AMERS ET TORDUS
Interview de Jeff Walker et Michael Amott menée par Par James Sherry, parue dans le Metal Hammer spécial thrash n° 1 de mars-avril 1992
Les membres de Carcass se foutent royalement de la façon
dont ils sont perçus par la communauté métallique, ils n'en font d'ailleurs pas grand
secret. Metal Hammer est donc allé discuter avec les marchants de bruit que sont Jeff
Walker et Michael Amott, pour voir s'ils étaient aussi amers et tordus que certains
veulent bien le faire croire.
Carcass est un groupe spécial et différent. En comparaison avec les diverses modes,
tendances et mouvements qui infestent jour après jour la scène thrash-death, Carcass
représente une bouffée d'air frais en termes d'originalité et de créativité. C'est ce
qui arrive lorsqu'on permet à un groupe de mûrir plutôt que de lui faire prendre
n'importe quel train en marche, pour imiter ce qui vend à un moment donné.
Ce phénomène n'est-il pas essentiellement imputables
aux groupes de death-metal ?
Jeff Walker : Ce qui fait la
différence avec Carcass, c'est que nous avons tous écouté du hardcore à un moment ou
à un autre. Bill et Ken ont grandi en écoutant du métal, tandis que Michael et moi
écoutions des trucs comme Discharge ou Anti-Cimex. Nos influences ne viennent pas
uniquement du rock...
Michael Amott : On n'a rien à
voir avec tous ces groupes de chez Roadracer par exemple. Je crois même qu'on les
surpasse largement, de la tête et des épaules...
Cette vérité ne fait peut-être pas preuve d'une grande
modestie, mais elle est bien souvent méritée. Le label Earache Records, dont Carcass est
issu, ainsi que bien d'autres groupes extrémistes, a connu un succès plus que notable
ces dernières années. Après avoir démarré en distribuant de petits combos hardcore,
le label et son créateur Dig ont traversé toutes sortes de péripéties pour finalement
générer un nouveau courant, avec des fans qui appréciaient autant le label que les
groupes.
Quel effet cela vous fait-il de faire partie de ce mouvement
?
Jeff : Je vois très bien de
quoi tu parles. Tu sais, c'est déjà arrivé plusieurs fois dans le passé : Neat, Sub
Pop, Clay, ou Crass...
Michael : Je pense que ce
mouvement va s'éteindre petit à petit parce que Earache se diversifie de plus en plus.
Tous les fans du label ne se reconnaîtront pas forcément dans tous ses futurs produits,
comme John Zorn ou Godflesh.
Jeff : Nous n'avons pourtant
rien à voir avec tous ces groupes. On ne sent pas tellement impliqués par un quelconque
phénomène Earache. Si le label tient à faire sa propre pub là-dessus, on n'y peut
rien, mais ce n'est pas l'image de nous-mêmes que nous cherchons à donner...
Pourtant, Carcass fait indubitablement partie de ce
mouvement. La seule raison qui fait que des groupes comme Morbid Angel ou Napalm Death
sont aujourd'hui plus connus tient surtout au fait qu'ils ont sorti un bon album au bon
moment, ce qui ne fut pas le cas de Carcass...
Jeff : C'est un peu comme au
temps des punks, où des tas de groupes se formaient et essayaient d'imiter leurs idoles.
Ce n'est pas vraiment qu'on nous a ignorés, vu que le groupe a toujours eu un public
underground. Mais tous ces autres groupes ont pu sortir leur album au bon moment et pas
nous. Et soyons sérieux, tout ce foutu cirque rock'n'roll n'a qu'un seul but : sortir un
disque. Tous ces groupes ont complètement pillé nos idées. C'est notamment le cas de
groupes avec qui on a tourné, qui savaient donc ce qu'on voulait faire pour notre
prochain disque, et qui ont essayé de le faire eux-mêmes avant nous. Le plus drôle,
c'est qu'ils ont tous manqué leur coup !
C'est vrai qu'on pourrait aisément dire que ce qui manque le
plus aux groupes de death-metal, c'est avant tout des idées et de l'originalité...
Jeff : Leur conception de
l'originalité consiste à mettre trente secondes d'intro au clavier avant chaque morceau
! Si la scène death-metal veut survivre encore quelques années tout en continuant
d'être prise au sérieux, alors les groupes, comme dans le heavy-metal en général,
doivent commencer à essayer de franchir certaines frontières, et à expérimenter divers
styles avec des idées neuves. Carcass est l'un des rares groupes qui a déjà commencé
cela avec un son frais, cru et vivant... comme une huître !