GOULDFINGER
Interview de Bill Gould menée par Olivier
Rouhet, paue dans Hard Rock magazine de décembre 2000
Billy Gould, le bassiste de feu-Faith No More, est un homme occupé : en effet, c'est en tant que président de Kool Arrow Records que nous l'avons interviewé pour la promotion du nouvel album du mystérieux groupe Brujeria, Brujerizmo. Tellement mystérieux que le père Billy ne peut pas en dire grand chose et s'évertue à masquer un secret de polichinelle, en l'occurrence le véritable line-up du groupe (des membres de Fear Factory, de Napalm Death, Gould lui-même, etc). Ce qui nous a amenés à aborder des sujets hors Brujeria et notamment, Faith No More...
Ce nouvel album de Brujeria est différent des autres. Il
est bien plus accessible, limite commercial...
Le son est bien meilleur et le groupe sonne comme un
"vrai" groupe ! Dans cette mesure, tu as peut être raison.
Le côté death, hormis pour le chant, est quasiment
absent...
Il faut savoir changer, et ce qui ressemblait au death il y a
cinq ans n'a rien à voir avec le death aujourd'hui. Je reconnais que Brujeria a ralenti
le tempo, la musique est plus heavy et moins rapide.
Brujeria version 2000 sonne carrément comme du Fear
Factory...
Il y a de grosses similitudes, c'est vrai...
Brujerizmo a mis du temps à sortir, il était
prévu avant les vacances d'été...
Lorsque Brujeria a enregistré ce disque, le groupe n'avait
pas de contrat avec un label. J'ai monté ma structure, Kool Arrow, pour les signer.
Roadrunner, qui avait sorti les deux autres albums de Brujeria, était intéressé pour
une licence (NDRL : marketing et pressage du CD pour une durée déterminée). En tant que
responsable de Kool Arrow, j'ai été très pointilleux pour protéger au mieux Brujeria,
et les discussions ont été longues. C'est pourquoi le disque a eu du retard.
Bon, qui fait partie de Brujeria ?
Des musiciens...
Des rumeurs disent que tu fais partie du groupe, ainsi que
Dino Cazares et Raymond Herrera de Fear Factory, Nick Barker de Dimmu Borgir et Jesse
Pintado de Napalm Death...
Ce sont des rumeurs.
Roadrunner ne parle pas vraiment de rumeurs...
(pause) De toute façon, on se fout de savoir qui est dans le
groupe. L'important, c'est que l'album de Brujeria sonne bien. Les lyrics sont très
importants et aucun des musiciens "victimes" de la rumeur n'est parolier.
Personne ne sait qui chante et écrit les paroles, donc, peu importe...
Quel est vraiment le concept de Brujeria ?
Difficile de te répondre car ce n'est pas MON concept...
Brujeria est un groupe qui joue très fort et très hard : les membres revendiquent une
identité mexicaine ou américano-mexicaine, et ça a été un des premiers combos de
métal extrême sans compromis.
Tu aimes cette musique ? Faith No More faisait quelque chose
de très différent...
Oui, j'aime. J'apprécie l'expression artistique, celle d'un
vrai groupe qui fait une musique qui vient des tripes et du cur. Même du temps de
Faith No More, j'aimais ce style. Tu sais comment ça se passe, tout est histoire de mode,
et il est difficile de trouver des groupes qui ont une personnalité, une originalité,
des groupes qui s'expriment sans prendre le train en marche. Cette musique est extrême
mais il faut parfois être extrême pour faire quelque chose de différent.
Qu'est-ce que ça te fait d'être patron d'un label
maintenant ?
Beaucoup de paperasses et de merdes ! 2000 a été très dur
car nous n'avons commencé nos activités qu'en 1999. C'est un vrai boulot et il faut
apprendre plein de choses. Nous ne sommes que deux, un mec de Brujeria et moi, à nous
occuper de tout.
Jouer de la musique ne te manque pas ?
Si. C'est pourquoi j'en joue ! Après cet entretien, je file
en studio avec mon nouveau groupe.
Quel style musical ?
Hou là ! C'est trop dur à expliquer... Très heavy, mais
très mélodique aussi. Il y a parfois un côté Faith No More, mais c'est en même temps
complètement différent. Je ne sais pas comment décrire cette musique correctement.
Quand tu écouteras, tu me diras ce que c'est, c'est ton boulot !
Restes-tu en contact avec les membres de Faith No More ?
Je rencontre Mike Patton environ une fois tous les trois mois
par hasard !
Vous évoluez un peu de la même façon : vous avez chacun
votre label et divers projets musicaux...
