REINCARNATION

Interview de Lee Dorrian, Gary Jennings et Brian Dixon menée par Manuel Rabasse, parue dans le Hard'n'Heavy d'octobre 1995

Après deux ans et demi d'absence discographique, Cathedral est de retour avec Carnival Bizarre, le troisième opus sur lequel apparaissent une nouvelle section rythmique et quelques invités de marque. Hard'n'Heavy a rencontré Lee Dorrian et Garry Jennings, lors de la soirée de lancement de l'album dans une vieille prison londonienne.

A l'instar d'un Kreator, le groupe de Lee Dorrian, qui fut l'historique vocaliste du premier Napalm Death, nous revient en cet fin d'été avec un nouvel album qui succède à un trop long silence, même si Cathedral s'est avéré un peu plus présent sur le front scénique, assurant entres autres la première partie de Black Sabbath en 1994 ou la deuxième position sur l'affiche du package insensé (six groupes !) qui accompagna la tournée européenne de Deicide au printemps dernier. Sur le plan discographique, rien depuis la mi-92 si ce n'est le déconcertant EP "Statik Magik" en 1994 et la réédition en CD de la séminale première démo du groupe, In Memoriam, sur le propre label de Lee, Rise Above. On sait que, depuis déjà quelques temps, la formation de Dorrian et du minuscule guitariste Garry Jennings s'est musicalement éloignée des préceptes strictement doom qu'elle avait d'ailleurs grandement contribué à ressusciter et à rajeunir dans sa première incarnation. Et l'on pouvait se poser quelques questions quant à l'avenir d'un groupe soutenu par un noyau résolu mais dramatiquement limités de fans indécrottables.


Lors de notre précédente rencontre en mai dernier, à l'occasion du festival Megafolies, vous veniez tout juste de recruter une nouvelle rythmique. Et là, à peine trois mois plus tard, le disque est terminé et prêt à être lancé sur le marché. Vous n'avez pas traîné en chemin !
Lee Dorrian : Tu n'imagines pas le soulagement que cela représente d'avoir enfin un nouvel album, après deux ans et demi de tergiversations, de problèmes avec Columbia USA et de line-ups amovibles. Nous n'en pouvions plus de jouer encore et encore "Enter The Worms" et "Funeral Request". Alors, dés que les deux nouveaux ont été prêts (Leo Smee, ex-Trepass, bassiste et Brian Dixon, batteur), on leur a donné une démo des nouveaux morceaux et on a foncé en studio.

SPECIAL GUESTS
Et vous avez un invité de marque ?
Brian Dixon : Absolument ! Tony Iommi est venu faire un solo de guitare sur "Utopian Blaster", et c'est la première fois, à ma connaissance, qu'il joue hors de Black Sabbath.
Gary Jennings : On a aussi emprunté la voix de Vincent Price pour illustrer "Hopkins (Witchfinder General)". C'est incroyable, non ?

D'où vient cette instabilité de la section rythmique, êtes-vous si difficiles que ça à vivre ?
Gary Jennings : Le problème qui se pose depuis plusieurs années, c'est que nous n'arrivons pas à trouver de musiciens en Angleterre. Tous ceux qu'on a eu étaient américains. Et c'est simplement impossible à gérer. Earache, notre maison de disques, n'a pas les moyens de nous payer des voyages transatlantiques pour aller répéter tous les quinze jours à Chicago, et le groupe ne rapporte pas assez d'argent pour qu'on puisse offrir à ces musiciens de venir s'installer en Angleterre dans de bonnes conditions. C'est ce qui s'est passé avec Scott et Dave, les derniers en date. Pour Joe Hasselvander et Victor Griffin, les deux musiciens de Pentagram, c'est un peu différent. Victor est quelqu'un d'assez irascible, qui s'énerve facilement au bout de deux verres. On a été obligé de le virer. Et Joe, après la tournée Sabbath, est reparti jouer avec Raven. Heureusement, nos dernières recrues sont anglaises, on peut donc espérer qu'elles resteront un peu plus longtemps !

ACCIDENT
Vous existez depuis six ans, vous sortez difficilement un troisième album et en plus votre succès initial a tendance un peu à s'effriter. Tout cela doit être un peu frustrant à force ?
Gary Jennings : On en avait assez de jouer les mêmes titres, ça c'est certain, mais en ce qui concerne le succès, ça n'a aucune importance. Grâce à Cathedral et Rise Above, on a réussi à rencontrer et à jouer avec la plupart des gens qu'on admire. Rends toi compte qu'on a tourné avec Black Sabbath, Trouble, St Vitus, on a eu deux membres de Pentagram dans le groupe, ainsi qu'un musicien de Penance. C'est incroyable ! C'est vraiment devenu un rêve devenu réalité pour nous. Le fait que nous ayons perdu pas mal de fans du début parce qu'on essaye de faire des choses plus mélodiques et pas seulement des morceaux de dix minutes avec un pauvre riff et un coup de caisse claire toutes les trente secondes est, on le sait bien, inévitable. Nous ne nous attendons pas à ce que les gens adhèrent à 100 % à ce que nous faisons. Nous avons pu aussi commettre des erreurs. Mais faire du doom pour nous, c'est avant tout être honnête et sincère. Je ne cherche plus systématiquement à écrire des morceaux complètement déprimés comme en 1990. Il y a d'autres façons d'exprimer les mêmes sentiments, en évitant de se référer systématiquement à quelqu'un d'autre, savoir si on joue plus vite ou plus lentement que son voisin. Tu sais, quand Lee était dans Napalm Death, le fait que le groupe ait joué si vite est presque un accident. Mick Harris, le batteur, n'arrivait pas à jouer ce qu'on lui demandait et c'est quasiment par erreur qu'il a inventé ce drumming si rapide. Napalm ne cherchait pas à être le groupe le plus speed de la terre.

Et si Cathedral n'est plus le groupe le plus lourd de la terre, il n'en reste pas moins l'un des plus singuliers. Bienvenue au Carnaval Bizarre.


Retour