LE CHANT DU CYGNE
Interview de Jeff Walker parue dans le fanzine Innate courant 1996
Carcass depuis "Reek Of Putrefaction" a toujours mis un point d'honneur à progresser et à ne jamais se répéter. Cette recherche d'évolution les a éloignés du death primitif de leur début et des textes estampillés "institut Médico Légal" pour aboutir trois albums plus tard, en 93, au death classieux de "Heartwork". La critique et le public en feront un album couronné de succès. Carcass devenait faisandé à point pour les charognards du music business qui croyaient à tort se repaître grassement. Signé par Columbia USA, Carcass enregistre "Swansong" fin 94 mais rencontre d'innombrables problèmes avec les directeurs artistiques qui ne trouvaient pas les titres assez commerciaux. Ces galères immobilisent le groupe près de deux ans jusqu'à ce qu'il retourne sur Earache qui accepte de sortir "Swansong" à titre posthume : toutes ces péripéties auront eu raison de la motivation du groupe. Carcass peut tristement se consoler en pensant à l'argent de Columbia qu'ils ont empoché pour produire un album qui se retrouve finalement sur Earache.
Alors, où en est le groupe ?
Depuis octobre 95, le groupe n'existe plus. "Swansong"
est un album posthume. Bill voulait explorer de nouveaux horizons.
Lesquels ?
Il est plus attiré par des vieux groupes comme Cream, Grand
Funk Railroad. Mais je continue de jouer dans un groupe avec un mec de Cathedral, Ken et
Carlo sous le nom de Black Star car il était hors de question de continuer sous le nom de
Carcass. Bill faisait partie intégrante du son et du nom Carcass, ce serait absurde de
continuer sans lui ; Changer de nom, c'est aussi se libérer de toute la pression qui va
avec le nom Carcass et retrouver les valeurs fondamentales de jouer dans un groupe.
As-tu la foi pour défendre un album enregistré depuis si
longtemps et chargé de mauvais souvenirs ?
C'est l'album qui et fin à notre carrière mais c'est mon
album préféré. Tous les albums de Carcass sonnent différemment et nous avons réussi
une nouvelle fois à faire un album différent du précédent, ce qui est important. Nous
voulions faire quelque chose de plus accessible mais c'est toujours du Carcass.
Peux-tu expliquer en quoi les problèmes avec Columbia ont
provoqué des tensions alors qu'on aurait pu croire que cela vous avait rapproché ?
Je ne pense pas que Columbia soit responsable de ce qui
arrive au groupe. Le groupe existe depuis très longtemps et les membres se sont ouverts
à d'autres choses. Quand "Swansong" a été prêt, Columbia USA ne l'a
pas trouvé assez commercial, le heavy rock était mort, on était en plein vague Green
Day, Offspring, Carcass était devenu démodé. Le problème devenait la manière dont
sonnait Carcass alors qu'ils avaient signé Carcass après "Heartwork"
qui n'est vraiment pas commercial. Alors à quoi s'attendaient-ils ? Ils voulaient que je
change ma manière de chanter.
Est-ce vrai qu'ils t'ont demandé de prendre des cours de
chant ?
Oui, mais je n'en ai jamais eu l'intention. C'était absurde
! Carcass s'est toujours préoccupé des raisons qui faisait le public nous aimer. Ils
voulaient changer le son du groupe, quel était l'intérêt ? On n'est pas contre le fait
de changer et de progresser mais il faut que cela soit naturel. Et me transformer en James
Hetfield n'était pas une voie que nous voulions suivre.
Il y a comme un paradoxe, "Swansong" est
votre album le plus accessible et Columbia ne le trouvait pas assez commercial...
Pantera a eu le même problème avec "Far Beyond
Driven", la maison de disques ne le trouvait pas assez commercial et pourtant,
il a cartonné. Quand Sony a sorti "Heartwork" aux USA, nos ventes ont
triplé, mais ça n'était encore pas assez. Cela aurait été bien pour un indépendant
mais pas pour une major. C'est d'autant plus tordu que Sony Japon et Europe étaient
prêts à le sorti mais Sony USA n'en avait rien à faire.
Comment s'est passé le retour chez Earache ?
Nous avons pris contact avec Earache et avec Music For
Nations, et finalement Earache offrait plus d'argent et une sortie américaine. Ce qui est
marrant, c'est que les directeurs artistiques de Columbia ont proposé à Monte Conner de
Roadrunner de sortir l'album. Même s'il a dit à Alex de Fudge Tunnel que c'était un
super album, Roadrunner ne tenait pas à sortir un album posthume et craignait qu'on ne se
sente pas concerné.
Comment présenterais-tu "Swansong" aux
anciens fans de Carcass ?
C'est toujours du Carcass même s'il sonne plus accessible et
plus rock'n'roll. De nos jours, la plupart des groupes essaie d'être plus brutaux, plus
extrêmes, mais nous on a tenté l'inverse.
Je ne suis pas d'accord, la plupart des groupes de death
ralentissent et deviennent plus mélodiques et heavy (Gorefest, Sentenced...)
Nous, on ne voulait plus refaire un album du type de "Heartwork"
avec ce mur impressionnant de guitares. "Swansong" est beaucoup plus
dépouillé, il n'y a que deux pistes de guitare, la basse est plus présente, plus comme
un véritable groupe. On ne souhaitait pas surenchérir dans les guitares heavy, nous
l'avions fait sur "Heartwork", et rentrer dans cette compétition
puérile. On préférait se concentrer sur les chansons.
Pourtant, je trouve que sur certains titres, vous utilisez
des riffs un peu éculés...
Tu sais, notre but était d'enregistrer un album plus rock.
Presque tout a été fait en death metal et cela ne nous intéressait pas de poursuivre
dans cette direction. Au départ, Carcass a apporté quelque chose à la masse des
groupes, cela ne sonnait pas comme une pâles copie d'un autre groupe. On voulait faire
quelque chose de plus simple car c'est comme ça que sonne la plupart des bonnes musiques.
On ne peut pas toujours continuer dans la même direction. Si on veut faire quelque chose
de rationnel, on prend ses influences à droite, à gauche et cela évolue mais on ne
reste pas à jouer des trucs techniques qui ne mènent à rien.
Le titre "Keep On Rotting In A Free World"
est un clin d'il à Neil Young ?
Cela pourrait...
Vous avez remixé Björk, c'est assez surprenant ?
Il y a quelque temps, elle en avait un peu marre de la dance
music, elle était plus attirée par les groupes avec de grosses guitares et une attitude,
de plus elle avait dit connaître Carcass. Notre attaché de presse a alors contacté sa
maison de disques. On trouve ce remix sur le single "Hyperballad".