Est-ce
un non-sens d'acheter plusieurs fois
le même album si on est fan ?
Introduction :
Joachim Ghirotti, le webmaster de
Twisting The Knife,
est un ardent défenseur de l’esprit hardcore underground. Il est très sensible
au message général d’indépendance que véhicule Napalm Death depuis des années.
Il considère que posséder plusieurs exemplaires d’un disque de ND est un
non-sens puisque la philosophie du groupe s’oppose à la consommation de masse.
Pour avoir une idée plus précise de sa position, vous pouvez lire un de ses
commentaires (écrit à l’origine sur son site web et dont j’ai fait la
traduction) en cliquant ici.
Je n’avais jamais envisagé la question sous cet angle, je ne pensais pas que
cela pouvait revêtir une si grande importance, et cela m’a remis en question.
Quelque part, je peux être assimilé à un collectionneur. En effet, j’ai
plusieurs fois les mêmes albums sous différents formats, par exemple je possède
"Inside The Torn Apart" deux fois en digipack et une fois en vinyle (cliquez
ici si vous voulez voir ma disco sur ND). Joachim me l’avait reproché et
nous avions longuement débattu de ce thème au cours de nos échanges de mails.
J’ai trouvé cette confrontation d’opinions très intéressante, c’est pourquoi
j’ai tenu à vous présenter ce débat.
Explications supplémentaires sur la
position de Joachim :
Voici ce qu’il ajoutait dans une de ses
lettres :
« Je ne veux pas te dire comment vivre ta vie. Si
tu veux tout sur Napalm, alors tant mieux. Je pense que c’est une démarche
biaisée car c’est une perversion de l’esprit de camaraderie qu’il y avait à la
base dans le hardcore underground. Actuellement, on trouve des fans qui vendent
leur édition picture disc de FETO à plus de 100 dollars, c’est devenu un marché
spéculatif, les prix sont exagérés et cela fonctionne exactement à la manière du
capitalisme que ND dénonce. Quel est le but de chanter "Multinational
Corporations" et de se disputer sur l’acquisition d’un disque que tu as
déjà ? Tu joue LEUR jeu et tu fais exactement ce qu’ILS veulent que tu fasses.
Je suis contre cette forme d’exploitation, cela va à l’encontre de mes points de
vue sur la communauté underground. »
« Je peux comprendre que tu achètes un disque avec des titres bonus, mais
seulement si tu n’as pas déjà ce disque. Si oui, peut être que tu devrais vendre
ta vieille copie. Je ne bloque pas trop sur les illustrations de ND car tu peux
les trouver partout sur Internet ou ailleurs, je ne me situe pas dans une
logique de vénération de l’image. Je suis contre les gens qui achètent la même
chose dans différents formats, tu vois ? Par exemple, avoir Scum en vinyle, en
CD et en cassette. Les chansons sont identiques ! A quoi ça sert ? Je
n’achèterai jamais un disque juste pour la pochette ! C’est anti-Napalm, d’après
moi ils s’opposent à ça. Ils ne souhaitent pas qu’on les vénère ou qu’on dépense
son fric bêtement, ils veulent juste que tu écoute leur musique. Pourquoi est-ce
que tu n’achètes pas les CD et que tu les enregistre sur cassette ensuite ? Ou
faire ça avec les vinyles, mais tu n’as pas besoin des deux formats. Voilà
comment je vois la chose : cela revient à posséder beaucoup de disques qui
pourraient être sur le marché et être destinés à d’autres fans. Tu ne les
sauveras pas en achetant leurs disques deux fois. Tu ne feras que garder plus de
copies pour toi-même, et ces copies pourraient servir pour que d’autres kids
découvrent Napalm. Je pense que c’est bien d’acheter une copie du single
"Nazi Punks Fuck Off", d’abord parce qu’il contient des chansons
introuvables ailleurs et que les bénéfices étaient destinés à des organisations
antifascistes. Mais si le principe est faire de la charité, tu n’as qu’à aller
directement dans des lieux qui ont vraiment besoin d’argent, comme par exemple
un hôpital pour enfants, et faire un don car ce sera plus efficace. Ce que je
veux dire, c’est que personne n’a acheté le single pour faire un don, c’était
uniquement pour les chansons. Des dons, tu peux en faire quand tu veux. »
Pourquoi est-ce que je possède plusieurs copies d’un même enregistrement ?
