Carcass est un groupe absolument essentiel de la scène grind. Sans lui, comment serait perçu ce style ? Musiciens hors pairs, à la fois techniques et inspirés, ils auront contribué d'une façon énorme au développement de l'extrême, que ce soit dans le grindcore à leurs débuts ou dans un death mâtiné de heavy metal à la fin de leur carrière. Mis à part Napalm Death, c'est LE groupe qui a crédibilisé le mouvement grind. L'aventure commence en 1985 lorsque quatre jeunes de Liverpool décident de monter leur combo. Ils sortent une démo qui fait grand bruit dans l'underground, mais le départ du vocaliste Sanjiv fin 86 et les études du batteur Ken Owen mettent le projet en veilleuse. Bill Steer, le guitariste, était éditeur d'un fanzine très réputé à cette époque qui portait le nom de "Phoenix Militia" et dans lequel il avait très probablement parlé de ND. Peut être même que les deux groupes avaient déjà donné des concerts ensemble... Napalm Death venait de perdre son guitariste, Justin Broadrick, et après avoir tenté en vain de le remplacer par Franck Healy (plus tard dans Benediction) qui n'arrivait pas à jouer assez rapidement, ils firent appel à Bill. Celui-ci tenait fortement à continuer à jouer du grind et a donc accepté.

Cependant, en 1987, Carcass reprend du service et Steer continue à jouer dans les deux groupes. La reformation de Carcass ne comprend pas le chanteur originel, Sanjiv, et il faut croire qu'ils n'ont trouvé personne assez bon pour le remplacer ou qu'ils préféraient rester entre eux car c'est Bill et Jeff Walker, le bassiste, qui se partagent les vocaux. Cela aboutira d'ailleurs à une combinaison unique, Bill ayant un registre très caverneux alors que Jeff évolue dans des intonations beaucoup plus tranchantes, plus éraillées. Un peu comme la dualité des cris aigus/gutturaux de Napalm mais largement plus développé et poursuivi sur la quasi-totalité des chansons. Malheureusement, leur premier album, intitulé "Reek Of Putrefaction" (des relents de putréfaction, bonjour l'ambiance !) est, de l'avis même des musiciens, une 'monstruosité' ! En effet, la production est inexistante et, bien que l'album renferme de bons riffs, le tout est complètement noyé dans une espèce de brouhaha. Peu importe, l'accueil des critiques est excellent et même John Peel le déclare album de l'année. Faut dire qu'avec une pochette aussi abominable (un collage de malformations et organes en tout genre) et des titres tels que "Broyeur génital", "Foeticide", "Excrété vivant", le groupe porte l'idée gore à son paroxysme et se fait rapidement son trou.

Bill continue donc de jouer simultanément avec Napalm et Carcass. Mais cet état de fait ne durera pas très longtemps, le guitariste préférant rejoindre ses comparses à l'aube de la sortie du deuxième album, le nauséabond "Symphonies Of Sickness". Cet LP sort en novembre 1989 et cette fois-ci, c'est un coup de maître ! La production est enfin décente et met suffisamment en valeur la dizaine de joyaux death/grind contenus dans l'album. L'accueil de l'underground est unanime, l'album se vend très bien et Carcass commence à entamer ses premières longues tournées (notamment avec Entombed et Atrocity).

On peut considérer que ces deux premier albums sont très proches musicalement parlant de Napalm Death. Pourtant, on sentait déjà clairement l'identité de chacun. Carcass a toujours eu un côté heavy metal plus prononcé et a privilégié une approche plus mélodique, plus travaillée. Ces distinctions se feront plus nettement sentir sur le troisième album, le génial "Necroticism - Descanting the Insalubrious". Cet album est un pur chef d'oeuvre, des extraits d'autopsie servent d'interlude aux huit titres qui s'enchaînent sans un seul temps mort, tel un concept album macabre. La progression du groupe en termes de composition est fulgurante, les morceaux sont inspirés, techniques et novateurs et les soli de Bill et Mike Amott, récemment engagé dans la formation, plus que grandioses. Le groupe sort son premier vidéo clip qui, si l'on en juge par les faibles moyens techniques mis en oeuvre, est une réussite puisqu'on le voit partout ! Les tournées en tête d'affiche se succèdent et Carcass participe également à la partie américaine de la "Campaign For Musical Destruction".

