LES NOUVEAUX FAB-FOUR
Article rédigé par Emmanuel Potts, paru dans le Hard Force Magazine de mai 1992
L'ultime, vous savez à quoi ça ressemble ? A priori,
seuls Nicolas Hulot et les thrashers - dans leur discipline respectives - connaissent et
le côtoient au quotidien. Parmi ces cascadeurs de l'extrême, les nouveaux fab-Four de
Liverpool, Carcass. Leur registre est un tantinet plus provocateur que celui des
grands-pères de la pop : leurs textes évoquent de vrais problèmes comme la vivisection
sur fond gore. Les étiquettes seules changent : bienvenue dans le monde du grindcore.
Comme le veut la tradition, tout débute en démo, nous sommes en 1985 et la formation
s'articule autour du guitariste Bill Steer, du bassiste Jeff Walker, de Ken Owen à la
batterie et du chanteur Sanjiv. La précarité du groupe, ce grand tempérament de
bohémiens, les poussent à la dispersion : Sanjiv est en vadrouille, Steer travaille avec
les maîtres Napalm Death pendant qu'Owen planche encore au bahut. C'est sous la forme
d'un trio qu'en 1987 Carcass lance "Reek Of Putrefaction" qu'ils
définiront plus tard comme "l'un des pires albums de
tous les temps" pour sa production critique. "Il y a pas mal de bons riffs sur "Reek..." mais
ils ont presque tous disparus à la production". Lucides,
ils avouent : " Nous avons créé une monstruosité
". Deux ans plus tard, les récidivistes offrent en
pâture aux acharnés d'incubations et autres pratiques contre nature l'album "Symphonies
Of Sickness". Satisfaction totale chez les musiciens. Porté par un mouvement
naissant et croissant, Carcass arpente les routes britanniques en compagnie des cultes
Death. Leur structure se voit d'ailleurs renforcée par l'arrivée d'un nouveau
guitariste, Mike Amott (ex-Carnage). Rodé par la scène, le groupe aborde avec un
professionnalisme grandissant et un effet de soutien du public qui laisse les centristes
du bruit pantois l'enregistrement d'un troisième LP sobrement intitulé "Necroticism
- Descanting The Insalubrious" sous la production de Colin Richardson (Napalm
Death, Discharge). Violence absolue qu'ils estiment "brutalité sophistiquée",
les quatre musiciens se font de jour en jour les porte-parole d'un courant qui, loin de
faire l'unanimité, recherche une reconnaissance, quelle qu'elle soit. "Carcass est un groupe bourré de paradoxes. La lourdeur a toujours
été notre priorité. D'ailleurs, l'existence même de Carcass repose sur la lourdeur.
C'est pour ça que nous baissons la tonalité du si quand nous nous accordons. Nous
pensions que nous pouvions avoir un son clair en studio tout en restant accordés avec une
tonalité basse. Les buts de Carcass sont à la fois musicaux et textuels. Le défi à
relever est d'innover à l'intérieur d'un champs d'action restreint". Sérieux ou dérision, l'appréhension du répertoire est laissé à la
libre appréciation de chacun. Les titres parlent d'eux-mêmes : "Exhumer pour
bouffer", "Symposium de la maladie", "Puanteur de
putréfaction"... Hymne pour un fossoyeur !