Les avantages des différents formats
* Les vinyles : Tout d'abord, je dois vous dire que
je suis vraiment fan des vinyles. Quand j’ai commencé à écouter du hard rock en
1987, je n’achetais que ça et j’ai été dégoûté qu'ils disparaissent aux
débuts des 90's. Alors quand j'arrive à mettre la main
sur un vinyle qui me botte, c'est la fête ! Les vinyles ont de grandes
pochettes qui permettent d'afficher un artwork très détaillé (les disques de
Iron Maiden en témoignent) et, concernant Napalm Death, je trouve que ça rend
particulièrement bien. J'adore leurs pochettes et je trouve qu'elles prennent
une autre dimension en 30 centimètres. Même les couleurs diffèrent suivant les
éditions (les couleurs de "Mass Appeal Madness" sont bien plus prononcées sur le
45 tours que sur le maxi). Et des fois, la pochette est complètement différente
du CD (l'édition vinyle de "Order Of The Leech").
* Les CD : Je me suis mis aux CDs relativement tard, vers fin 1993. Depuis, j’ai bien rattrapé mon retard et ce format m'a convaincu... à tel point que j'ai racheté plein d'albums que j'avais déjà en vinyle ! Mais il faut se remettre dans le contexte : à cette époque, je n'avais pas la possibilité d'écouter mes vinyles, j'avais une bonne paye et j'en ai racheté certains au prix fort mais la plupart d'occasion, souvent pour 70 balles. Les avantages du format CD sont évidents : le son est largement meilleur, le support résiste mieux dans le temps et c'est plus pratique, notamment quand on veut emmener des albums chez des potes. Par contre, la pochette est minuscule et globalement, c'est un objet plus 'froid' que le vinyle. Mais ça offre d'énormes possibilités grâce à l'informatique (conversion de fichiers en format mp3) et grâce aux copies gravées - qui sont des clones parfaits, sans altération de la qualité sonore.
* Les cassettes : C'est un format qui m'est familier puisque, ayant commencé le Hard en 1987, il y avait encore beaucoup de tape trading entre hardos (le surnom des métalleux en ce temps !), que ce soit avec mes potes du collège ou avec mes correspondants français / étrangers. Donc, au tout début, j'avais principalement des cassettes recopiées. Si je voulais acheter l'album, je le prenais en vinyle. Ce n'est qu'après le déclin du vinyle, et avant que je ne me mette aux CD's, que j'ai acheté des cassettes originales (en 1992 - 1993). Mais je n'ai jamais été trop branché par les cassettes, la pochette est minuscule et je n’ai pas confiance dans le son (faut dire que je les entretenais mal). Finalement, le plus important, c’est la musique. Si on n'arrive pas à acheter un album mais qu'on peut en avoir une copie, où est le problème ? Personnellement, je préfère avoir ça que rien du tout (même si le son craint à mort). Je connais des fans qui refusent carrément d’avoir de nouveaux enregistrements si c'est sur une cassette recopiée. Pour moi, c’est là où ça devient complètement absurde.
Pas de recyclage
Faut-il revendre les anciens disques qu'on n'écoute
plus ? Certains fonctionnent comme ça, pas moi. Je vends très peu de mes anciens
LP’s car c’est une part de mon parcours et je ne vois pas l’intérêt de les
vendre pour une misère. Et même lorsqu'ils m’ont moyennement plu, je préfère
les garder de côté car ils peuvent révéler leur potentiel des années après leur
achat (j'ai tellement accumulé de disques que j'ai du mal à tout assimiler !).
Faut-il réenregistrer les vieilles cassettes après avoir racheté l'album en version originale ? J'ai essayé mais j’ai eu tellement de mauvaises surprises avec ces putains de bandes qui se démagnétisaient que je ne cherche plus à réenregistrer quoi que ce soit. Après tout, une cassette vierge coûte à peine dix balles. Et puis on peut toujours s'en servir pour le walkman ou le poste de la voiture...
Faut-il revendre les disques qu'on a en double ? Là, c'est différent car les objets sont identiques. Et dans ce cas-là, je ne chercherai pas à les garder. Par exemple, j'ai vendu l'édition vinyle normale de "Fear, Emptiness, Despair" après avoir chopé l'édition vinyle dédicacée. J'ai également revendu la cassette de "Utopia Banished" après avoir acheté le vinyle, et j'ai vendu l'édition CD normale de ce même album après avoir acheté la version digipack. J'ai aussi vendu plein de cassettes originales de groupes divers après avoir racheté les CDs. C’est la différence entre moi et les fans de Madonna ou de Michaël Jackson comme Joachim les désigne.
