DISQUE A DISQUE

Interview de Lee Dorrian menée par Angel Offdess et Nathalee Noguera-Vera,
parue dans le Hard Rock Mag de octobre 2002


Nous avons soumis Lee Dorrian à la terrible épreuve du disque-à-disque. Un incontournable pour une carrière telle que la sienne !

Napalm Death / Scum (1987)
C’est mon tout premier disque. Il s’agit d’une histoire un peu inhabituelle car j’étais un grand fan de Napalm Death avant qu’ils me demandent de les rejoindre ; je les avais vus une cinquantaine de fois en concert ! Je n’ai droit qu’à une seule répétition, la veille de l’enregistrement, pour travailler la face B sur laquelle j’apparais. Je n’avais jamais mis les pieds en studio avant, et pendant les prises, Mick (Harris, le batteur) se tenait devant moi et me faisait de grands signes ! Nous avons enregistré le tout en quelques heures. Nous ignorions alors l’ampleur qu’allait prendre un tel album ; et lorsque John Peel, l’animateur de Radio 1 (mon héros !) a commencé à programmer l’album, les choses se sont précipitées. L’attention de toute la presse s’est alors focalisée sur nous et nous a pris par surprise. C’est devenu problématique par la suite (y compris pour moi).

Napalm Death / From Enslavement To Obliteration (1988)
Avec la notoriété acquise par Napalm Death grâce à Scum, il était indispensable pour nous de ne faire aucun compromis et de devenir le plus brutal possible. C’était mon premier rôle en tant que frontman et j’en ai vite eu ras-le-bol de l’étiquette qu’on nous collait. Nous ne faisions pas de cinéma ; la musique était très réfléchie, mais notre attitude était sincère. Nous étions issus de la scène punk anar, et petit à petit, certains membres du groupe ont commencé à l’oublier… Je suis, malgré cela, extrêmement fier de ce disque, aussi bien du point de vue de la musique et des textes qu’artistiquement.

Napalm Death / Mentally Murdered (1989)
De nos jours, Napalm Death est devenu une institution en Angleterre, mais plutôt pour de mauvaises raisons, tout du moins en ce qui me concerne. A peine deux ans après l’enregistrement de Scum, je commençais déjà à déchanter. J’étais conscient que ça allait être mon dernier enregistrement avec le groupe pour des raisons artistiques, politiques et relationnelles. C’est probablement le disque le plus agressif et musicalement structuré de Napalm Death auquel j’ai contribué.

Cathedral / In Memoriam (1990)
Ce sont les touts premiers enregistrements de Cathedral et ils reflètent les origines extrêmes et primitives du groupe. Notre unique obsession était de jouer le plus lentement et heavy possible ! Nos influences étaient St Vitus, Winter, les premiers Melvins, Swans, Gore, Trouble, Black Sabbath. Nous voulions juste prendre ces influences et les porter à leur paroxysme.

Cathedral / Forest Of Equilibrium (1991)
Cet album est très spécial pour moi et il est sans doute mon préféré. Il est le prolongement de In Memoriam, mais plus approfondi et abouti, avec plein de paliers et de mystères. Toujours très extrême et très lent, cet album est une vraie réussite de hardcore doom du début à la fin. L’atmosphère et le feeling entre musiciens y sont très particuliers, voire uniques.

Cathedral /Soul Sacrifice (1992)
Cet EP représente un virage important pour le groupe car une partie de l’image funèbre que nous véhiculions cède la place (toutes proportions gardées !) à davantage de rythme et de groove. Nous nous sommes surpris nous-mêmes lors de l’enregistrement de « Autumn Twilight » et « Golden Blood » car nous ne pensions pas être capables de transformer à ce point notre style initial. Ca nous a permis de réaliser à quel point nous n’avions jamais eu peur d’essayer différentes choses autour de notre son et de notre musique.

Cathedral /The Ethereal Mirror (1993)
Grâce à une certaine confiance atteinte sur Soul Sacrifice, nous avons décidé de repousser encore les limites sur cet album. C’était les débuts de notre collaboration avec Columbia/Sony US et nous disposions du plus gros budget jamais mis à notre disposition. Nous n’avons pas vraiment apprécié les conditions d’enregistrement de ce disque car le producteur a commencé à nous dire ce qu’il fallait faire et que nous n’en avions pas l’habitude. Avec le recul, je pense que c’est un album qui a fait avancer le schmilblick dans le metal, et qu’il contient de grands moments de créativité. Il s’agit probablement de notre disque le plus fort. Nous avons juste eu un peu de mal à nous faire à la grosse production dont nous bénéficiions. Nous étions un groupe rebelle, avec des principes underground et nous avons eu du mal à gérer le son plus commercial obtenu. Un album majeur malgré tout.

