SONY M'A TUER
Interview de Jeff Walker et Michael Amott menée par Par Manuel Rabasse, parue dans le Hard'n'Heavy de Juillet - Août 1996
Carcass n'est plus. Plus d'un an après la fin des
enregistrements de Swansong, le cinquième et dernier album du groupe, Hard'n'Heavy a
rencontré Jeff Walker, venu malgré tout assurer la promotion du disque. Il nous relate
les mésaventures discographiques de Carcass, ou comment une maison de disques peut tuer
un album dans l'uf...
Après Nivek Ogre, le chanteur de Skinny Puppy qui venait parler, il y a quelques mois, de
son groupe alors même que celui-ci était officiellement dissous, c'est au tour de Jeff
Walker, chanteur et bassiste de Carcass, de traverser la Manche pour causer de Swansong,
le cinquième et dernier "vrai" album de la formation liverpuldienne. Un disque
prêt à sortir depuis plus d'un an, comme le musicien l'avait expliqué à Hard'n'Heavy
lors d'une précédente entrevue, fin 1994 (HNH n°11), alors que l'avenir semblait une
route pavée de pétales de rose. Les choses ont bien changé depuis, comme nous le
précise un Jeff Walker évidemment désabusé.
Cela fait bien un an maintenant que l'on attendait des
nouvelles de Carcass. Qu s'est-il passé depuis notre dernier entretien ?
Et bien, nous avons fini d'enregistrer le successeur de Heartwork,
nous avons donné les bandes au bureau new-yorkais de notre maison de disques, Columbia
US, une filiale de Sony et puis... voilà ! Le label a fait traîner les choses pendant
près d'un an, sous prétexte que le disque n'était pas assez commercial, que le climat
n'était pas favorable, le public américain ne s'intéressant qu'au grundge, aux
Presidents Of The USA, à Offspring, blah blah blah. Ils ont fini par nous rendre les
bandes et nous libérer de notre contrat. Le plus drôle étant que, dés ce moment-là,
nous avons été contactés par les branches japonaise et anglaise de Sony qui voulaient
reprendre l'album en licence pour le sortir localement ! Incroyable, non ?
Effectivement ! Comment expliquez-vous ce "merdier"
invraisemblable ?
Oh, il y a plusieurs raisons à cela. La première est un
problème de bureaucratie. Sony est une structure gigantesque, avec un nombre
incommensurable de personnes qui sont là avant tout pour le pouvoir. Avant d'être
signés directement, tout allait bien. Et puis dés que l'encre a été sèche, le
directeur artistique qui nous avait signés, s'est fait virer et nous avons eu affaire à
un premier de la classe qui me conseillait d'aller prendre des cours de chant. Nous avons
bien essayé de lui faire comprendre que si Heartwork s'était vendu à 80 000
exemplaires aux Etats Unis, ce qui était beaucoup pour un groupe comme Carcass, c'était
parce qu nous avions ce son là. Il est probable qu'en fait, les responsables auraient
voulu que nous sonnions comme Alice In Chains ou Corrosion Of Conformity (qui est déjà
disque d'or). Ce qui, entre parenthèse, a quand même coûté huit dollars par CD vendu,
en promotion et marketing. Enfin, nous ne nous en sommes pas trop mal sortis. Nous avons
récupéré notre contrat avec une indemnité ainsi que les bandes que nos avons fait
éditer par Earache...
Une grosse perte de temps en somme !
Nous avons perdu la bataille (rire amer) !
C'est vrai que les dernières nouvelles parlaient du départ
de Bill. Qu'en est-il, au jour d'aujourd'hui ?
En fait, cela remonte à l'été dernier. Nous avions eu une
conversation avec cette personne de Sony qui nous avait dit, dans son bureau, que c'était
le meilleur disque que nous avions fait, avant de nous demander, un peu plus tard, dans un
bar d'en face, si nous pensions que cela pouvait réellement être diffusé sur les radios
américaines. Comme si nous faisions des disques pour qu'ils passent en radio aux USA !
Bill en a eu assez de ces problèmes, plus le fait qu'il soit dans un trip rétro 70's, un
peu comme Mike Amott (guitariste ayant officié dans Carcass de 1990 à 1993...) avec son
groupe, les Spiritual Beggars. Bill ne jure plus que par Cream et Free. Je crois qu'il en
a assez du côté agressif de la musique. Déjà pendant l'enregistrement, il était là
avec ses CDs de Led Zepellin à nous dire "oh les gars, il faut qu'on enregistre
live, tous ensemble !". Cet album (Swansong) est vraiment le résultat d'un
compromis. Nous avions enregistré dix-sept chansons, je voulais qu'elles soient toutes
mises sur le disque et en fait, douze seulement ont été conservés. Et pas mes
préférées, loin de là !
Seront-elles diffusées un jour ?
Je pense qu'Earache va sortir une sorte de compilation un de
ces quatre.
En bref, Carcass, c'estfini ?
Absolument. Sans Bill, cela ne rime plus à rien. Et de toute
façon, j'ai eu ma dose de Carcass. Vers la fin, tout ce que je faisais était
systématiquement remis en question par Bill et le manager. Mais je continue à jouer avec
Ken (Owen, batterie) et Carlo (Regadas, guitare). J'ai un nouveau groupe qui s'appelle
Black Star.
Qui sonne, comme le démontre, paradoxalement, la bande démo
opportunément distribuée par l'homme, assez 70's, même si c'est plutôt du côté de
Thin Lizzy, voire de Rose Tatoo que lorgne cette étoile noire là. A suivre ?