Oui et non. Par certains aspects, nous sommes très
similaires... Mais la façon dont nous gérons nos labels n'a rien à voir, tout comme les
groupes que nous développons... Nous avons une philosophie différente mais notre point
commun est de sortir des trucs que personne ne pourrait trouver ailleurs que sur nos
labels. Nous tâchons tous les deux de faire du monde un endroit plus créatif.
Quelle est la philosophie de Kool Arrow ?
Nous sommes des musiciens, possédons un label et gérons
notre affaire comme des amoureux de la musique, sans nous attacher aux considérations
commerciales... Aujourd'hui, on parle de village global avec Internet, mais c'est de la
connerie car ça permet juste aux Américains de vendre plus de merdes au reste du monde.
Ici, le music-business est vraiment pourri, très corporatiste... Le pire, c'est que les
groupes jouent le jeu et font tout pour être signés sur des majors et ramasser plein de
thunes... Je trouve qu'il n'y a plus de créativité aux States. Je viens de signer un
groupe de hip-hop espagnol qui marche très fort là-bas mais qui n'a aucune chance ici en
Amérique. C'est donc moi qui m'y colle (rires) ! Le paysage musical américain actuel est
le pire au monde. Mais à la décharge du public, on ne lui donne pas la chance d'écouter
des choses neuves. Si j'entends un bon groupe, j'essaie de faire sortir son album, avec
des motivations bien différentes de celles des autres maisons de disques.
Pourtant, lier Brujeria à Roadrunnner, sûrement le plus
gros indépendant du monde, ce n'est pas se fondre dans le moule que tu dénonces ?
Non. J'y ai beaucoup réfléchi avant de prendre ma
décision. J'ai confiance en Roadrunner et j'ai confiance en Brujerizmo. Grâce
à eux, les gens vont avoir l'opportunité d'écouter le disque et de découvrir Kool
Arrow. Je ne ferai pas la même chose dans le futur, mais à ce stade de développement de
notre label, c'est ce qu'il fallait faire.
Que penses-tu de la controverse Napster ?
Je trouve le principe génial, et même si le site risque
d'être fermé, des dizaines d'autres verront le jour. C'est d'ailleurs déjà le cas. Ca
fait chier l'industrie parce que les maisons de disques veulent pouvoir tout contrôler et
se faire le maximum d'argent. Ce que ne disent pas les majors, c'est qu'il est impossible
à un petit groupe de se faire connaître : ils ne peuvent pas passer à la radio, il est
très dur de mettre leur disque dans les bacs car le système de distribution hors major
est abominable... Imaginons que Faith No More débute sa carrière aujourd'hui... Nous
savons que nous avons un potentiel commercial - ce qui est vrai puisque l'on a vendu plein
de disques ! - mais personne ne nous écoute et nous faisons des tournées dans des bars
vides. Avec Napster, c'est le système du bouche à oreille, de la vraie liberté.
Mais aujourd'hui, peut être que 500 personnes ont
téléchargé des titres de FNM et tu ne verras jamais la couleur des droits d'auteur...
Je m'en fiche. La raison pour laquelle je suis musicien,
c'est que je crois en ma musique et que j'ai envie que d'autres personnes puissent
l'entendre. C'est la seule raison.
Es-tu au courant qu'un tribute album à FNM est en branle ?
Oui, j'ai entendu parler de ça. C'est vraiment cool ! Nom de
Dieu, on est restés ensemble dix-sept ans, et même si ça marchait bien pour nous en
Europe, ça a toujours été très dur ici : en agissant ainsi, des types nous prouvent
que nous n'avons pas joué de la musique pour rien et que nous avons réussi à toucher
des gens. Le fait que nous ayons eu une carrière est très fort. Nous aurions pu avoir
beaucoup plus de succès en cédant à certaines facilités mais nous avons résisté.
Quand j'y pense, ça me donne le moral, parce que FNM démontre que tu peux faire une
musique originale et être apprécié par un public.
Des regrets parfois quant à Faith No More ?
Oui... Nous devions donner des concerts en Europe de l'Est
mais le groupe a splitté avant, c'est un gros regret. J'aurais également voulu sortir un
autre disque, mais ainsi va la vie. Je suis en tout cas très fier de tous nos albums.
Une reformation est-elle envisageable ?
Pas cette année en tout cas (rires) ! Chacun est occupé
dans son coin... Mais je ne vois pas dans l'avenir.
Pour finir, comment se procurer le single de Brujeria, "Marijuana",
une version très personnelle de "Macarena" ?
Je n'en ai aucune idée. Ce titre est introuvable et
beaucoup de gens le cherchent. Peut être que je vais le rééditer sur Kool Arrow.
Euh... On l'a téléchargé avec Napster cet après-midi...
C'est vrai ? Napster, c'est vraiment cool, je te le disais !