LES HIPPIES D'AUJOURD'HUI

Interview de Lee Dorrian menée par Phil Pestilence, parue dans le Hard Rock Mag de août 1993

En deux albums magistraux, Cathedral, qui compte dans ses rangs des anciens Napalm Death et Acid Reign, a su régénérer complètement la scène grind/death britannique. Une recette, la puissance. Une influence, Black Sabbath. Une valeur, le heavy metal... Servez-le pur !

Une facétie supplémentaire pour ce combo gothique dominé par l'ex-vocaliste des furieux Napalm Death, Lee Dorrian, l'annulation du concert parisien de Cathedral le mois dernier. Officiellement, le guitariste Adam Leehan était victime d'atroces douleurs auditives qui l'empêchaient, c'est gênant, d'approcher les amplis. Pratiquement, les Toulousains ont connu plus de réussite que leurs collègues de la capitale puisque, dans le bain de mélancolie que l'on imagine, ils ont pu tester en exclu-lu-lu les saines variations doom du phénoménal "The Ethereal Mirror", le second disque de ces fers de lance d'Albion. Cette première tournée européenne en tête d'affiche (Sleep en première partie) n'a donc pas connu le destin doré qu'on pouvait prévoir, mais le fier Lee Dorrian nous a quand même tout raconté, juste avant son départ pour les Etats-Unis.


Où en est, selon toi, le heavy metal ?
Il revient en force. Chassez le naturel et il revient au galop ! Les musiciens de heavy ont pratiquement tout expérimenté ces dix dernières années, et pourtant ça n'a pas vraiment débouché sur un courant susceptible d'assurer la relève du heavy. A ce titre, avec une musique aussi lourde et puissante que la nôtre, je pense qu'on doit incarner l'archétype même du heavy metal des années 90.

Pour la première fois, vous avez rencontré votre public en Europe. De quel genre de fans se compose-t-il ?
C'est assez variable. Il y a autant d'anciens fans de Black Sabbath que de gens qui écoutaient du death metal il n'y a pas si longtemps. Nous-mêmes sommes de grands admirateurs du Sabbath des seventies, c'est donc un vrai honneur que de jouer devant ce type de personnes. Elles nous ressemblent. En même temps, la scène death metal paraît tellement stagnante en ce moment que les habitués recherchent de nouvelles valeurs et d'autres émotions. Les sentiments n'existent pas dans le death, il s'agit juste d'exprimer la violence et l'agression. En ce qui concerne Cathedral, nous avons les moyens de sensibiliser les jeunes d'une autre façon.

Mis à part cette soudaine maladie du guitariste Adam Leehan, avez-vous vécu d'autres mésaventures ?
Oui, je me suis ouvert le crâne le jour de mon anniversaire. J'étais tellement bourré que je me suis ramassé sur le sol et j'ai toujours la cicatrice sur le front. Ce ne fut que l'un des épisodes d'une tournée marquée par l'alcool...

Vous voulez dire que vous buvez tout le temps en tournée ?
Avant et après le concert... Et le matin aussi d'ailleurs ! On essaie de ne pas trop boire de bière, une fois sur scène, parce qu'on risquerait de s'écrouler, mais quelques canettes juste avant le concert, ça ne fait pas de mal. Ca détend et ça permet un peu plus de folie pendant le show ! Je crois qu'il est souvent plus évident de créer une ambiance lorsque tu ne tiens pas compte du public devant toi. Tu vois ce que je veux dire ? Si tu montes sur scène totalement sobre, avec comme unique préoccupation d'observer ce que les gens pensent de toi, tu finis par devenir paranoïaque.

Vous semblez être des types très paisibles dans le fond...
Yeah... On est dans le genre "disco". On sort souvent dans des boîtes qui programment de bons vieux disques disco des années 70. On adore ça, car les gens qui se retrouvent là perçoivent tous la même vibration. Ils se sentent réellement impliqués par la musique. C'est cool. Tu sais, ça n'est pas très bon de se rendre dans le même vieux club de rock toutes les semaines. Ca finit par devenir routinier, et donc ennuyeux. Il faut changer d'atmosphère.

On aurait presque tendance à vous prendre pour des hippies...
Ouais, c'est exactement ça. Nous sommes des hippies noctambules...

Sur scène, on vous a vu porter des ponchos. Tentez-vous d'instituer une nouvelle mode vestimentaire dans le metal ?
Ouais, pourquoi pas... Mais la musique doit demeurer l'argument principal. Maintenant, si les gens souhaitent se saper comme nous, qu'ils n'hésitent surtout pas. Il ne s'agit pas de travailler ou d'imposer une image. On est des mecs vraiment cools et sans arrière-pensées.

Demain, tu pars en tournée promotionnelle à travers les Etats-Unis. La presse te paraît-elle nécessaire pour transmettre le message de Cathedral ?
Pas vraiment, en réalité. Notre musique résume tout le concept de Cathedral. Pas besoin d'en rajouter. En revanche, les articles et les radios aident considérablement à te faire connaître, à t'exposer au maximum. Généralement, les journalistes ne nous comprennent pas vraiment. Mais ce n'est pas très grave car, la plupart du temps, nous n'arrivons pas à nous comprendre les uns des autres. Après cette série d'interviews, dans une dizaine de jours, nous partons au Japon pour une tournée de quinze jours. Ca nous semble beaucoup plus important.

Tu y étais déjà allé à l'époque où tu chantais au sein de Napalm Death. C'est un bon souvenir ?
Excellent ! Notre dernier show à Tokyo fut également le dernier de ma carrière avec Napalm... C'était donc plutôt réjouissant.


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