PURE ET SURREALISTE !
Interview de Justin Broadrick menée par Fred
Burlet, parue dans le Metal Hammer spécial thrash n° 2 de mai/juin 1992
Ils sont anglais. Ils font plus de bruit que tous les
autres anglais réunis. A eux seuls, ils couvriraient le bruit d'une usine de métallurgie
en Lorraine. Ils sonnent comme un bataillon de marteaux piqueurs en folie. C'est Godflesh,
comme vous l'avez compris. Le nouvel album s'intitule Pure, et selon Justin, il
fait toujours souffrir, mais il est plus écoutable...
Ils sont fous ces anglais ! Ce n'est pas nouveau, on l'avait même toujours su, mais là,
quand même ! Pourtant Justin, dont on ne sait toujours pas dans l'histoire s'il est God
(dieu) ou Flesh (chair) dans son groupe, tient des discours tout à fait cohérents en
apparence...
Pure marque un net pas en avant comparé à Streetcleaner...
Oui, il est beaucoup plus varié. Le précédant était très
oppressant, et Godflesh est un groupe oppressant de toute façon, mais Pure est
plus lumineux, plus spacieux. Musicalement, lyriquement et conceptuellement, il y a plus
de place sur cet album. Mais ce n'est absolument pas commercial pour autant, c'est
toujours du pur Godflesh, l'auditeur souffre toujours en nous écoutant, mais d'une
manière plus agréable je trouve (rires) !
Vous avez inséré des éléments nouveaux dans votre
musique, accentué les samplers...
Oui, nous avons utilisé plus de samplers, et nous avons un
nouveau guitariste aussi. Paul nous a quitté et c'est Robert qui l'a remplacé, il jouait
auparavant dans le groupe anglais Loop. Quand Loop a splitté, il est venu nous rejoindre,
et son style de jeu est très différent de celui de Paul. Mais comme Paul, qui ne jouait
que sur la moitié des morceaux de Streetcleaner, Robert ne joue que sur la
moitié de ceux de Pure. C'est toujours la même idée d'une partie de l'album
qui part dans une certaine direction, et une autre partie qui explore des horizons
différents. Mais Pure est plus homogène que son prédécesseur, il fait plus un
bloc. Il représente moins la désolation, il est moins déprimant, tout aussi plein de
haine, mais plus facile à écouter.
Pourquoi Paul vous a-t-il laissés tomber ?
Je crois qu'il en avait marre de n'être que le deuxième
guitariste du groupe, en fait, et qu'il avait envie de monter son propre projet. Il a
d'ailleurs déjà formé son groupe, et il veut se concentrer dessus. Il avait plus envie
de tenir une position de leader que de rester un peu derrière d'autres gens. Robert au
contraire apprécie cette position, et il fait également des churs avec nous. En
plus, ce qu'il fait au niveau musical convient mieux à l'idée qu'on s'en faisait que les
parties que jouait Paul.
Ne croyez-vous pas que du rock industriel métallique comme
celui de Godflesh aurait plus de chances de marcher aux States, où tournent des groupes
confirmés comme Sonic Youth, Ministry et toute la clique, qu'en Europe où ce style
musical n'a qu'un succès très underground ?
De toute façon, on a toujours été séparé de tous les
mouvements, alors... Certains disent que Godflesh est un groupe industriel ou techno,
d'autres s'écrient que pas du tout, Godflesh est un groupe métallique, bref les gens ne
savent jamais vraiment ce qui se passe ! Cela nous rend à la fois proches et loin de tout
! Les USA représentent néanmoins le plus gros marché de Godflesh. Nous y avons tourné
l'an dernier avec un groupe trop métal pour nous, l'affiche n'était pas très
cohérente. C'était bien pour une introduction, mais la prochaine fois que nous irons, ce
sera justement en support de Ministry.
Le problème ne se pose pas en Europe, puisque vous tournez
tout seuls...
Absolument. Il y aura trois en France début avril dans le
tas... La dernière fois que nous avons joué en France, c'était à Nancy il y a un an ou
deux, et il y avait quarante personnes (rires) ! ! ! Mais ils ont adoré ! ! ! C'étaient
nos quarante vrais fans de la région !
Préfères-tu jouer devant 40 fans assidus ou 400 mecs qui
s'en foutent ? Faut choisir !
Je choisis 400 fans assidus ! ! !
Pourrait-on dire que Godflesh n'utilise délibérément que
des structures musicales minimalistes pour conserve l'énergie maximum ?
C'est une définition qui pourrait coller. Mais notre musique
est quand même assez complexe, malgré les apparences ! Pour résumer la situation,
Godflesh, c'est des riffs très simples, mais une utilisation de la technologie très
compliquée. J'aime le mariage de la guitare et de la technologie, c'est ce qui nous donne
notre puissance.
Si vous n'avez encore jamais écouté ça, il faut essayer,
ne serait-ce que pour la gloire d'avoir vécu une expérience enrichissante de plus dans
votre existence !