Quelle est mon opinion à ce sujet ?
Pas de recherche aveugle
Je suis un die-hard fan de Napalm Death et, comme
tout fan qui se respecte, je recherche tout ce que je peux trouver sur ce groupe
(pirates, singles, flyers...) mais je ne me situe pas pour autant dans une
logique de recherche aveugle : je ne cherche pas à acquérir les multiples
éditions de chaque album de Napalm Death : si j'ai la version européenne, ça me
suffit. Je n'irai pas acheter les versions américaines, japonaises ou russes
juste parce que la référence du disque change. Il y a des fans qui le font mais
personnellement, je ne vois pas trop l'intérêt. Si, par contre, il y a des
chansons bonus ou un artwork différent, un petit quelque chose en plus, là ça
m'intéresse. Même chose pour les rééditions : si elles n'apportent rien, pas la
peine de les acheter. Par exemple, je n’ai pas la réédition de "Diatribes" couplée à "Live Corruption" car il n'y
a ni nouveau titre ni nouvelle photo. Même chose pour des produits
assimilés à ND : la compile "Earplugged III" ne contenait que "The Infiltraitor",
il n'y avait pas de photo, pas de commentaires. Alors à quoi bon ?
Pas de spéculation
Actuellement, tout ce que j’acquiers sur ND
(disques, photos, articles dans les mags) est destiné à être mis sur ce site.
Si je dois dépenser 40 balles pour un magazine contenant une interview, y’a pas
de problème… Je suis d'un naturel plutôt dépensier et je claque beaucoup
d'argent dans la musique. Je pourrais chercher à rentabiliser cette activité
mais ça ne me branche pas, principalement parce que je fais cela de manière
désintéressée et que je suis très sensible à cet
esprit de camaraderie dont parle Joachim. Pour moi, la caste métal est à part
dans la société et j’ai tendance à être plus amical avec les métalleux qu’avec
les autres. En aucun cas, je n’arnaquerai un fan de hard en lui vendant un
disque à un prix prohibitif. Le plus gros bénéf que j'ai fait en vendant des
disques, ça devait être 10 ou 20 balles, c'est dire... Et moi aussi, j'ai été
victime de la spéculation. J'ai acheté des disques très cher, trop cher et je
regrette d'avoir cautionné ce système spéculatif.
Un soutien accru ?
Acheter plusieurs fois le même album, ça permet de
mieux soutenir son groupe favori (contrairement à ce qu'affirme Joachim). Et
même si Napalm Death est opposé à la consommation aveugle, ils n'en sont pas
moins des artistes soumis aux mêmes règles que tout leurs pairs : afficher des
scores de vente suffisants afin de continuer à être soutenus par leur label.
Toutes les maisons de disque cherchent à faire des bénéfices, toutes sans
exception, et en ces temps difficiles pour les droits d'auteur (principalement à
cause du téléchargement sur Internet), le sujet est encore plus sensible. Alors
je pense que c'est le devoir de chaque fan de supporter son groupe préféré en
achetant au moins une copie de chaque disque. Avis à ceux qui téléchargent sans
vergogne !
Une autre vision des choses qui vient équilibrer ce débat :
Les mecs de Napalm m’ont mis en contact avec un fan américain du nom de Myk
Japhet. Ce gars est un très très gros collectionneur de Napalm et sa liste de
collectors s’étale sur des pages entières. A tel point que c’en est presque
ridicule (il aura plusieurs éditions vinyles / CDs / cassettes du même album).
Et le truc, c’est que le groupe lui-même participait à l’expansion de sa
collection, soit en lui envoyant directement des versions promos ou collectors
ou en demandant à la maison de disques de lui réserver certains numéros de
série ! Quand Mitch me parlait de ce type, il était plutôt fier et j’en avais
profité pour lui demander s’il ne trouvait pas qu’avoir autant d’albums, ça
n’était pas absurde. Il m’avait répondu que ça importait peu et que cumuler
autant de disques n'était ni risible ni condamnable. Au contraire, les mecs de
Napalm apprécient de voir des fans aussi motivés que lui.
Conclusion :
Vous pouvez voir les choses selon le point de
vue de Joachim, de Myk ou de moi-même, peu importe. Chaque fan envisage cet
aspect des choses à sa manière. Je pense que le plus important est d'écouter
attentivement, honnêtement et avec impartialité la musique des grindeux. Et
c'est le cas de la plupart d'entre nous !