Le quatrième album, "Heartwork", sort en Europe en novembre 1993 et, une fois de plus, Carcass met tout le monde sur le cul en continuant à progresser grave. le son est hallucinant, la direction est certes de plus en plus abordable mais les compos sont infaillibles. Ils restent nettement au-dessus du lot. Ce succès engendrera l'intérêt des majors, et fin 1993, le label américain Columbia records propose un contrat en or au groupe de Liverpool (plusieurs milliers de dollars). Par cupidité ou pour en finir avec Earache qu'ils ne jugeaient pas à la hauteur, Carcass accepte l'offre. "Heartwork" est donc distribué par Columbia aux USA mais il ne vend pas spécialement plus que ces prédécesseurs, ce qui embête bien les dirigeants du label. Carcass, eux, s'en foutent éperdument et continuent leur chemin en enregistrant de nouvelles chansons. Mais la guerre est déclarée, les responsables de ce putain de label font pression pour que la direction musicale soit plus mainstream, que Jeff adopte une voie claire... Autant d'éléments qui provoquent des tensions au sein du groupe. L'album "Swansong" est prêt dés fin 94 mais sa sortie est bloquée pendant toute l'année qui suit. Convaincus que les problèmes dans lesquels ils sont empêtrés ne parviendront pas à ranimer l'enthousiasme au sein de l'équipe, ils préfèrent se saborder en octobre 1995. Earache récupère alors les droits d'auteurs et sort l'album à titre posthume. Le label anglais sortira l'année suivante la compile "Wake up and smell the... Carcass", puis quelques années après une autre compile intitulée "Choice Cuts" (disponible en très peu d'exemplaires).

Après le split, Carcass s'est scindé en deux : d'un côté, Bill Steer, et de l'autre, Jeff, Ken et le dernier guitariste en date, Carlo Regadas. Le premier partira jouer du rock des seventies dans un groupe nommé Blacksmith et connaîtra une petite traversée du désert avant de monter un projet stable intitulé Firebird (toutes les infos sur cette page). Les autres membres de Carcass n'attendront pas aussi longtemps et monteront directement le groupe Black Star (du nom d'une chanson de "Swansong"), qui est la suite logique de Carcass avec une grosse influence de Thin Lizzy. Leur premier album, "Barbed Wire Soul", sort fin 97 sur Peaceville records et je vous le recommande fortement : les vocaux sont abrasifs et les rythmiques tranchantes à souhait, tout en entretenant un feeling hard rock du meilleur effet. Depuis ce premier forfait, on n'a plus entendu parler du groupe. Le batteur, Ken, a été sérieusement malade pendant de longues années et cela a mis un terme à leur carrière. On a eu de leurs nouvelles récemment, d'abord avec la compile "Choice Cuts" sortie début 2004 puis la tournée promo du livre d'Albert Mudrian, "Choosing Death" à laquelle Ken et Jeff ont participé. Ce dernier fait d'ailleurs des backing vocals sur l'album de Napalm Death "The Code Is Red... LOng Live The Code" sorti en 2005 et il a également participé à un groupe grind au nom subtil de "To Separate The Flesh From The Bones" - qui, on s'en serait douté, a de grosses influences carcassiennes.

En conclusion, je dirais qu'on ne peut qu'admirer l'héritage fantastique que Carcass nous a laissé. Ce groupe était totalement unique et son influence sur la scène fut énorme. Ils avaient constamment d'avance sur les autres, se projetant vers le futur et cherchant à faire progresser leur musique tout en gardant cet aspect si tranchant. C'était le genre de groupe qui avait tellement d'idée et de talent qu'il progressait trop vite, ce qui fait que tous ses albums sont drastiquement différents. Mais tous, dans leur genre, sont excellents. Si vous ne connaissez pas encore, écoutez ce que ça donne. On ne peut pas faire l'impasse sur un groupe aussi essentiel que celui-ci. C'est un devoir de mémoire.

NB : Bill Steer a pendant un temps dirigé un label du nom de Necrosis records, une sous division du label Earache et il a édité entre autres "Horrified" de Repulsion (énorme influence de ND) et "Dark Recollections" de Carnage (dont Mike Amott était issu).


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