Cathedral /Statik Magik (1994)
Cet EP est le fruit de notre rébellion à l’encontre d’une major company qui nous avait trompés sur notre liberté musicale. Après la grosse production de Ethereal…, nous souhaitions faire quelque chose de plus barré et épuré. Statik… est le reflet de Cathedral au maximum de sa quête de liberté et proche de la folie ; je pense notamment à « The Voyage Of The Homeless Sapien », un titre de 24 minutes. Je ne sais même pas d’où nous est venue une telle idée. Les drogues, peut être ?!

Cathedral /The Carnival Bizarre (1995)
Avec la fin du contrat avec Sony et la perte en cours de route de deux membres du groupe, la période fin 1993-début 1995 fut plutôt noire pour Cathedral. Mise à part une ou deux tournées (notamment avec Black Sabbath) sur lesquelles nous avions fait appel à des potes musiciens venus nous donner un coup de main en live, le groupe se cantonnait à Gary (Jennings) et moi, aux portes de l’enfer, sans jamais voir la lumière au bout du tunnel, mais déterminés à nous battre. Finalement, nous sommes tombés sur Brian (Dixon, batteur) et Leo (Smee, bassiste) et avons enregistré Carnival Bizarre. Cet album a une certaine fraîcheur et représente le début d’une nouvelle ère pour Cathedral. C’est sans doute mon deuxième favori.

Cathedral / Hopkins (The Witchfinder General) (1995)
Encore un délire entre deux albums de Cathedral. Je pense que ce disque a un peu désorienté le public. Notre souhait était encore de tenter quelques expériences. Le titre « The Devil’s Summit », très influencé par James Brown, a complètement dépassé nos fans de doom…

Cathedral / Supernatural Birth Machine (1996)
Voici le troisième de mes favoris. Il y a beaucoup de raisons à cela, mais la principale c’est qu’il a été fait dans l’urgence. Nous avions passé une année sur la route, composant les morceaux dés que nous avions quelques jours de libres, puis nous sommes entrés en studio enregistrer. C’était très stressant car il m’arrivait d’écrire les paroles cinq minutes avant d’enregistrer les voix ! Tout l’album a été mixé en 24 heures et j’ai même fait des parties de voix une heure avant la fin… Pas mal de gens disent que c’est notre meilleur disque, mais je pense qu’il aurait mérité un peu plus de temps.

Cathedral / Caravan Beyond Redemption (1998)
C’est un album très varié, produit avec un son très naturel par Andy Sneap. Il est bourré d’influences 70’s, perceptibles sur « Freedom » ou « Heavy Load ». Caravan… est sans doute l’album de Cathedral le plus abordable avec plein de thèmes différents. Le côté doom du dernier titre, « Dust Of Paradise », représentait un indice de ce qu’allait être le successeur de cet album…

Cathedral / Endtyme (2001)
Je souhaitais absolument, pour notre sixième album, revenir à ce qui nous a toujours tenu à cœur. Depuis Ethereal Mirror, nous nous étions laissé influencer par une sorte de standard de production. De plus, nous commencions à en avoir par-dessus la tête d’être catalogué « stoner-rock », ce qui commençait à sonner trop gentillet à notre goût. Il était temps pour nous de tout envoyer balader et de sortir quelque chose de nos tripes. Une fois tous d’accord sur la direction qu’allait prendre l’album, nous nous sommes concentrés à mort pendant la période d’écriture. Il s’agit probablement de notre album le plus lourd dans tous les sens du terme.

Cathedral / Seventh Coming (2002)
Après Endtyme, nous nous sommes demandés si nous allions continuer dans la même direction. D’un certain côté, Endtyme marquait la fin d’une période pour Cathedral, certainement aussi car c’était notre dernier disque pour le compte d’Earache. Lorsque nous avons commencé les répétitions, nous nous sommes aperçus que les riffs et notre inspiration étaient plus variés et mélodiques. Puis, nous avons réalisé que certains morceaux étaient très différents du Cathedral habituel, et nous avons persévéré dans ce sens-là, ce qui est devenu un nouveau challenge. Tomber dans la facilité est quelque chose de très ennuyeux après sept albums et douze ans de carrière.


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