AVANT GARDE

Article sur les nouvelles formes de métal rédigé par Robert Muller, paru dans le Metal Hammer spécial thrash n° 2 de mai/juin 1992

D'une certaine façon, il est presque gênant de voir à quel point certains musiciens cherchent à tout prix à débarrasser leur musique de tout cliché, et puis comment, ensuite, quelques journalistes prennent un malin plaisir à poser une étiquette sur leur efforts...
Qu'il s'agisse d'industriel, ou dans ce cas précis et inorthodoxe, de l'avant-garde métal, un fait est sûr : aucun de ces groupes ne se considèrent comme un groupe de métal, même s'ils tombent tous sous la définition au sens large du metal band, parce qu'ils recours à des sons de guitare distordus, entre autres. Il est pourtant intéressant de constater que la plupart se réfèrent à quelques héros noisy des eighties comme Killing Joke ou The Swans. Ce qui ne signifie pourtant pas que ces groupes n'aient aucun intérêt pour les fans de métal. De qui parle t-on exactement ? De groupes comme Scorn, Treponem Pal et G.G.F.H. Néanmoins, si vous voulez vous faire une idée encore plus précise de l'avant-garde du métal, vous pouvez aussi écouter Sonic Violence, Godflesh, Ministry ou Pitch Shifter...

SCORN

Après le départ du batteur Mick Harris, le développement musical de Napalm Death a donné naissance à une sorte de bâtard musical nommé Scorn. Il est intéressant de noter au sujet de ce groupe que c'est pratiquement le line-up original de Napalm Death qui s'est ici réuni pour enregistrer le premier album, Vae Solis, et que leur boucan infernal a réussi à surmonter tous les obstacles. Godflesh, le dub, la musique d'ambiance, ainsi que Brain Eno, sont quelques références évidentes... Vae Solis est l'un des disques les plus diversifiés et l'un des moins accessibles actuellement disponibles sur le marché. J'ai rencontré Mick Harris dernièrement à Birmingham, et il en avait tant à me dire que ce qui suit ne peut qu'en constituer un résumé...

C'est en fait ton départ de Napalm Death qui a donné naissance à Scorn. Quelles furent les raisons de ce départ ?
Après l'album Harmony Corruption, que j'avais écrit presque entièrement, j'ai tout à coup réalisé que je ne voulais plus écrire ni même jouer ce genre de musique plus longtemps. Je voulais que Napalm Death essaie quelques nouvelles idées, que le groupe s'ouvre à la musique en général, qu'il utilise des accords inhabituels ou qu'il ait recours à un sampler. Je pensais que Napalm Death arrivait au bout de sa route, mais personne d'autre dans le groupe n'était d'accord avec moi, alors j'ai décidé de garder mes idées pour moi et de former mon propre groupe...

A quoi ressemblaient les débuts de Scorn ?
A la base, ce devait être une boîte à rythmes, un guitariste et deux batteurs. J'ai essayé avec quelques amis de Birmingham mais cela n'a pas marché. C'est alors que j'ai rencontré Justin de Godflesh, il m'a amené Nick Bullen, qui avait joué de la basse sur la première face de Scum. On a fait un autre essai et cette fois, ça a marché. Justin n'est pas un membre permanent du groupe, mais il a joué les parties de guitare sur Vae Solis. Entre temps, j'ai trouvé un autre guitariste. Rien d'autre n'est arrivé depuis. On a fait deux concerts catastrophiques avec Cancer, et on attend maintenant de connaître la réaction à l'album...

Sur quoi est basé le son de Scorn ?
Je pense que Scorn a une forte influence métal, notamment au niveau du style et du son de guitare, comme les premiers Celtic Frost par exemple. Mais Chrome et Helios Creed sont également d'importantes influences. Ce qui compte chez Scorn, c'est que nous voulons expérimenter les sons sur un très large éventail, notamment en ce qui concerne la guitare. Mais la basse et la batterie, toute la section rythmique, ont une importance primordiale également. On travaille sur des rythmes puissants, presque statiques, comme ceux des premiers morceaux des Swans. Avec l'aide du sampler et de la boîte à rythmes, on obtient une densité plus imposante. Sur Vae Solis, on a utilisé des tambours indiens et des instruments à cordes classiques. Mais le noyau de Scorn, ce sont trois personnes qui essaient de jouer une musique aussi intense et dure que possible. Et pour ce faire, on a recours au rock, au death metal, à la musique d'ambiance, à l'acid-house, à l'industriel, aussi bien qu'à divers bruitages. On mélange tout cela pour obtenir le son le plus dur qui soit.

Espérons que Scorn ne sera pas étiqueté comme un groupe post-Napalm Death. Comme Mick l'a dit, les concerts du groupe avec Cancer devant un public death metal furent très décevants. Scorn est un projet musical qui demande une certains ouverture d'esprit. C'est le genre de musique qui exige qu'on se débarrasse préalablement de tous préjugés.
Pour ceux que les quatre-vingt minutes de Vae Solis rebuteraient, je recommande le maxi-single Lick Forever Dog qui propose quelques bribes du répertoire du groupe dans des versions remixées. Et pour ceux qui ne supporteraient pas leur musique pendant plus de trois minutes, une vidéo est justement en préparation pour soutenir le single. Et si tout se passe bien, on a des chances de voir Scorn sur scène dans peu de temps avec Skinny Puppy, le combo industriel canadien.