TEMOIGNAGE DE STEWARD LEE
Ceci est la traduction d'une lettre que Steward Lee avait envoyé à Joachim Ghirotti ; la version originale figure bien sûr sur le site TWISTING THE KNIFE (les commentaires en gris sont de la main de Joachim et non de la mienne).
J'étais en pension à l'école privée de Solihull, dans
le West Midlands, de 1979 à 1986. Les mecs de Napalm Death étaient tous dans l'année
supérieure à la mienne, sauf Nick Bullen, qui je crois était connu sous le nom de Nic
Scab (scab signifie renard en anglais). "Le rat" était un type très sympa qui
avait pour nom quelque chose comme Ratledge ; je crois qu'il est partit à cause de
divergences musicales lorsqu'il est devenu fan des trucs post-punks du début tels que
Southern Death Cult. Je pense que c'était le batteur (oui,
Mick Harris l'a confirmé). Il était petit et mince et avait
toujours le nez qui coulait, mais était une de ces personnes qui auraient pu faire
ressembler un uniforme d'étudiant à une tenue d'épouvantail. Je me rappelle qu'après
la sortie du premier 45 tours de Southern Death Cult, il voulait que Napalm Death aille
plus dans cette direction. Il faut vous souvenir que toute la musique était de la merde
au début des années 80, et bien que Southern Death Cult a fini d'une façon horrible,
c'était une véritable sauvagerie à l'époque et ils paraissaient brillants. Je le
trouvais très cool et j'étais impressionné qu'il vienne me parler. Parmi les autres
membres du groupe, il y avait aussi ce mec qui portait un pantalon en cuir avec une photo
des Damned ; il avait joué le rôle du pêcheur dans la représentation de la pièce
d'Agatha Christie, "Dix petits indiens", qui avait été donnée au lycée. Son
nom sonnait européen ; je me souviens que c'était Darren ou Daryl Fideski. Peut être sa
famille était elle russe, je ne sais pas. Il jouait un peu de guitare avec Napalm Death
première période, ou c'était peut être de la basse. Son héros était Captain Sensible
des Damned (...) Après avoir quitté Napalm Death, il critiquait leurs "morceaux
instrumentaux dans le style de Crass" (...) Il y avait aussi un mec blond avec un
visage plein de tâches de rousseur (...) Il s'appelait Rob quelque chose et je faisais de
la randonnée en montagne avec lui à Wales.
Au moment où ils apparurent sur la compilation Bullshit Detector n°3, les
Napalm Death avaient environ 15 ans. Il est bon d'expliquer que Napalm Death en 1982/3
n'opérait pas hors des paysages urbains cauchemardesques. A part Nick que je ne
connaissais pas du tout, ils étaient tous de la classe moyenne, des quartiers semi-ruraux
de Birmingham, à Solihull. C'est plus près de Stratford, la ville touristique associée
à Shakespeare, que du centre ville. La plupart des Napalm Death étaient des jeunes
sympas de la classe moyenne que vous auriez été heureux de présenter à votre grand
mère. Ce n'étaient pas des guerriers urbains.
De plus, les genres tels que le speed metal, le death metal, etc. n'existaient tout
bonnement pas au début des années 80. Le Napalm Death première période était dans la
veine de Crass, et la différence entre des chansons comme "Traditional society"
[La société traditionnelle] ou "Punk is a rotting corpse" [Le punk
est un cadavre pourrissant] sur leur première cassette démo et l'album "Scum"
est incroyable. En plus, les groupes n'avaient pas de noms comme Extreme Noise Terror [La
terreur du bruit extrême], Cradle Of Filth [Le berceau de la crasse] ou Napalm Death [La
mort au napalm] en ce temps là. Je me souviens que le nom causait plus d'amusement à
l'école - il semblait si exagéré. J'imagine qu'il y a eu une part d'humour dans le
choix de ce nom, mais ce serait présomptueux de dire ça (Non, je ne pense pas, tu as
probablement raison Steward - Web).
Cela ne voulait rien dire pour moi à l'époque, mais la bande des Napalm Death et leurs
potes étaient des mecs plus vieux que nous mais ils étaient cools et aimaient la bonne
musique, alors que tout le monde dans ma classe aimait des merdes comme Saxon, Iron Maiden
et la New Wave Of British Heavy Metal (obs : le propriétaire
de cette page n'est pas nécessairement d'accord avec cette opinion, bien que je pense que
la plupart des disques de Saxon sont de la MERDE ! Et je ne déteste pas Iron Maiden ou
quoi que ce soit. Je les aime un peu, en fait - Web), bien
qu'ils le nieraient aujourd'hui. La dernière fois que j'ai vu D. Fideski, c'était aux
alentours de 1984 pendant un concert des Sisters Of Mercy (Oh mon dieu - comme j'étais
jeune !) et il était sous champignons hallucinogènes.
Je ne les ai vu en concert qu'une seule fois. C'était à la salle des fêtes de Dorridge
vers 1982 ou 1983. Dorridge était un petit village juste à la sortie de Birmingham (...)
; c'était le genre d'endroit où vous auriez pu trouver des rassemblements de louveteaux,
des pièces jouées par des enfants de primaire et les féeries locales de Noël. Cela se
passait à petite échelle. Napalm Death joua devant une bannière qui disait "Le
punk est un cadavre pourrissant" et c'était le titre d'une des chansons qu'ils
interprétèrent. La musique était influencée par Crass. Ils passaient en première
partie de Nobody's Heroes, un groupe faisant des reprises des Stiff Little Fingers et
dirigé par le pote de mon frère, Tim Collingwood. Comme de coutume au début des années
80, il y avaient des punks violents et ils n'ont pas arrêté de taper sur la tête de mon
copain Pete Davis pendant tout le set de Nobody's Heroes, et ayant dans les quatorze ans,
il nous fallut nous enfuir. La violence de ce concert ne faisait pas partie d'une mode
plus vaste au sein de la scène "Grindcore" ou autre. Il n'y avait aucune
scène. Juste des jeunes de 14 ans qui se battaient. J'avais une copie de la démo de
cette époque mais j'ai enregistré autre chose par dessus.
J'ai vu Napalm Death quand ils étaient enfants et qu'ils singeaient leurs idoles, et je
les ai vus se faire cracher dessus par un petit public d'adolescents qui pensaient que
c'était une chose 'punk' à faire. Mais ce qui était impressionnant , c'est qu'ils
figuraient sur un disque et montraient qu'on pouvait faire des trucs... Pour moi, Napalm
Death était un lien entre notre petite communauté restreinte et un monde plus étendu de
possibilités. Et parfois, je me trouve toujours en train de chanter "Traditional
Society", bien que les seuls mots dont je me souviennent soient ceux du refrain
"Traditional Society, Traditional Society, Traditional Society, Traditional
Societ-eeeee !". Je ne sais pas dans quelle mesure cela peut vous intéresser, mais
chaque fois que je lis ou que j'écoute Napalm Death, les créateurs du Grindcore, cela me
stupéfie de me rappeler lorsqu'ils jouaient à la salle des fêtes de Dorridge avec comme
public des écoliers pubères. Même dans leurs pires moments, ils étaient une source
d'inspiration.
Steward Lee