Le mystère Brujeria (qui signifie 'Magie noire' en mexicain) a été percé depuis longtemps, et pourtant ce ne fut pas chose facile. Il faut dire que tout a été mis en oeuvre pour que l'identité des musiciens reste secrète. Ils étaient présentés à la base comme de dangereux malfrats mexicains qui auraient pris les responsables de Roadrunner en otage afin de se faire signer sur le label ! Aucune photo, pas de noms officiels... Il n'en fallait pas plus aux journalistes curieux pour se ruer sur ce phénomène. Quelques années après, Dino de Fear Factory a révélé le pot aux roses dans une interview donnée sur Internet et le côté mystique de cette association s'est un peu émoussé. Concrètement, Brujeria a été formé par Juan Brujo et Dino Cazares de Fear Factory. Mais au cours des années, on y a aussi trouvé Raymond Herrera de Fear Factory, Billy Gould de Faith No  More, Pat Hoed de Down By Law, Shane Embury et Jesse Pintado de Napalm Death, Nick Barker de Borknagar et de Lock Up (ex-Cradle Of Fith et ex-Dimmu Borgir)... à tel point qu'on pourrait qualifier Brujeria de all-star band ! Tous se cachent sous des pseudonymes plutôt marrants : l'assassin, le guerrier sans foi, le fantôme... Si vous voulez savoir, Shane se cache sous le speudo de "Hongo" (souvenez-vous de Blood From The Soul, il jouait de tous les instruments).

A part une paire de singles qui voient le jour en 1990 et 1992, les choses ne démarrent vraiment qu'en 1993 avec la sortie mondiale - sur le label Roadrunner - de "Matando güeros", leur premier album. La pochette, montrant une tête décapitée - évidemment censurée - résume parfaitement le contenu de l'album, qui doit être considéré comme la récréation de quelques artistes désireux de pouvoir se défouler sans avoir de comptes à rendre, sans supporter aucune pression de la part des fans ou de la maison de disque (c'est le privilège de l'anonymat !). Tout, du début à la fin, est prétexte au délire : une intro légendaire (un deal de coke entre un américain et deux mexicains qui tourne mal), des textes chantés en mexicain sur du grind / death au son bien crade et  épais (le groupe utilise alors trois bassistes ! c'est une innovation) . Je ne détaillerai pas les thèmes abordés dans les paroles mais je peux vous dire que c'est fumant. Du satanisme primaire et de la coke, tout un programme ! Et pourtant, à côté de ça, le chanteur Juan Brujo est très concerné socialement et ses lyrics traitent de l'injustice que subissent les classes les plus pauvres. Je ne crois pas que ce soit pour faire 'bien' car il semble y croire vraiment d'après ce que m'a dit Jesse. Au moins, ça contrebalance les opinions de ce qui pensent que ce groupe n'est QUE du délire. "Matando güeros" n'est pas très original mais je le conseille volontiers à tout vrai fan d'extrême, et particulièrement aux fans de Napalm Death, Nausea et Terrorizer. Mais vous savez, l'originalité n'était pas le but recherché de toute façon, le truc, c'était de se faire plaisir. Quoi que des groupes extrêmes chantant en espagnol, ça ne court pas les rues !

Trois ans plus tard, Brujeria sort son deuxième album "Razia Odiada" qui est teinté de sonorités beaucoup plus hardcore, puis le mini "Marijuana" qui est en fait une reprise détournée de... La Macarena ! ! Jouissif ! Ces deux forfaits ont permis au groupe d'affermir son identité et d'asseoir sa réputation en Amérique comme en Europe. Roadrunner (qui vire sacrément au néo métal) se sépare du groupe et en 2000, ce dernier signe avec Kool Arrow Records, dirigé par Bill Gould (qui officiait au poste de bassiste mais s'est retiré du groupe pour gérer son label) et sort son troisième album intitulé "Brujerizmo" à la fin de l'année. Cette fois-ci, la musique est ultra efficace, la production est bien meilleure qu'auparavant et on a droit à quelques innovations. Mais le son général de l'album se rapproche de plus en plus de Fear Factory. Un peu comme Mike Muir avec Suicidal Tendencies et Infectious Grooves à une certaine époque, Dino Cazares fait de plus en plus converger ses deux groupes. Depuis, Brujeria a sorti quelques compiles mais pas de réel album studio. Dino a même monté un projet parallèle nommé "Asesino" et il a sorti un album en 2002 intitulé "Corridos De Muerte". Comme quoi Brujeria, qui était un projet parallèle à l'origine, devient un groupe 'principal'. En 2003, le groupe a connu une grosse exposition médiatique - toutes proportions gardées - En Effet, ils ont fait leurs premières photos et ont donné leurs premiers concerts : à Chicago, au Texas, à Mexico et même au Brésil. Il était temps, ça faisait quand même 13 ans que le groupe existait ! Bref, joli parcours pour ce qu'on croyait n'être qu'une triste blague passagère. Contrairement au proverbe, les blagues les plus longues sont parfois les meilleures, vous trouvez pas ?


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