REPUGNANTS

Interview de Bill Steer menée par Phil Pestilence, parue dans le Hard Rock Magazine de juin 1990.

Carcass et probablement le groupe le plus gore de la scène grindcore britannique à côté duquel Landru passerait pour un aimable plaisantin... Après avoir réclamé une solide prime de risque, le reporter de Hard Rock Magazine est miraculeusement revenu vivant (et entier !) de sa rencontre avec les garçons bouchers du métal.

Lorsque, pour la première fois, on découvre sans s'en douter la somptueuse pochette du second album de Carcass, Symphonies Of Sickness, on pense qu'il s'agit là d'une nouvelle facétie des garçons bouchers pour une fois inspirés. Alors on se rapproche, par l'hémoglobine alléché, et c'est avec un effroi sans pareil qu'on réalise que ces membres décharnés, ces yeux arrachés et ces corps décapités ne sont pas les fruits morbides de notre imagination fantasmagorique (notez l'ultra réalisme du terme). Timisoara, c'était le souvenir macabre d'un charnier roumain, c'est maintenant la griffe sympathique d'un combo anglais. Nos monarques de l'extrême mauvais goût, par ailleurs de jeunes bougres plein d'humour, n'ont jamais participé à "L'école des fans" de Mireille Mathieu. Pourtant, leur traumatisme cérébral doit bien provenir de quelque part. Bill Steer, guitariste et chant, préposé aux exécrations phonatoires, nous conte les mésaventures répugnantes du plus gore des trios.


"Exécrations d'émanations abdominales", "Nécropsie et festin embryonnique" ou "Incubateur cadavérique d'endoparasites" (traductions françaises) sont trois titres de Carcass. Peux-tu nous en expliquer la démarche philosophique ?
Nos textes sont essentiellement là pour produire un impact, à la fois expressionniste et phonétique. Ca ne suggère pas d'autres interprétation, ça n'a pas d'autres prétention. Dans le groupe, nous sommes tous les trois vocalistes et recherchons tour à tour le moyen d'assimiler nos vocaux à la musique, en les utilisant comme des instruments qui seraient vraiment graves.

Musicalement, vous êtes issus de la célèbre scène grindcore (Napalm Death, Bolt Thrower...). Toutefois, par vos structures de compositions et la mélodie très présente, vous vous rapprochez du death metal.
En fait, nous ne nous sentons pas appartenir à quelque scène que ce soit. Nous faisons notre musique sans nous soucier de la façon dont évoluent les groupes grindcore de Birmingham. Une chose est sûre, c'est que Carcass n'a rien de commun avec les groupes de thrash anglais, Sabbat, Xentrix ou Acid Reign. On n'a d'ailleurs jamais joué sur la même affiche, ils sont trop fiers pour ça.

Et vous n'écoutez pas non plus de heavy metal ?
Même si l'on nous considère comme l'un des groupes les plus extrémistes du moment, notre panorama musical est très large. Personnellement, je suis un fan absolu de Queensrÿche, j'adore la musique classique, Bach, Stravinski ou Prokokiev. En matière de heavy metal, le groupe qui me paraît le plus influent, c'est Judas Priest. Ils ont énormément alimenté le thrash metal, il n'y a qu'à écouter les deux derniers Slayer pour s'en convaincre.

Malgré une excellente production artistique, votre extrême death-grind pourrait aisément passer pour du bruit. Comment réagissez-vous quand quelqu'un vous dit que vous faites de la merde ?
Assez bien, en fait, car notre univers musical vise à la base à provoquer les gens, à susciter chez eux des réactions positives mais aussi négatives. Les gens qui nous rejettent en bloc ont souvent des problèmes d'ouverture d'esprit et, c'est moins tragique, de sensibilité. Je pense que lorsqu'on arrive pas à faire preuve d'ouverture pour la musique, on ne parvient pas, à plus forte raison, à s'ouvrir aux idées des autres. Carcass ne s'adressera donc jamais ni aux intégristes, ni aux bornés. C'est plutôt réconfortant, non ?

Et techniquement, vous vous situez à quel niveau ?
Ken a dix ans de batterie derrière lui, Jeff joue de la basse depuis six ans et moi de la guitare depuis huit ans. Je crois qu'on est en mesure de faire bonne figure dans n'importe quel groupe de métal en Europe, si c'est ce que tu veux dire.

A en juger par votre façon de vous habiller, on n'imagine pas une seule seconde le tapage que vous pouvez faire.
Ken a les cheveux courts, Jeff a des tresses (locks) et on s'habille de la manière la plus confortable qui soit. En fait, ça tombe bien, car à nous voir ainsi, on ne peut absolument pas nous coller d'étiquettes. Nous refusons toute notion d'image !

Tes parents ont-ils écouté votre album ?
Ouais, ils ont eu du mal à comprendre au début, mais mon enthousiasme a finit par les convaincre (rires)...


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