GRAINES DE STARS

Interview de Mitch Harris et Christophe Lamouret menée par Sophie Hervier, parue dans le Hard'n'Heavy du mois de mars 2000

Délaissant la violence et la froideur de Embedded, son premier album, Meathook Seed, après une absence de six ans, revient avec un Basic Instructions Before Leaving Earth plus ambiant et mélodique. Entrevue avec les principaux protagonistes : Mitch Harris de Napalm Death et Christophe Lamouret de Out.


En janvier 1993, Mitch Harris et Shane Embury, respectivement guitariste et bassiste de Napalm Death soufflaient tout le monde avec un projet parallèle nommé Meathook Seed, très carré et agressif, incluant grosse guitare et programming, avec une voix non moins étonnante : celle de Trevor Perez d'Obituary. Six ans après, nouvel album, plus électronique où l'on ne retrouve étrangement plus ledit Trevor dans le line-up. Mitch Harris explique : "Lorsque Embedded est sorti, on avait prévu de faire une tournée avec Entombed, Carcass et Cathedral. Avant de partir, Trevor et Donald (Tardy, le batteur d'Obituary et également membre de Meathook Seed à l'époque - ndr) nous ont dit que ce n'était plus possible parce qu'ils devaient faire le nouvel album d'Obituary. Ca leur a pris un an et demi avant que l'enregistrement ne soit achevé. L'album était alors mort à cette époque. Au final, on a fait deux ou trois shows seulement avec eux. Depuis, rien. On ne s'est pas beaucoup parlé pendant ces années. Mais j'ai vu Trevor récemment et c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup. De plus, je vivais en Angleterre et mes idées progressaient de plus en plus vers quelque chose de mélodique. J'ai compris qu'une nouvelle collaboration serait utile." Et c'est ici que le producteur Colin Richardson rentre en jeu. Mitch : "J'ai commencé à chanter mais les lignes vocales suivaient trop les parties de guitares. J'avais besoin de quelqu'un qui puisse mettre le chant en relief. A ce moment-là, on travaillait avec Colin Richardson sur l'album de Napalm Death, Words From The Exit Wound. Il venait juste de finir l'album de Out, X-Position, qu'il écoutait dans le studio. Quand je lui ai demandé s'il voulait bien m'aider sur l'album de Meathook Seed en lui précisant que je n'avais pas de chanteur, il m'a dit : Pourquoi pas Christophe ? Il l'a appelé pour savoir si ça l'intéressait, on lui a envoyé une démo et il a accepté". Il faut dire qu'une telle collaboration est dure à refuser, comme le remarque très bien Christophe. "Au début, j'étais vraiment très impressionné. Mais plus maintenant (rires) ! Napalm Death est un groupe mythique. Quand Mitch m'a appelé, j'étais là : Waow ! Il faut vraiment que je le fasse.' Et en m'appliquant de surcroît. Le plus difficile, ça a été la première fois où l'on a répété en Angleterre. Il y avait tous les mecs de Napalm dans le studio et quand tu vois Shane pour la première fois, crois-moi, tu ne fais pas le fier (rires) !" Il est vrai que le bassiste n'engage pas forcément le quidam à tailler la bavette. Non seulement à cause de son physique assez impressionnant, mais aussi à cause du respect qu'imposent les membres d'un groupe aussi légendaire que Napalm Death. L'analyse de l'évolution de la scène métal par ces vétérans est d'ailleurs (et de fait) des plus lucides. "La progression a été très claire. Tous les courants qui étaient séparés dans les 80's (punk, hardcore, metal, dance music - ndr) se sont mélangés. D'abord avec le métal gothique, puis avec le rap. On est revenu à des visuels très théâtraux, le maquillage et tout ce qui tourne autour de l'image. Le métal est devenu le carrefour de tous les courants. Même de la pop, avec Nirvana ou les Smashing Pumpkins. Le nouveau standard, c'est la guitare lourde. Et pour nous qui faisons ça depuis des années, cette évolution semble positive. Elle nous permet également d'expérimenter davantage." Et puisqu'on parle d'expérimentations te de transformations, on peut se demander ce qui a conduit le Mitch à changer d'orientation avec ce nouvel album ; "Björk ! Depuis six ans, il n'y a rien eu dans la scène m étal ou extrême qui m'ait inspiré. Rien ne m'a paru nouveau ni extraordinaire. Chez Björk, il n'y avait pas de guitare, mais une passion et une énergie exceptionnelles. J'ai aussi beaucoup écouté Cocteau Twins, Dead Can Dance, Aphex Twin et un peu de Killing Joke. De la pop aussi : les Cardigan's, les Cranberries. Et puis, Nine Inch Nails, Sinny Puppy, Lords Of Acid, Jane's Addiction bien sûr et les Smashing Pumpkins. Plein de trucs différents en fait. Mais le lien entre tout ça, c'est que je me suis inspiré de la scène thrash du début (Kreator - Slayer - Celtic Frost - Destruction) pour la rendre plus moderne. J'écoute beaucoup d'autres choses en dehors du heavy. Sur le premier album, je ne savais jouer qu'on seul accord. Maintenant, j'utilise plus de notes. Ca donne un côté plus léger, plus joyeux à la musique. C'est très différent. Un peu comme si cet album représentait le jour et celui d'avant la nuit." Björk , à qui l'album est dédicacé, est donc l'artiste majeure et définitive pour Mitch Harris. Il n'y a qu'à lui en parler pour voir ses yeux s'illuminer. L'a-t-il déjà rencontrée ? "Non" avoue t-il, le regard plein d'espoir, comme si on allait faire rentrer par surprise la petite Islandaise dans la pièce. Et lui a-t-il envoyé l'album ? "Oui" affirme t-il dans un grand sourire. Lui a-t-elle répondu ? " Non. Elle est très occupée ", dit-il un peu dépité, avant de reprendre espoir : "Mais je pense qu'elle l'a écouté." Sans doute, Mitch. Elle aurait tort de ne pas le faire d'ailleurs. Cela dit, comment nos deux amis arrivent-ils à travailler différemment et faire la part des choses entre, d'un côté, leurs groupes respectifs et, de l'autre, ce projet parallèle ? "Rien n'a été planifié à l'avance", révèle Christophe. "Quand on m'a envoyé la démo, j'ai commencé à écrire les textes. Ce qui est marrant, c'est que tout fonctionne très bien naturellement. La semaine dernière, nous avons répété deux fois avant de commencer la tournée. C'était la première fois depuis l'enregistrement que l'on se retrouvait pour jouer tous ensemble. Et tout le monde était à l'aise, bien à sa place." Un processus qui semble avoir été légèrement plus difficile pour le guitariste. "Pendant six ans, j'ai composé des riffs en me demandant si ça convenait mieux à Napalm ou à Meathook Seed. Je n'arrivais jamais à me décider. Et chaque fois que je demandais l'avis de Shane, ce salaud me répondait tout le temps : Napalm (rires). Du coup, je n'avais aucune chanson pour cet album. Tout ce que j'écrivais, je l'utilisais pour Napalm. Et c'était ennuyeux, parce que j'essayais de trouver quelque chose de différent pour Meathook Seed. Maintenant, c'est plus facile puisque notre direction est plus électronique. On peut commencer une chanson à partir de séquences. Et bientôt, j'espère qu'il n'y aura plus de guitare du tout (il lève le pouce)." Tiens, et si Meathook Seed devenait soudain plus important que Napalm Death ou Out. Que se passerait-il ? Pour Christophe, "la question n'est pas là. Je n'y pense même pas. Nous sommes tous deux engagés dans des groupes différents, et je ne pense pas un jour pouvoir laisser tomber Out pour un autre projet, quel qu'il soit. En dehors de la musique, c'est aussi d'amitié dont il est question." "Nous, on vit ensemble depuis dix ans", fait remarquer Mitch. "Jesse, Danny et moi sommes trois américains expatriés en Angleterre, qui avons décidé ensemble de dédier nos vies à Napalm. Rien ne pourra interférer avec ça. Il y a deux ans, on a eu d'énormes problèmes avec notre maison de disques et notre management. Beaucoup de personnes auraient quitté le groupe, mais nous sommes restés ensemble. Et même si Meathook Seed devenait important, je pense qu'on pourrait faire coïncider les emplois du temps des deux groupes". Dont acte.

Vous pouvez afficher la chronique du concert que Meathook Seed avait donné en France ce jour-là en cliquant ici.


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