (c'est à dire Unseen Terror, environ 6 ans avant).

Mais Blood From The Soul est un projet un peu étrange, ce n'est pas vraiment un groupe au sens propre du terme car, à part Lou qui tient le micro, il n' y a que Shane. Et oui, le père Embury joue de TOUS les instruments sur cet album. Il faut savoir qu'il a commencé comme à jouer de la musique en tant que batteur (dans Unseen Terror) et qu'il gratouillait un peu de guitare également. D'ailleurs, Napalm Death lui proposa de remplacer Justin Broadrick au poste de guitariste fin 86, mais il refusa. Moins d'un an plus tard plus tard, l'impressionnant musicien fut engagé... ...au poste de bassiste, cette fois !  Shane s'essaie aussi aux vocaux de temps à autre sur des chansons de ND, le meilleur témoignage étant "Inside the torn apart" où il assure les lead vocals mais il a assuré les choeurs de nombreux autres morceaux. Quand on vous dit qu'il sait tout faire ! Il aurait presque pu enregistre les vocaux lui-même mais a préféré les confier à un tiers. Sinon, il se serait senti un peu seul, le pauvre !

Vous vous demandez peut être ce qui l'a poussé à en arriver là... C'est le goût du risque. Le challenge consistant à tout réaliser lui-même pour se prouver qu'il en était capable. Certains ziquos ont parfois besoin de s'extraire de leur groupe principal et de voler de leurs propres ailes afin d'exprimer leur créativité au maximum. C'est tout à fait compréhensible et honorable. Surtout quand on entend ce que donne "To Spite...". La claque ! Car Shane joue de tous les instruments avec une aisance qui frise l'insolence. Vous savez, certaines personnes ont le don de la musique, elles sentent instinctivement ce qu'il faut jouer ; et bien je pense que ce mec a un putain de feeling musical parce qu'on pourrait croire qu'on a affaire à un vrai groupe lorsqu'on écoute cet album. Aucune faille dans la section rythmique c'est propre et carré, à l'image de bon nombre de formations de hardcore (Sick Of It All en premier lieu).

Cet album a été enregistré en plusieurs phases (de novembre 92 à juillet 93) au Rhythm Studios en Angleterre (où ND avait séjourné pour accoucher de "The world keeps turning EP" quelques mois auparavant). Shane produit l'album avec Paul Johnson (le producteur de... "The world keeps turning EP", décidément !). Les parties vocales ont été enregistrées de mars à juin 1993, et le LP est sorti en novembre. Musicalement, c'est un lien entre le hardcore sauce new yorkaise et un metal moderne teinté de sonorités industrielles. Certains plans sont proches de la voie qu'a emprunté Napalm depuis "Fear, Emptiness...", ce qui montre bien que la progression des grindcoreux est naturelle. Tous les éléments qu'ils utilisent étaient déjà présents à cette époque, ils étaient en gestation en quelque sorte. "To Spite..." était donc un avant-goût, une expérimentation apparemment positive puisqu'elle a permis à Napalm de s'affranchir de certaines barrières dues à son extrémisme. Et même sans affirmer que cet album est le meilleur de la décennie, je trouve qu'il possède une très bonne intensité et un son excellent, très clair et très puissant. Même s'il ne s'est pas vendu à la pelle, Shane a réussi son pari et cela l'a rendu plus fort pour aborder de futurs enregistrements. Il est bon de prendre des risques parfois...

Shane ne savait pas trop s'il donnerait une suite à "To Spite...". Il comptait faire quelques concerts avec un groupe à part entière (batterie, basse + 3 guitares) mais je ne pense pas que cela ait eu lieu. Il disait aussi avoir dix autres compositions, c'est à dire suffisamment de matériel pour un second LP. Mais Lou Koller n'est peut être plus trop intéressé et Blood From The Soul semble désormais éteint. Pourtant, lorsqu'on pose la question à Shane, ce dernier déclare qu'il aime le nom du groupe (Le sang en provenance de l'âme) et qu'il aimerait bien enregistrer un autre album, plus axé sur l'instrumental, un peu comme une B.O. d'un film de science-fiction et d'horreur. Pourquoi pas ? L'idée me plaît bien...


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